AGRITOURISME
Une saison estivale en demi-teinte

La fréquentation de la clientèle estivale est en recul, annoncent les professionnels ardéchois de l’agritourisme. Certains d’entre eux affichent une baisse d’activité significative.

Une saison estivale en demi-teinte
À Vernon près de Rosières, le camping à la ferme d’Alexandre Faure (L’Escourby) affiche un taux de remplissage de 50 à 60 %. ©AAA_AL
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Alexandre Faure, viticulteur, maraîcher et gérant du camping à la ferme L'Escourby. ©AAA_AL

L’Ardèche attirerait-elle moins qu’à l’habitude ? Le printemps pluvieux, les élections européennes et législatives auraient-elles plombé l’ambiance de ce début d’été ? C’est en substance ce que se demandent de nombreux professionnels ardéchois de l’agritourisme, qui connaissent une baisse d’activité. « Depuis les vacances de Pâques, nous avons eu une assez bonne fréquentation globalement, malgré la météo, sauf en juillet ce qui est inhabituel, peut-être l’effet des élections, les gens n’aiment pas les incertitudes, ça leur donne le bourdon », confie Catherine Monchal à Désaignes. Installée sur 4 hectares, sa Ferme auberge de Jameysse propose des menus concoctés à base de produits de la ferme. Elle dispose d’un grand potager et élève des volailles, poulets, pintades, canards, oies et des cochons pour les produits de charcuterie. Un service traiteur est proposé également : « Il a bien fonctionné durant les années Covid mais maintenant il n’y a plus trop de demande ». Selon la fréquentation, Catherine Monchal emploie en moyenne deux salariés saisonniers pour assurer le service. « Je sers beaucoup de personnes qui viennent du sud de la France et fuient la chaleur, mais aussi d’Auvergne-Rhône-Alpes, d’Alsace, de Bretagne, un peu de tout… Ce sont plutôt des personnes qui ont des locations dans le secteur, que ce soient des gîtes, camping, chambres d’hôtes… »

« Moins de monde, moins d’étrangers, moins de locaux, moins de clientèle de passage… »

De l’autre côté du département, « nous accueillons moins de monde, moins d’étrangers, moins de locaux, moins de clientèle de passage… », déclare Sylvain Menaud de la Ferme auberge La Bola, située à Laboule au cœur des Cévennes ardéchoises. « On a démarré la saison à peu près normalement, puis le mauvais temps en juin a impacté, on a eu aussi un gros creux de fréquentation durant les événements politiques, à partir de mi-juin et jusqu’à mi-juillet, même durant le week-end du 14 juillet », retrace-t-il. « Même la clientèle étrangère n’était pas trop présente au début des beaux jours alors que beaucoup ont des résidences secondaires dans le secteur. » À Vernon près de Rosières, il n’y a pas foule non plus au camping à la ferme d’Alexandre Faure, L’Escourby, qui affiche un taux de remplissage de 50 à 60 %. « Depuis 2023, on rencontre une baisse d’activité, même les campings commerciaux de ce que j’entends. Je ne sais pas si c’est lié à l’attrait pour l’Ardèche, le changement climatique et la peur d’avoir trop chaud… », confie le viticulteur et maraîcher. Créé par ses parents il y a une trentaine d’années, son camping lui permet parfois de « rattraper le coup en cas de coup dur sur la vigne », ajoute Alexandre Faure, dont les vignes, justement, ont été impactées par la grêle le 12 juillet dernier, laissant présager 60 à 70 % de perte. « C’était une valeur sûre pour l’exploitation jusqu’à présent, mais cette année le camping ne permettra pas de rattraper ce manque. »

Des instants plaisirs boudés par la clientèle touristique ?

À La Bola, « il faut aussi une certaine dépense pour venir chez nous », poursuit Sylvain Menaud, qui propose un menu unique semi-gastro et évoque « le repli la clientèle touristique pour les instants plaisirs » : « Avec les professionnels de métiers de bouche que je côtoie, producteurs, bouchers, fromagers, etc., nous observons que les paniers moyens sont inférieurs à d’habitude, pour les personnes qui ont de petits moyens mais aussi ceux qui en ont de grands. L’état d’esprit général de la clientèle, au-delà de son portefeuille, semble être moins enclin à se payer des extras. »

Camping à la ferme : en quête de simplicité et de convivialité

Alexandre Faure produit principalement des légumes d’automne et d’hiver, vendus au magasin de producteur Aux Fermes des Rayols situé aux Vans. La production de légumes d’été est destinée quant à elle au camping à la ferme. « L’ambition est de développer la vente au camping pour montrer ce que nous faisons. Les clients posent souvent des questions sur l’activité agricole, nos méthodes de travail… Pour nous, c’est intéressant car c’est une activité différente de tout ce que l’on peut faire durant l’année », indique-t-il.

En dehors des échanges entretenus avec les exploitants, certains vacanciers apprécient tout particulièrement l’ambiance des campings à la ferme. Venue de Marseille avec son compagnon et leur fille âgée de 3 ans, Virginie a cherché spécifiquement à se loger dans ce type de camping pour leurs vacances en Ardèche. « On ne sent pas de faire du camping un peu sauvage mais on cherchait un camping simple, au plus proche de la nature, calme, sans animations », confie-t-elle. Véritables adeptes du camping, Séverine et Cyril ont découvert quant à eux le camping de L’Escourby il y a une quinzaine d’années : « Nous venions souvent ici quand les enfants étaient petits, on pouvait les lâcher sans s’inquiéter, puis après on s’est orienté vers des campings plus commerciaux. Ça fait deux trois ans qu’on revient, sans les enfants qui sont grands maintenant. C’est très convivial, à taille humaine », témoigne Séverine. « L’un de mes fils de 21 ans m’a dit d’ailleurs qu’il souhaitait revenir. C’est son camping de cœur ! »

A.L.

