VITICULTURE
Pépinière viticole : les bons conseils de la filière pour récolter et conserver ses greffons

Marin du Couëdic
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Une journée de sensibilisation à la récolte des greffons s’est tenue le 10 janvier aux Pépinières Tourette, dans le Sud-Ardèche. L’occasion pour la filière pépinière viticole de délivrer ses conseils aux producteurs de vignes-mères pour garantir la qualité du matériel végétal.

Pépinière viticole : les bons conseils de la filière pour récolter et conserver ses greffons
« Le diamètre des branches doit être inférieur à 15 mm, soit le diamètre du pouce au maximum. »

C’est une piqûre de rappel bienvenue à l’heure de la récolte des greffons. Lundi 10 janvier 2022, ils étaient une vingtaine de vignerons à participer à une journée de sensibilisation organisée par les principaux acteurs de la filière pépinière viticole départementale et régionale aux Pépinières Tourette, entreprise basée à Vogüé, dans le sud de l’Ardèche. Objectif : s’assurer que les producteurs des vignes-mères maîtrisent sur le bout des doigts le processus technique lié à la récolte des bois : estimation de la production, taille des greffons, mise en fagot, conservation et traçabilité. « C’est un rappel général, de la coupe au greffage, qui peut être utile aux jeunes vignerons et à ceux qui ont besoin d’une remise à niveau », a expliqué Mona Carli, technicienne viticole à Vitisélection, syndicat qui regroupe une quarantaine de producteurs de vigne-mères en Ardèche. « L’idée est aussi de permettre aux producteurs de mieux appréhender le métier de pépiniériste et ses impératifs pour maintenir la qualité des plants de vigne », a complété Agathe Houriez, chargée de mission à la Fédération régionale de la pépinière viticole Auvergne Rhône-Alpes.

« Tailler, tirer, attacher » 

Les producteurs de vigne-mères ont notamment assisté à une démonstration sur une parcelle de Chardonnay cultivée par les Pépinières Tourette. Sécateurs en main, des pépiniéristes professionnels ont d’abord conseillé aux vignerons de compter les « yeux » présents sur les branches ainsi que le nombre de rameaux sur la souche pour estimer sa récolte du jour. Ils en ont ensuite expliqué les rudiments sur le principe « tailler, tirer, attacher », rappelant qu’il convient de conserver uniquement les branches dont le diamètre est compris entre 6 et 14 mm, soit grosses comme le pouce environ, et de s’assurer qu’elles ne soient pas sèches. Pour savoir si le bois est sec, il suffit de regarder après la taille si la pointe est verte. Les professionnels ont aussi conseillé de garder l’entrecœur sur la branche taillée, qui est parfois exploitable en pépinière.

Pour réaliser son fagot, les pépiniéristes ont rappelé à leur auditoire l’importance de bien mettre les talons du même côté. « Si on tri à l’envers, on greffe à l’envers », ont-ils précisé. Une fois terminés et tassés, les fagots peuvent être attachés à la ficelle ou au fil de fer, avec trois attaches minimum par lot et la possibilité d’utiliser une cercleuse pour aller plus vite. Il faut compter une quinzaine de minutes pour former un fagot, qui contient environ 1 000 bourgeons (10 à 20 bourgeons exploitables par branche). Sur certains cépages avec les « yeux » très espacés comme le Syrah, il convient d’en tenir compte à l’avance pour l’estimation. A l’inverse, le Marselan est caractérisé par des branches de petits calibres. Le fagot terminé, le producteur peut apposer le passeport phytosanitaire européen (étiquette bleu) délivré par FranceAgrimer (organisme certificateur) et l’étiquette de Vitipep’s, marque collective de la pépinière viticole française.

Du champ à la pépinière le plus vite possible

La seconde partie de la formation était centrée autour de la conservation des greffons, la sécurité sanitaire et la traçabilité du matériel végétal. Pierre-Denis Tourette, dirigeant des Pépinières Tourette, a signalé l’importance de maintenir les greffons bien hydratés. « En dessous de 20 % d’humidité, il y a un risque que les cellules meurent. En pépinière, ce sera un échec. » Le gérant a ainsi rappelé que ce qui a été taillé dans la journée doit être ramassé et stocké à l’abri de la lumière et du vent, dans l’idéal en cave avec sol en terre battue. « On peut aussi arroser la dalle de béton ou mettre une bâche avant stockage ». En veillant toutefois à ne pas mouiller les greffons pour éviter le développement de moisissures. « Il faut aller du champ au pépiniériste le plus vite possible. Si ce facteur est négligé, il y a un gros impact sur la qualité des plants », a conclu le dirigeant. Une fois conservé dans les frigos des pépinières, des greffons récoltés en janvier peuvent être greffés jusqu’en mars.

