Sud Ardèche
Mas Sophia : des savons artisanaux bio qui privilégient le local !

Installés sur la commune de Labeaume en Sud Ardèche, Pascale et Yves Chauvel produisent des savons et des cosmétiques bio, en privilégiant l’utilisation de leurs propres plantes à parfum, aromatiques et médicinales et l’approvisionnement local. 

Mas Sophia : des savons artisanaux bio qui privilégient le local !
Le Mas Sophia propose toute une gamme de produits : savons solides et liquides, des cosmétiques (baumes, démaquillants solides), eaux florales et huiles essentielles, savons à barbe…

Originaire de Vals-les-Bains, Pascale Chauvel a toujours cultivé une passion pour les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) ainsi que la savonnerie artisanale. Après une quinzaine d’années à travailler comme commissionnaire en douane en Outre-mer avec son mari Yves, originaire de Vagnas, leur retour en Ardèche les mènera à se lancer tous deux dans ces nouveaux domaines d’activité. « Les ports et les aéroports se font rares ici, il a bien fallu se reconvertir ! », ironise Pascale Chauvel. Cette jeune femme fabriquait alors des produits cosmétiques de manière artisanale pour sa famille et ses amis. Leur installation dans une ancienne magnanerie en 2009, au hameau de Champrenard situé sur la commune de Labeaume, lancera leur projet de savonnerie artisanale à base de leurs propres plantes. Le couple dispose alors d’un hectare de parcelle en bio sur place et sur la commune de Vagnas, et prend conscience de sa grande richesse de biodiversité pour la culture de Ppam. « Les plantes aromatiques y sont très nombreuses de manière naturelle et s’adaptent très bien à notre territoire, leurs vertus y sont plus reconnues qu’ailleurs. »

Savoir-faire et saponification à froid

Avant de se lancer dans l’aventure, Pascale Chauvel se forme au CFPPA de Nyons (26), spécialisé notamment sur la culture et la transformation des Ppam, puis au sein de l’Université européenne des senteurs & saveurs (UESS) de Forcalquier (04) où elle obtient également son diplôme professionnel de savonnier. Elle s’oriente, comme de nombreux savonniers artisanaux, vers la saponification à froid pour la fabrication de ses savons durs. Cette technique présente des atouts bien connus, que ce soit pour nettoyer la peau ou pour la nourrir. Elle vise à mélanger un corps gras – des huiles ou beurres végétaux – avec une base dite forte – de la soude pour le savon dur ou potasse pour le savon liquide – afin de produire du savon et de la glycérine, sans perdre les propriétés hydratantes de ces derniers. « Il y a un atout pour le corps car nous mettons plus de corps gras que nécessaire à la saponification, donc les savons nettoient mais nourrissent aussi la peau. C’est aussi une fabrication sans énergie fossile, donc propre et non polluante, à la différence des savons cuits qui sont rincés en fin de processus pour enlever l’excès de soude dont le pH est très élevé », explique Pascale Chauvel. « Le seul inconvénient est que ce sont des savons qui ont besoin de bien sécher entre deux lavages. » Le Mas Sophia fait d’ailleurs partie de l’association des nouveaux savonniers (ADNS), regroupement de savonniers professionnels et de passionnés de tous horizons qui pratiquent la méthode de saponification à froid et une cosmétique raisonnée.

Yves et Pascale Chauvel
Yves et Pascale Chauvel cultivent un hectare de lavandin, sauge officinale, romarin, baies de laurier, thym linalol, calendula et menthe poivrée.

Des plantes aromatiques, safran, miel… d’Ardèche

C’est en 2016 que Pascale et Yves Chauvel mettent en place leurs premières cultures de Ppam en agriculture biologique, destinées à la fabrication de leurs savons et cosmétiques : du lavandin, de la sauge officinale, du romarin pyramidal, des baies de laurier, du thym linalol, du calendula et de la menthe poivrée. Le couple s’approvisionne en plants bio et en graines auprès du pépiniériste Sarl du Tilleul basée à Châteaurenard (13). « Ces plantes rentrent dans l’élaboration de nos propres macérats, que nous incorporons ensuite dans les recettes de nos savons biologiques. Nous récoltons également sur des surfaces validées en cueillette biologique, certaines plantes, comme les baies de laurier. » Leurs plantes sont certifiées Ecocert et transformées via la distillerie de Montclus (30), une partie issue de plantes fraîches, l’autre de plantes pré fanées. Pour la savonnerie, « nous privilégions nos plantes et les approvisionnements en circuits courts ». Ils utilisent notamment le safran de l’exploitation de Romégier à Pont-de-Labeaume, la farine de châtaigne du Gaec Marron Châtaigne et le miel de la Maison Belval, tous deux situés à Bannes, le cocon de soie en partenariat avec le Musée Magnanerie à Lagorce et la magnanerie du Château des Roure à Labastide-de-Virac… « Nous essayons de travailler au maximum en local ! », poursuit Yves Chauvel. Leurs emballages sont fabriqués également par l’entreprise FP Mercure Packaging basée à Saint-Marcellin (38) et leurs étiquettes par l’Imprimerie Coste Et Fils à Aubenas.

