EMPLOI
Emploi saisonnier étranger : le préfet à l’écoute des pépinières viticoles « en difficulté »

M.D.C
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Les gérants de trois pépinières viticoles du Sud Ardèche ont rencontré le préfet Thierry Devimeux, le 17 janvier, à l'initiative de la FDSEA. Objectif, alors que la récolte des porte-greffes et greffons bat son plein : alerter sur la problématique de l’emploi saisonnier pour cette filière qui dépend de la main-d’œuvre étrangère.

Emploi saisonnier étranger : le préfet à l’écoute des pépinières viticoles « en difficulté »
Le préfet Thierry Devimeux visite l'atelier de découpe de bois des pépinières Thibon, à Saint-Maurice-d'Ardèche.

« Sans eux, on ne pourrait pas tenir », rappellent les dirigeants des pépinières viticoles ardéchoises au préfet Thierry Devimeux, venu à leur rencontre ce lundi 17 janvier. Eux, ce sont la centaine de travailleurs étrangers – essentiellement marocains – qui viennent prêter main forte à cette filière chaque année, de décembre à mai. Des emplois saisonniers qui représentent entre 30 à 60 % de la main d’œuvre pendant la saison d’hiver et de printemps dans ces entreprises productrices de plants de vigne, qui cultivent des bois (vigne-mères de greffons et porte-greffes) appelés à être récoltés, coupés puis greffés à la main.

« Ce sont des personnes formées et sur qui on peut compter, qui reviennent chaque année pour une période de 6 à 8 mois. Ces saisonniers sont vitaux pour nos entreprises. Si on arrive à produire des plants de vigne de qualité sur le territoire et à proposer de l’emploi local, du tractoriste au chef d’équipe, c’est en partie grâce à la main-d’œuvre étrangère », explique Pierre-Denis Tourette, gérant des Pépinières Tourette (Vogüé).

20 contrats refusés en Ardèche en 2022

Problème, les pépiniéristes ont de plus en plus de mal à faire venir ces travailleurs étrangers. 20 contrats dits OMI (office des migrations internationales) ont ainsi été refusés à trois pépinières viticoles ardéchoises en 2022. Une situation « très compliquée » pour ces entreprises qui se retrouvent avec des équipiers en moins pour la saison, comme en 2021 et en 2020. « Cela fait deux ans qu’on en souffre. Aujourd'hui, il me manque quatre personnes suite à des refus de visa. Les années précédentes, c'était pire », soupire Cécile Lauriol, gérante des pépinières Lauriol (Saint-Maurice-d’Ardèche).

En 2020, au début de la pandémie, elle s’est retrouvée sans main d’œuvre pour le greffage après la fermeture des frontières et a dû revendre l’ensemble de son matériel végétal à ses confrères. En 2021, suite aux restrictions aux frontières, les saisonniers sont arrivés à partir du 27 janvier au lieu du 1er décembre. « Nous n’avons pas pu récolter près de 8 ha de greffons et porte-greffes, soit une perte 500 000 € », indique la dirigeante. « C’est la première année où nous avons des refus de visa pour des personnes qui avaient bien quitté le territoire à la date prévue les années précédentes », souligne Pierre-Denis Tourette.

« La main-d’œuvre étrangère est complémentaire du personnel local permanent », résument les pépiniéristes viticoles. Soutenus par la FDSEA, ils demandent notamment d’arrêter les blocages de la main-d’œuvre en provenance du Maroc, d’améliorer la délivrance des contrats et de permettre le prolongement des titres de séjour si la saison n’est pas terminée.

« En local, on n’y arrive pas »

À l’écoute tout au long de la rencontre, organisée par la FDSEA et le syndicat de bois et plants de vigne Ardèche-Drôme, le préfet Devimeux a rappelé que le Maroc a fermé ses frontières, entrées comme sorties. « Le ministère de l’intérieur français a proposé une système dérogatoire pour que les étrangers bloqués sur le territoire puissent rester, avec des contrats prolongés pour trois mois, en attendant un assouplissement des conditions d’entrée pour le Maroc », indique t-il entre la visite d’un atelier de découpe des bois et un aperçu de la récolte des porte-greffes.

Pointant cette potentielle solution temporaire, il a également interrogé les pépiniéristes sur le recours à l’emploi local, alors que le taux de chômage sur le territoire est important (9 % fin 2021).  « Nous ne trouvons personne de compétent et de qualifié sur le marché local. Pour ce métier physique exercé dans des conditions climatiques difficiles, les gens ne restent pas une semaine », commente Mathieu Thibon, gérant des Pépinières Thibon (Saint-Maurice-d’Ardèche). « En local, on n’y arrive pas. Certaines personnes ne viennent pas, d’autres ne restent pas. On ne peut pas savoir combien on sera le matin », complète Cécile Lauriol.

« Toute l’agriculture est concernée »

Parmi les solutions évoquées, celle d’une convention de partenariat pour l’agriculture avec le Maroc proposée par Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA. Le préfet Devimeux a affirmé qu’il s’agissait d’une « bonne idée ».

Les représentants des pépinières viticoles ont également évoqué la problématique du logement saisonnier. Les pépinières s’équipent en effet tant bien que mal pour loger des employés sur leur site. 35 des 50 saisonniers sont ainsi logés aux pépinières Tourette cet hiver.

« On parle de la pépinière viticole aujourd’hui mais c’est toute l’agriculture qui ne peut pas se priver de la main d’œuvre étrangère, la viticulture et l’arboriculture en particulier », rappelle Benoit Nodin, délégué employeurs à la FDSEA.

« La proposition du ministère de l’intérieur devrait permettre de limiter la casse », conclut le préfet Devimeux. Il rappelle la possibilité, en cas de blocage sur un dossier, de se tourner directement vers les services de la préfecture.

FILIÈRE / La pépinière viticole en chiffres

Malgré les difficultés liées à l'emploi saisonnier, la filière pépinière viticole en Ardèche et dans le Drôme se porte bien. Bilan chiffré.

80 hectares de vigne-mères de greffons et 430 hectares de porte-greffes

10 millions de plants de vigne commercialisés

400 emplois équivalents temps plein

20 à 30 % de la production exportée à l'étranger

Un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros

20 et quelques entreprises pépiniéristes