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Petit butin pour les producteurs de safran

Mylène Coste
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PPAM / La culture du safran se développe petit à petit en Ardèche, souvent à l'initiative de passionnés non-issus du monde agricole. Cette année, le constat est unanime : la récolte n'a pas été généreuse dans le département.

Petit butin pour les producteurs de safran
Depuis trois ans, Caroline Crouzet et Jean-Claude Rissoan cultivent 600 m2 de safran à Lamastre.

Après avoir passé dix ans dans la cuisine des armées, Nicolas Vernel s'est lancé en 2013 dans une toute nouvelle aventure : la culture du safran. « J'ai commencé un peu par hasard, et ça m'a plu ! Je cultive aujourd'hui un hectare à Lavilledieu. Il s'agit d'un petit complément de revenus ». S'il n'en n'est pas à sa première récolte, la tâche reste toujours aussi fastidieuse : « J'ai commencé à ramasser autour du 10 octobre, avec l'aide de mes proches. Tout est cueilli à la main, et on peut aller jusqu'à 1500 fleurs par heure ! » Mais cette année, la récolte n'est pas à la hauteur des attentes : « La saison avait bien démarré, mais s'est rapidement essoufflée. Nous avons pourtant eu des pluies suffisantes, mais il semblerait qu'il n'ait pas fait suffisamment froid en ce début d'automne pour permettre aux fleurs de se développer ». Résultat : « Environ 300 g récoltés, contre 500 g une année normale ».

Karine Maggiore, qui cultive le safran à Pont-de-Labeaume, indique quant à elle : « D’ordinaire, la récolte s’étant sur 5 à 6 semaines, mais cette année, elle était quasiment achevée dès la quatrième. Côté quantité, nous sommes toutefois dans des niveaux similaires à ceux de l’an passé ».

La récolte n'a pas été plus généreuse au Nord du département. À Lamastre, elle a démarré en retard et s'est achevée plus tôt que l'an dernier pour Caroline Crouzet et Jean-Claude Rissoan, qui se sont lancés dans le safran il y a trois ans. « Les bulbes sont censés grossir et devenir plus productifs au fil des années. Mais nous aurons une récolte similaire à l'an dernier, avec des pistils plus fins, regrette Caroline Crouzet. L'été a été très sec et nous n'avons pas eu la possibilité d'arroser, ce qui peut être une explication. Les quelques gelées de ce début d'automne nous ont aussi fait perdre quelques fleurs. Sur notre parcelle de 600 m2, nous ne devrions guère récolter plus de 100 g. » Un résultat décevant compte tenu du travail fourni : « Il faut désherber tout au long de l'année sous le rang, et tout est fait à la main ».

Après la récolte, le travail se poursuit !

Une fois les fleurs cueillies, vient le temps de l'émondage : il faut extraire le pistil rouge de chaque plante, fleur par fleur. Puis, c'est le séchage : « Une étape primordiale durant laquelle le pistil perd 80 % de son poids pour devenir le safran », explique Nicolas Vernel. Une fois la précieuse épice obtenue, attention à ne pas négliger sa conservation. Le producteur Villadéen confirme : « L'expression et les arômes du safran se bonifient avec le temps. Il est meilleur à trois ans de maturité ; c'est pourquoi j'ai toujours deux ou trois années de stock ».

Des débouchés locaux pour un produit de niche

Autre particularité de la saison : le contexte commercial exceptionnel lié à la crise de la Covid-19. En effet, l'annulation des marchés de Noël et autres foires prive les producteurs d'une partie de leurs débouchés.

C'est le cas de Nicolas Vernel : « Je vends essentiellement à des restaurants locaux, et notamment celui d'Anne-Sophie Pic qui prend généralement de bonnes quantités. Pour le reste, c'est un produit de luxe que les restaurateurs utilisent avec parcimonie, et il n'est pas toujours facile de trouver des débouchés », moins encore dans le contexte économique actuel. Caroline Crouzet et Jean-Claude Rissoan également vendent leur safran à des restaurateurs locaux, mais également à des particuliers. « Le safran est bien valorisé, précise la Lamastroise. » En effet, « l'or rouge » est vendu entre 25 € et 40 € /g, prix variable en fonction de la qualité et du conditionnement.

Mylène Coste

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Installer une plantation de Crocus sativus – safran – ne s'improvise pas. Plusieurs exigences sont à prendre en compte, à commencer par le choix de l'emplacement de la safranière. Il convient en effet d'éviter les terres argileuses trop peu drainantes qui, en cas d'un excès d'eau prolongé, engendrent des pourritures des bulbes – aussi appelés cormus. Pour autant, les sols trop sableux ne sont pas non plus recommandés !

Le safran a besoin d'eau de septembre à avril ; la possibilité d'irriguer peut donc être un bon point, même si nombre de producteurs s'en passent. Si le Crocus sativus a besoin d'un bon ensoleillement, il ne craint pas les neiges ponctuelles ni le froid – le bulbe ne gèle qu'à -13 °C -. Toutefois, les fleurs peuvent geler dès -1 ou -2°C, devenant par la suite difficiles à émonder.

« Le Blon Safran », fournisseur de bulbes à Lavilledieu

En Ardèche, Nicolas Vernel de l'entreprise « Le Blon Safran » (Lavilledieu) propose des bulbes de Crocus sativus à la vente pour ceux qui souhaiteraient se lancer. « Je propose aussi mes conseils aux personnes intéressées par la culture du safran », affirme par ailleurs Nicolas Vernel.

Une fois les bulbes en possesion, la préparation du terrain est quant à elle relativement simple : le sol doit être labouré et ameubli, et l'apport de fumure relativement important. Les plantations sont réalisées durant la période de dormance.

Reste à constituer sa clientèle et trouver des débouchés, ce qui n'est pas une mince affaire !

Le chiffre à retenir

150

C'est le nombre de fleurs nécessaires pour produire 1 g de safran.

Le bulbe du Crocus sativus ne gèle qu'à partir de -13 °C contrairement à sa fleur qui peut geler dès -1 ou -2 °C.

Le bulbe du Crocus sativus ne gèle qu'à partir de -13 °C contrairement à sa fleur qui peut geler dès -1 ou -2 °C.
Le bulbe du Crocus sativus ne gèle qu'à partir de -13 °C contrairement à sa fleur qui peut geler dès -1 ou -2 °C.
Karine Maggiore (Pont-de-Labeaume) vend d’ordinaire son safran à des restaurateurs locaux. « Avec le reconfinement, les commandes se sont arrêtées. Pas sûr que les restaurants utilisent beaucoup de safran dans les plats à emporter ! »
Karine Maggiore (Pont-de-Labeaume) vend d’ordinaire son safran à des restaurateurs locaux. « Avec le reconfinement, les commandes se sont arrêtées. Pas sûr que les restaurants utilisent beaucoup de safran dans les plats à emporter ! »