PLAINE DE CHOMÉRAC
Le réseau d’irrigation agricole bientôt rénové ?
Presque cinquantenaire, le réseau d’irrigation agricole de la plaine de Chomérac est aujourd’hui vieillissant. Outre le risque d’incidents majeurs, les fuites sont de plus en plus importantes. Un projet de modernisation a été présenté aux agriculteurs du territoire le 5 juillet dernier.
Les sécheresses successives ne cessent de nous le rappeler : l’eau est certainement l’enjeu numéro 1 pour l’agriculture de demain. Sur la plaine de Chomérac, les anciens l’avaient bien compris en créant, il y a près de 50 ans, un réseau d’irrigation permettant d’acheminer l’eau du Rhône dans les cultures de 8 communes1, via un système de pompage. Mesuraient-ils déjà, à l’époque, l’importance de ce précieux héritage qu’ils léguaient là aux futures générations ?
Sans cette disponibilité en eau, l’agriculture sur la plaine de Chomérac ne serait sans doute pas la même. L’irrigation a permis aux arboriculteurs de Baix/Le Pouzin de donner les meilleurs fruits, et de faire de la plaine de Chomérac le « grenier à blé » de l’Ardèche. Mais avec des installations vieillissantes, l’efficacité du réseau s’est peu à peu dégradée avec des fuites récurrentes et de plus en plus importantes. En 2017, les pertes ont été estimées à près de 2,1 millions de m3/an, soit davantage que la quantité vendue (1,1 millions de m3/an)2 ! Antoine Santos, chargé d’opération au sein du SDEA3, ne le cache pas : « Avec les fuites, le rendement du réseau peut descendre à 30 %, c’est déplorable. Les installations de gros diamètres, soumises à de fortes pressions, sont celles où le débit de fuite est le plus important. Ce sont ces zones à forte déperdition que nous souhaitons réhabiliter afin d’améliorer l’efficacité du réseau. »
Une économie d’eau estimée à 630 000 m3 par an
Deux zones prioritaires ont été identifiées, représentant environ 5 km sur les 90 km que comptent le réseau : la première est située sur la commune du Pouzin (du système de pompage jusqu’au réservoir et même à l’aval) ; la seconde se situe de part et d’autre du surpresseur installé à Chomérac, où la pression s’élève à près de 17 bars ! « En réhabilitant ces deux zones critiques, nous pourrions économiser 630 000 m3 d’eau, souligne Antoine Santos. Nous souhaitons également installer des compteurs intermédiaires qui nous permettraient de repérer plus rapidement les fuites ainsi que 4 débitmètres pour la télésurveillance de zones prioritaires. » Coût estimé des travaux : 10 millions d’euros (M€) HT. « L’idée est de réaliser des travaux sans toucher au fonctionnement du réseau, afin d’assurer la continuité du service durant les deux années de chantier. »
Une opportunité de financement jusqu’à 90 %
Les modernisations de réseaux d'irrigation contribuant à économiser de l'eau peuvent bénéficier de subventions. « La CNR4 a annoncé la mobilisation de crédits pour l’irrigation agricole dans le cadre de son plan d'aide quinquennal, indique Régis Perier, Responsable du Service Espaces Territoires Environnement à la Chambre d’agriculture. Ce financeur privé peut venir s’ajouter aux financements publics de l’Europe, la Région, du Département, de l’Agence de l’Eau, pour envisager un financement jusqu’à 80 %. Il existe aussi une possibilité d’emprunt auprès de la Banque des territoires. » Antoine Santos d’enchainer : « Le but est d’obtenir un financement important pour impacter le moins possible le prix de l’eau ».
« Un vrai projet agricole de territoire »
Obtenir des financements n’est toutefois pas chose facile. « Nous cochons beaucoup de cases : les déperditions d’eau sont colossales, les bénéfices d’une rénovation sont évidents. Il nous faut aussi pouvoir démontrer qu’il y a une vraie dynamique agricole derrière ce projet, que la profession est mobilisée, et s’engage dans la mise en œuvre de pratiques agroécologiques », insiste Régis Perier. « Ce réseau d’irrigation nous est envié par beaucoup d’agriculteurs, enchaîne Anselme Basset, éleveur à Rochessauve et élu à la Chambre. Nous ne pouvons pas nous permettre de le laisser se dégrader ! » Adrien Martel, agriculteur à Chomérac et représentant de l'association locale des irrigants agricoles, de renchérir : « Nous sommes tous d’accord pour améliorer nos pratiques ; mais pour cela, nous avons besoin d’eau ! »
Outre les agriculteurs, c’est tout un territoire qui doit se montrer mobilisé autour de ce projet. « C’est un projet crucial pour l’avenir de l’agriculture locale, qui n’a de sens que s’il s’accompagne d’autres mesures pour pérenniser l’activité agricole, et notamment la préservation du foncier, affirme Yves Boyer, président de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron (Arc). Les 4 communes d’Arc concernées par le réseau d’irrigation ont d’ailleurs pris l’engagement de sanctuariser les terres agricoles, et nous espérons que celles de la communauté d’agglomération Privas Centre Ardèche (Capca) fassent de même : cela donnera davantage de poids à notre projet devant les financeurs. » De son côté, le maire du Pouzin Christophe Vignal s’est également engagé à sécuriser le foncier agricole dans sa commune. Du côté de la Capca, l’élaboration d’un Schéma de cohérence territoriale (Scot) devrait bientôt venir apporter des précisions sur la préservation des terres agricoles. Affaire à suivre…
Mylène Coste
1. Le Pouzin, Baix, Saint-Lager-Bressac, Saint-Vincent-de-Barrès, Saint-Symphorien-sous-Chomérac, Chomérac, Rochessauve, Alissas.
2. Selon un diagnostic réalisé en 2017 par le SDEA, propriétaire du réseau qui en a confié la gestion à la Saur.
3. Syndicat de développement, d'équipement et d'aménagement, propriétaire du réseau.
4. Compagnie nationale du Rhône, dont la concession pour l’exploitation des barrages du Rhône vient d’être renouvelée par l’Etat.
Chiffres clés
- Le réseau d’irrigation de la plaine de Chomérac comprend :
- 90 km de réseau
- 3,3 millions de m3 (M m3) /an d’eau prélevée
- 2,1 M m3/an d’eau perdue
- 1,1 M m3/an d’eau consommée
- 1805 ha irrigués
- 380 abonnés dont 80 % de particuliers et 20 % d’agriculteurs
- 80 % de l’eau est utilisée pour l’agriculture
Réhabiliter… et améliorer !
Lors de la réunion du 5 juillet, les agriculteurs irrigants ont également pu faire part de leurs doutes, de leurs besoins et leurs idées. Ainsi, un agriculteur de Saint-Vincent-de-Barrès, situé en bout de réseau, déplore une faible pression qui se ressent particulièrement quant le réseau est sollicité, c’est-à-dire quand le besoin d’irrigation est le plus fort ! « Lorsque nous aurons la possibilité de mieux identifier où sont les fuites, nous pourrons envisager la mise en place de surpresseurs intermédiaires », s’est engagé Antoine Santos.
Pascal Martin, agriculteur à Baix, a quant à lui souligné le rôle crucial de l’arrosage par aspersion dans la lutte antigel : « Lors du gel d’avril, si l’on avait pu mailler davantage de parcelles avec le réseau d’irrigation, nous aurions pu éviter des pertes ! Nous pourrions profiter de ces travaux de rénovation pour étendre le réseau de quelques centaines de mètres seulement pour améliorer la lutte antigel », a-t-il proposé. À bon entendeur !