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Petite récolte pour les producteurs de safran

Marin du Couëdic
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En Ardèche, le safran a souffert des fortes pluies estivales et des nuisibles sur certains secteurs. Les cultivateurs font état d’une récolte peu généreuse pour la seconde année consécutive mais peuvent compter sur un horizon commercial plus serein après la levée des restrictions liées à la Covid-19.

Petite récolte pour les producteurs de safran
Lancée au début du mois d'octobre avec une petite semaine d'avance, la récolte du safran s'est terminée début novembre en Ardèche.

L’or rouge se fait rare en Ardèche. Alors que la récolte s’est terminée au début du mois de novembre, les cultivateurs de safran font part d’une production en baisse au sud comme au nord du département. « Elle sera plus petite encore que l’année dernière, soupire Alain Testud, qui cultive du safran depuis six ans à Lachapelle-Graillouse, sur la montagne ardéchoise, en complément d’une production de plantes médicinales. Nous avons un souci depuis deux ans avec les campagnols. Ils ont mangé les trois quarts des 3 000 bulbes que j’avais replanté l’année dernière. Nous avons constaté les dégâts tardivement puisque les bulbes sont enterrés sous 20 cm de terre pour les protéger du gel. » Sa safranière, qui produit 200 g de pistils secs les bonnes années, a aussi souffert d’un été particulièrement humide sur le plateau. « Le crocus sativus s’adapte très bien à l’altitude mais l’humidité n’a pas permis aux fleurs de s’épanouir pleinement ».

Le constat est similaire pour Karine Magliore, cultivatrice de safran depuis 2016 à Pont-de-Labeaume. « Cette saison, la production sera un peu moins importante que l’an passé. C’est en partie dû aux fortes pluies de cet été mais aussi à ma manière de travailler. Je fais des rotations de culture tous les deux ou trois ans pour permettre au sol de se regénérer », explique cette fleuriste reconvertie, qui produit entre 300 et 600 g de safran selon les années sur une parcelle de 400 m².

Conditions météos peu favorables

Au nord du département, les pluies estivales ont aussi laissé des traces. « Habituellement, c’est plutôt la sécheresse qui pose problème mais avec toute cette eau, la floraison n’a pas été formidable », rapporte Philippe Veyrier, producteur de safran depuis treize ans à Ardoix et depuis peu à la retraite. « Les meilleures années, j’ai fait autour de 300 g. Cet automne, j’aurai une trentaine de grammes. J’en vends encore un peu mais je continue surtout pour le plaisir. » Jean-Claude Rissoan, retraité agricole lui aussi, a jeté l’éponge après avoir cultivé du safran pendant quatre ans à Lamastre. « Les bulbes arrivaient au bout de leur vie et une bonne partie a gelé l’année dernière. C’est un beau produit mais très compliqué à vendre. A 30 ou 40 euros le gramme, beaucoup de restaurateurs et de particuliers n’ont pas les moyens. »

Débouchés locales

Les restrictions sanitaires liées à l’épidémie de Covid-19 ont rendu la commercialisation de ce produit de niche, dont les débouchés sont avant tout locaux, encore plus difficile. « Je n’ai quasiment pas sollicité les restaurateurs pendant un an et demi. Les ventes ont repris depuis début juin », indique Karine Magliore (le Safran de Romégier). « La période du Covid-19 a été compliqué avec l’annulation du marché de Noël l’an passé et l’arrêt pendant deux mois de notre marché de producteurs à Lachapelle-Graillouse, témoigne Alain Testud (le Safran de Villeneuve). La vente directe repart depuis cet été mais nous avons peu de stocks après deux années difficiles. »

« Remettre au goût du jour cette tradition occidentale »

« Remettre au goût du jour cette tradition occidentale »

CULTURE / Chargé d’histoire, ce bulbe rustique qui donne une fleur subtile attire de nombreuses personnes en reconversion professionnelle dans l'agriculture. C’est le cas de Guillaume Bozonnet, cultivateur de safran à Éclassan.

Professeur documentaliste pendant 20 ans en région parisienne, Guillaume Bozonnet s'est reconverti dans la culture de safran depuis deux ans à Éclassan, en Nord Ardèche. « Je rêvais depuis longtemps de revenir à la terre à ma manière, confie ce fils d’agriculteurs originaire de l’Ain. Le safran m’a parlé tout de suite. C’est une épice assez fascinante, à la fois très rustique dans sa culture et très délicate sur le plan gustatif. On peut l’utiliser sur des plats salés ou sucrés. Elle est très présente en Europe jusqu’au 19ème siècle. Cela m’a plu de remettre au goût du jour cette tradition occidentale. »

Avec sa production de 5 000 bulbes en agriculture biologique sur une parcelle de 500 m², il s’attend à récolter 120 g de safran. Soit un tout petit peu plus que l’an passé malgré les averses estivales qui ont contrarié cette petite filière (lire ci-dessus). « La particularité du safran, c’est que sa production est exponentielle. Les bulbes se multiplient avec les années. En dormance l’hiver, ils se réveillent avec les premières pluies automnales, qui annoncent la floraison », explique celui qui commercialise ses pistils en tube de 1 ou 2 g, écoulés en vente directe sur les marchés, castagnades et en magasins biologiques.

« Le gros avantage de ce bulbe, c’est qu’il craint peu la sécheresse ni le gel, poursuit Guillaume Bozonnet. L’entretien se limite à un désherbage complet des planches au début de l’été, sans apport quel qu’il soit. Au bout de quatre ou cinq ans de production, il faut déterrer les bulbes et les replanter sur un terrain vierge, sans quoi on risque des maladies. Le reste du temps, il faut surtout laisser faire la nature. »

Bulbes de safran
Les bulbes de Crocus sativus ont la particularité de bien résister au gel et à la sécheresse.
Pistils et fleurs
C'est en séchant une partie du pistil du Crocus sativus que l'on obtient le safran. Épice rare et chère, son prix varie entre 30 à 40 euros le gramme, soit au moins 30 000 euros le kilo !