Une « Guinguette fermière » au Gaec Roux
Élodie et Jérémy Roux (Genestelle) ont créé une « Guinguette fermière » sur leur exploitation, avec marché de producteurs et d’artisans, concert, spectacle et restauration tous les lundis soirs en juillet et août. ©Élevage Roux
À NOTER

Une « Guinguette fermière » au Gaec Roux

À Genestelle, Élodie et Jérémy Roux, éleveurs d’Aubrac, producteurs de châtaignes et de kiwis, vendent tout en direct et ouvrent les portes de leur ferme tous les vendredis matin en juillet et août, puis sur réservation du 15 avril au 15 septembre. Cette année, ils ont aussi créé une « Guinguette fermière » sur leur exploitation, ouverte tous les lundis en juillet et août, avec à l’affiche : marché de producteurs et d’artisans de 17 h à 19 h, suivi de concert, spectacle et restauration de 20 h à 23 h. Un événement libre d’accès, entièrement gratuit. « Des concerts live pour enchanter vos soirées, des spectacles captivants pour petits et grands », annoncent les exploitants sur leur page Facebook. Quant au point de restauration concoctée à partir de produits locaux et issus de leur ferme : « Fraîcheur et authenticité garanties ! ». Un événement estival, pouvant attirer une clientèle touristique et, bien au-delà, animer le territoire.

Objectif : « Mettre en concordance la volonté des producteurs et la demande de la clientèle »
L'office de tourisme met en lumière les appellations viticoles (AOC) de son territoire (Cornas, Saint-Péray et Saint-Joseph), ainsi que les agriculteurs et brasseurs locaux dans le but de communiquer sur leurs offres agritouristiques. ©OT Rhône Crussol
TERRITOIRE

Objectif : « Mettre en concordance la volonté des producteurs et la demande de la clientèle »

La Maison des vins et du tourisme de Saint-Péray est un outil de valorisation de l’offre œnotouristique du territoire Rhône Crussol. Elle anime aussi un réseau dédié aux professionnels agritouristiques.

Cette année, on ne se bouscule pas au comptoir d’accueil de la Maison des vins et du tourisme de Saint-Péray, mais les plannings de réservation des animations agritouristiques sont tous remplis. « Peut-être que les gens se déplacent moins aujourd’hui et s’informent sur Internet et les réseaux sociaux », indique Cécile Wang, conseillère en séjours, en charge de la communication et du réseau agritourisme à l’office de tourisme Rhône Crussol. L’attractivité du territoire ne saurait être remise en question : « L’agritourisme et le côté vert font partie de l’identité de l’Ardèche. Beaucoup de visiteurs cherchent ce côté authentique, même localement, ce sont des éléments traduisant une qualité de vie. Il y a aussi une grande variété et qualité des produits, puis une dynamique, une volonté de partage, permettant de mettre en concordance la volonté des producteurs et la demande de la clientèle ».

La Maison des vins et du tourisme s’inscrit dans une double identité, attachée à mettre en lumière les appellations viticoles (AOC) de son territoire : Cornas, Saint-Péray et Saint-Joseph. « C’est une fenêtre, une première ouverture à ces appellations prestigieuses. Certaines personnes s’y rendent pour les AOC puis regardent le reste des activités, d’autres ne viennent pas du tout pour ça et découvrent les vins et ses métiers. » Sur place, un dépôt-vente propose des vins d’une trentaine de domaines disposant de parcelles en Rhône Crussol, « un espace de vente supplémentaire avec des horaires souvent plus étendues que ceux de leur caveau ». Des animations œnotouristiques y sont proposées durant toute la saison estivale : ateliers de dégustation et événements autour du vin (afterwork les mercredis soir de mai à fin août, brunchs, concerts, etc.). « Les ateliers attirent des profils très variables, de tout âge, toujours un peu amateurs de vin, souvent des personnes de passage qui veulent découvrir les AOC », explique Clémentine Godin, chargée de leur animation. « Sur l’événementiel, la clientèle est à 80 % locale, très encline à découvrir et échanger avec les vignerons qui sont assez présents et actifs, ils aiment le collectif, donc nous arrivons à proposer divers événements festifs. »

Des atouts en termes de communication, de praticité et d’organisation

Cette tendance a permis aussi de soutenir d’autres filières agricoles qui accueillent du public à la ferme. « On a un réseau agritouristique assez riche et diversifié sur le territoire », renchérit Cécile Wang, qui anime un réseau d’agriculteurs et de brasseurs locaux dans le but de communiquer sur leurs offres agritouristiques. Parmi eux, des vignerons diversifiés, des éleveurs caprin, bovin, porcin, avicole, des maraîchers, apiculteurs, producteurs de Ppam1… Cultivant tous la volonté de transmettre auprès du grand public. « Nous leur apportons des atouts en termes de communication, de praticité et d’organisation. On se charge de la billetterie, de réunir le public et de le diriger vers l’exploitation. Une fois sur place, c’est le producteur qui partage son métier. » Parmi les visiteurs, elle constate la présence régulière d’une clientèle locale, « qui après reprend contact avec l’exploitant et achète ses produits ». À l’image de Marie-Odile, Saint-Pérollaise, qui se rend souvent à la Maison des vins et du tourisme pour réserver des animations pour ses enfants et petits-enfants lorsqu’ils viennent en vacances : « On a découvert beaucoup d’animations, dont les Poteries By Me, Au cochon d’Avril… Ça fait des liens, maintenant je lui commande des produits. Ça donne des ouvertures et des idées de cadeaux aussi ! »

A.L.

1. Plantes à parfum, aromatiques et médicinales.