QUESTIONS À
David Chauve : « Notre modèle agricole est en danger. Défendons-le ! »

Entre colère face à l’inertie des pouvoirs publics à rendre opérante la loi Ega, et crainte face à la lame de fond anti-élevage qui s’immisce un peu partout, le secrétaire général de la FRSEA Auvergne Rhône-Alpes, David Chauve, appelle les agriculteurs à continuer le combat. 

David Chauve : « Notre modèle agricole est en danger. Défendons-le ! »
David Chauve est producteur de lait dans l’est du Puy-de-Dôme. Il préside également la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme. © AA63

Quel bilan peut-on faire des mobilisations de ces derniers jours ? 

David Chauve : « Tous les départements ont bougé de façon coordonnée sur deux sujets majeurs que sont les prix et la Pac, avec ici et là des préoccupations complémentaires importantes autour de la ressource en eau, des rats taupiers, des calamités sécheresse, de la voie verte… Des milliers d’agriculteurs ont répondu présent, preuve que l’exaspération est à son comble dans les campagnes. Le monde agricole ne peut plus se contenter de simples déclarations d’amour. Au début de la crise Covid, la nécessité de disposer d’une agriculture forte pour assurer notre souveraineté alimentaire a été mise en avant à plusieurs reprises. Mais dans les faits, on est loin du compte dans la mesure où les rapports de force n’ont pas changé. La GMS, qui avec plus de 5 milliards d'euros de bénéfices supplémentaires en 2020 dont les agriculteurs n'ont pas vu la moindre couleur, sort grande gagnante de cette crise. Pire, dans le cadre des récentes négociations commerciales, certains distributeurs ont même eu le culot de demander des baisses de prix de 10 à 15 %. C’est inacceptable et révoltant ! Au regard des propositions sur la Pac, qui à ce stade de la négociation, risquent de ne faire que des mécontents mais également des enjeux sur l'urgence à construire les prix pour ne plus les décréter, il est indispensable de maintenir la pression avec toujours la même cible : l’Etat, qui doit être mis face à ses responsabilités ! L'heure du bilan approche... »

Quelle est la prochaine étape ? 

D.C. : « Des mobilisations régionales ne sont pas à exclure, à Lyon, Clermont-Ferrand… Si le mandat du président Macron aura été marqué au chapitre agricole par les EGA, avec une soi-disant prise de conscience d’une nécessaire meilleure répartition de la valeur, sujet resté tabou pendant bien des années, force est de constater que pour le premier maillon de la chaîne rien n’a changé. La mesure de base qui consiste à prendre en compte le coût de production dans le calcul de prix ne fonctionne pas car la loi ne va pas assez loin et n'est assortie d'aucune sanction en cas de manquement. Justement, une loi plus coercitive doit s'imposer en urgence tellement l'explosion des charges met à rude épreuve la rentabilité déjà très fragile de nos exploitations. C'est une proposition très concrète que va poser la FNSEA dans les prochains jours sur le bureau du ministre. Une réponse avant l'été est indispensable. Au-delà, nous basculerons dans la campagne présidentielle et la série d'élections qui va suivre, qui est toujours peu propice à des évolutions. Si le sujet n'est pas tranché maintenant, c'est mort pour trois ans ! Comptons d'abord sur nous, d'où notre mobilisation car peu de personnes se soucient de la réalité du quotidien du début de la chaîne. Par contre, beaucoup ont des idées sur comment il faudrait produire demain tant dans l'élevage que les grandes cultures. C’est une lame de fond dangereuse car elle pourrait remettre fondamentalement en cause notre modèle agricole. »

Pourquoi notre modèle agricole est-il en danger ? 

D.C. : « D’abord parce qu’il ne rémunère pas suffisamment ses principaux artisans que sont les agriculteurs. Ensuite, parce qu’on sent que toutes les planètes sont en train de s'aligner pour fragiliser encore davantage nos moyens de production, preuve en est avec une baisse drastique annoncée des aides directes à la production dans certaines filières, avant-dernière étape avant un potentiel abandon total des aides couplées lors de la prochaine programmation Pac en 2027. Le tout poussé et orchestré par le monde de la finance qui demain mise déjà sur des profits issus en partie d'une alimentation de synthèse qui ne correspond pas tout à fait à ce que veut notre société. C'est dramatique, mais peut-être malheureusement une réalité ! Au-delà des arbitrages budgétaires actuelles de la Pac, qui vont peser dans la balance, il est important de garder à l'esprit que nous militons pour un modèle agricole, qui grâce à des hommes et des femmes nombreux sur le territoire, produit des biens de qualité. Les menaces sont réelles, c'est pourquoi il est important de ne pas se tromper de combat pour contrer une tendance de fond qui peut aller bien plus loin et beaucoup plus vite que l’on l'imagine. »

Propos recueillis par Sophie Chatenet