JUSTICE
Un agriculteur condamné pour tromperie sur l’origine de ses kiwis

Mylène Coste
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JUSTICE / Le tribunal correctionnel de Privas a condamné un producteur et revendeur de fruits ardéchois, via ses deux sociétés, à 70 000 € d’amende pour tromperie sur l’origine de kiwis vendus sur la saison 2017 - 2018.

Un agriculteur condamné pour tromperie sur l’origine de ses kiwis

Le verdict est tombé mardi 9 juin.  Le producteur et revendeur avait vendu près de 400 tonnes de kiwi prétendument « bio et produits en France » alors qu’ils étaient en fait importés d’Italie. Une enquête de la DGCCRF1 avait été ouverte à la suite d’une dénonciation de la tromperie.

Son entreprise de distribution, basée à Vesseaux, a écopé d'une amende de 60 000 €, tandis que son exploitation, implantée à Saint-Didier-sous-Aubenas, est condamnée à une amende de 10 000 €. La FDSEA, les Jeunes agriculteurs et la fédération départementale des producteurs de fruits (FDPF), qui s’étaient portés partie civile, ont salué cette condamnation.

« Une affaire qui pourrait causer du tort à toute la profession »

« Il s’agit d’un cas isolé, mais qui risque de jeter l’opprobre sur toute la profession, déplore Christel Cesana, vice-présidente de la FDSEA et elle-même arboricultrice. Les consommateurs nous font confiance, se disent prêts à faire l’effort d’acheter davantage de produits locaux, et la grande majorité des agriculteurs s’efforce d’être exemplaire sur la qualité sanitaire et environnementale de ses produits. Ce genre de comportement frauduleux peut causer du tort à tous nos efforts. »

Le préjudice peut aussi porter sur les prix : « Alors que nous nous battons pour demander un juste prix payé au producteur, la fraude engendre une concurrence déloyale avec des marchandises dont le coût de production est inférieur et qui sont donc vendues moins chères », affirme la productrice.

Des contrôles indispensables mais insuffisants

Cet épisode rappelle également l’importance de la traçabilité des produits, garantie par les contrôles effectués par les services de l’État sur les produits dans les points de vente. « Mais ceux-ci sont malheureusement trop peu nombreux », regrette Christel Cesana. 

Mylène Coste

1. Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

Brigitte Fossat
Brigitte Fossat

« Notre mission : vérifier la qualité des produits et la loyauté de l’information »

QUESTIONS À / Brigitte Fossat, cheffe du service Concurrence, consommation, répression des fraudes à la DDCSPP de l'Ardèche, explique le rôle des services de l'État en matière de contrôle des produits alimentaires.

Comment s’est déroulée votre enquête ?

Brigitte Fossat : « Elle a démarré par un contrôle inopiné en 2017 qui a attisé nos soupçons puisque l’entrepreneur n’indiquait pas l’origine de ses fruits sur ses factures, ce qui constitue déjà une infraction. Nous avons réalisé un autre contrôle l’année suivante et constaté que ce producteur / revendeur importait des kiwis d’Italie, tandis que ses factures et bons de livraisons mentionnaient « origine France ». Nous avons alors réalisé un contrôle comptable des entrées et sorties sur une campagne complète qui a révélé la vente de 400 t de kiwis italiens francisés. La condamnation du fraudeur est donc le fruit d’un lourd travail qui a pris plus de deux mois. »

Au niveau national, des enquêtes sur la « francisation » sont-elles menées ?

B.F. : « La « francisation » des produits est une pratique connue et qui a tendance à augmenter avec la pression sur l’origine des produits. Pour le cas des fruits, c’est souvent l’Interprofession qui saisit notre administration centrale lorsqu’elle constate sur le marché davantage de produits étiquetés « France » que ce que ne peuvent en produire les agriculteurs français. Ce fut le cas ces dernières années pour le kiwi, donnant lieu à des contrôles qui ont abouti à sept procédures pénales. D’autres produits sont également visés par de telles enquêtes. »

Quels autres contrôles peuvent révéler la francisation ?

B.F. : « Le contrôle des résidus de produits phytopharmaceutiques peut révéler des soupçons de francisation, dans le cas où sont retrouvés des résidus de produits interdits en France mais autorisés en Italie, par exemple. Dans ce cas, soit l’entreprise vend des produits prétendus français alors qu’ils sont importés, soit le producteur utilise de manière indue des produits interdits. Il faut quoi qu’il en soit effectuer un contrôle comptable pour valider les soupçons. »

Quelles sont les différentes formes de contrôle mises en œuvre par votre service ?

B.F. : « Notre mission est de vérifier la qualité des produits et la loyauté de l’information donnée au consommateur. Pour cela, nous procédons à des contrôles sur toute la chaîne, de la production à la distribution. Nous pouvons procéder par de simples contrôles visuels sur les rayons pour vérifier la qualité mais aussi l’étiquetage, notamment auprès des distributeurs et grossistes. Nous pouvons procéder à des contrôles documentaires, comptables, et enfin à des prélèvements comme celui sur les résidus de pesticides sur fruits et légumes. C’est ainsi que nous avions révélé un cas de fraude sur une huile présentée comme « huile d’olive vierge extra » de mauvaise qualité en réalité de très mauvaise qualité et dans laquelle on trouvait des traces d’huile de tournesol. Le fraudeur a été jugé en décembre 2019 et interdit d’exercer toute activité commerciale durant 5 ans. »

Combien de contrôles ont été effectués en Ardèche en 2019 ?

B.F. : « Nos sept enquêteurs ont réalisé en 2019 851 enquêtes sur tous produits confondus : produits alimentaires, non-alimentaires (cosmétique, jouets, engrais, etc.) et services, soit 622 établissements concernés dont 231 dans l’alimentaire. 52 % de ces derniers établissements présentaient au moins une non-conformité en matière d’hygiène, de fausse publicité, d’étiquetage ou encore de respect de la chaîne du froid. La plupart ont rectifié le tir après une demande de mise en conformité. »

Propos recueillis par M.C.