Les produits du Mas Sophia sont élaborés uniquement à base d’huiles et de beurres végétaux issus de l’agriculture biologique, issus de l’huilerie Cauvin de Nîmes (30). « Nous ne pourrions éviter de passer par de grandes entreprises de ce type pour des raisons réglementaires, qui imposent toute une série d’analyses d’allergènes, etc. », précise Yves Chauvel. Tournesol, olive, amande douce, karité, argan, ricin, coco… Chaque huile végétale présente des propriétés très différentes, mis à profit par l’artisan savonnier selon le résultat recherché, ainsi que des indices de saponification spécifiques. « Nous élaborons nos recettes selon ces éléments puis ajoutons des huiles essentielles, argiles ou autres ingrédients. Toutes nos recettes sont analysées par un toxicologue. » Ce dernier évalue la conformité des formules cosmétiques de chaque produit pour la santé humaine, avant qu’il ne soit mis sur le marché. Les recettes sont ensuite déposées sur le site de l'ANSM (Agence nationale de sécurité des médicaments).

Image vente en vrac
Le couple développe également la vente en vrac (barre de savon solide à découper directement à l’achat en magasin et bombonne de savon liquide), ainsi que des recharges de produits cosmétiques.

Une forte croissance, vivement concurrencée

Chaque année en moyenne, le couple fabrique entre 5 et 6 tonnes de savons et 2 tonnes de cosmétiques. Ils proposent toute une gamme de produits : savons durs et liquides, des cosmétiques (baumes, démaquillants solides), eaux florales et huiles essentielles, savons à barbe… Ces derniers bénéficient d’une certification par l’organisme Cosmécert dans le cadre du référentiel européen Cosmos Organic. Ils sont également labellisés Slow Cosmétique depuis 2019, en raison de la taille humaine de l’entreprise, sa fabrication artisanale, son ancrage local et sa gamme naturelle, éco-conçue avec des ingrédients nobles. « Nous développons la vente en vrac également, en mettant à disposition des distributeurs des barres de savon solide à découper et des bombonnes en inox pour le savon liquide, ainsi que des recharges de produits cosmétiques. »

Après quatre années de commercialisation, Pascale et Yves Chauvel, qui travaillent à temps plein et emploient une salariée, sont plutôt confiants mais le marché de la savonnerie artisanale compte de plus en plus de professionnels : « Nous sommes en très forte croissance, mais la rentabilité de notre production est encore insuffisante. Il y a beaucoup de concurrence, d’installations et d’entreprises qui se lancent ces dernières années », poursuit Yves Chauvel. Leurs produits sont vendus via divers circuits de commercialisation : sur leur site Internet, sur des marchés locaux bio, auprès d’une centaine de magasins situés en régions Auvergne Rhône-Alpes et Occitanie, ainsi que quelques distributeurs Internet.

A.L.

FABRICATION / Des savons durs affinés pendant 2 mois !

Pour la fabrication du savon dur, le Mas Sophia utilise un mélangeur : les huiles, l'eau, la soude et les autres ingrédients sont mélangés jusqu'à l'obtention de « la trace » indiquant la fin du mélange. Ils sont ensuite coulés dans des moules de 23 kg où la saponification se poursuit pendant 3 semaines. Ces blocs sont par la suite découpés en savonnettes avant d’être mis en cure durant 2 mois. Une fois bien affinés, les savons sont percés d’un trou par lequel un ruban est noué afin de le suspendre après chaque lavage et ainsi favoriser un séchage rapide. Le savon saponifié à froid a en effet la particularité de fondre plus vite s’il est placé dans un porte savon où stagnerait un peu d’eau !