Dernière étape avant la livraison des fagots au pépiniériste, s’assurer de bien remplir le bon de livraison et ne pas oublier d’inscrire le numéro FranceAgrimer, le numéro de parcelle, et de dater et signer.

« Une seconde récolte »

Outre le complément de revenu pour les viticulteurs (le fagot est payé 30 euros), Pierre-Denis Tourette a résumé l’intérêt de suivre l’ensemble de ces indications. « Tout ce travail qualitatif réalisé en amont permet de garantir un matériel végétal de qualité, de maintenir la filière régionale et française à la pointe et d’assurer le renouvellement des générations. Le greffon, c’est une seconde récolte, c’est le plant de vigne de demain ».

« La pépinière française a un haut niveau de technicité avec une très bonne qualité sanitaire a conclu Jean-Luc Valentini, arboriculteur à Montélimar (Les vergers de Maubec) et professionnel de la formation en entreprise. Ce savoir-faire est fragile car s’il y a 25 étapes pour réaliser un plant de vigne, il y en a autant pour le rater. »

SANITAIRE / Vignes-mères : faire face aux maladies et aux aléas climatiques 

Lors de la formation du 10 janvier, un point spécifique a été réalisé sur les conséquences des aléas climatiques et les maladies de la vigne. Les producteurs ont pu notamment manipuler des greffons touchés par le grêle de l’été dernier. « Sur ces bois, les tissus ont été atteints et nécrosés », a décrit Pierre-Denis Tourette, dirigeant des Pépinières Tourette à Voguë, « rappellant qu'on ne taille jamais sur une charpente grêlée ».

Concernant le mildiou, maladie bien connue des vignerons, les pépiniéristes ont conseillé de refaire un traitement au cuivre après vendange pour les vignes à greffons. « Le cuivre est efficace sur un mildiou tardif. Maintenez la protection cuivrée sur vos jeunes plantiers jusqu’à fin septembre, surtout si c’est du grenache. »

Afin de lutter contre la flavescence dorée, les pépiniéristes ont rappelé que le premier pilier reste la prospection des vignes « Si on arrive à la détecter et l’encadrer, on pourra vivre avec ». Les autres mesures complémentaires sont le traitement à l’eau chaude et les insecticides. La plupart des pépiniéristes de la Drôme et de l’Ardèche sont équipés de machine à l’eau chaude qui permettent l’immersion du matériel végétal et des plants de vigne dans un bain à 50°C pendant 45 min. 

Renouveler le parc de vignes-mères avec une réflexion sur la plantation de variétés naturellement résistantes aux maladies cryptogamiques pour une diminution des traitements phytosanitaires est également l’un des objectifs de la Fédération régionale des pépinières viticoles Auvergne Rhône-Alpes.

ECONOMIE / La filière se porte bien en Auvergne Rhône-Alpes

Auvergne Rhône-Alpes. En 2021, la région est classée deuxième derrière la Nouvelle-Aquitaine en production de plants de vigne, avec 43 millions de plants greffés-soudés réalisés dans les pépinières. 50% de ces plants sont viables et commercialisés en France et dans le monde. La production représente 618 hectares, dont 156 ha de vignes-mères de greffons et 462 ha de porte-greffes. La filière pépinière viticole en Aura, c’est aussi 40 millions d'euros de chiffres d’affaires, 110 entreprises et 900 salariés.

Drôme-Ardèche. Les deux départements voisins représentent 500 hectares de surface en production de vigne-mères. Dans le détail, 80 ha de greffons et 430 ha de porte-greffes, soit 85 % de la surface cultivées en Aura. 16 millions de plants de vigne ont été mis à disposition en pépinières. La filière Drôme-Ardèche représente plus de 300 emplois et 20 pépiniéristes.