MARAÎCHAGE
Production de légumes en 2019 : difficultés et solutions

Deux rencontres ouvertes aux maraîchers étaient organisées le 15 janvier dernier à Aubenas et Tournon par Renaud Pradon, conseiller maraîchage de la Chambre d’agriculture. L'occasion de faire le bilan de la saison 2019, des difficultés et des solutions envisageables avec Dominique Berry, de la Chambre d’agriculture du Rhône, référent technique régional maraîchage bio.

Production de légumes en 2019 : difficultés et solutions

Ce n'est guère une surprise : la production ardéchoise de légumes a été fortement perturbée par le climat : un printemps plutôt frais après un hiver doux, une sécheresse de près de cinq mois émaillée de quelques épisodes caniculaires... Les pertes sont colossales dans certaines productions, et plusieurs difficultés techniques et sanitaires se sont présentées.

Tomate

Cul noir

En tomates, des pertes colossales sont parfois à déplorer. « La gestion de l'irrigation y est pour beaucoup, estime Dominique Berry. Il est important de bien calculer ses besoins en eau selon le type de sol, et de vérifier l'humidité du terrain. Quel que soit le système d'irrigation, le tout est de pouvoir fournir au système racinaire un volume d'eau suffisant pour qu'il puisse s'épanouir en profondeur mais aussi en largeur. »

Aussi peut-on faire le lien entre la gestion de l'irrigation et certaines affections comme le cul noir, une nécrose qui ressemble à une pourriture de la base du fruit. « Le cul noir intervient suite à une carence à calcium, et provoque l'apparition de tâches noires sur les tomates, rappelle le technicien maraîchage. Or, le calcium est souvent présent en quantité suffisante dans les sols, mais la plante a du mal à l'assimiler à cause du manque d'eau. » Contre le cul noir, les arrosages par à-coups ou en excès sont à bannir. Le mot d'ordre : régularité ! Il convient également de veiller à apporter la matière organique suffisante au sol, d'autant plus en période de stress hydrique ou en période de froid tardif – comme ce fut le cas pour le mois de mai – dans la période d'installation et de développement du système racinaire.

Acariose bronzée

Provoquée par un acarien, Aculops lycopersici, l'acariose bronzée a causé de nombreux dégâts dans certaines exploitations. « Le ravageur est invisible à l'oeil nu, mais la maladie est reconnaissable car elle engendre un brunissement des tiges en externe et des dessèchements, indique Dominique Berry. Elle se développe en foyers, et est très difficile à combattre, l'acarien pouvant passer l'hiver sur la structure de la serre. » Il existe peu de moyens de lutte mais le soufre est assez efficace. « Sinon, c'est l'arrachage du pied contaminé. » Attention à ne pas confondre l'acariose bronzée avec le tétranyque (ou araignée rouge), qui se développe de manière plus diffuse et s'attaque aux feuilles qui se décolorent. « Contre le tétranyque, il faut agir de façon combinée sur le climat (ombrage et brumisation) et en lâchant des auxiliaires. » 

Punaises

La punaise verte de la tomate (Nezara), qui pique aux extrémités de la plante ou à la base des boutons floraux, provoque des dessèchements pouvant aboutir à d'importantes pertes de récolte. Elle s'attaque à la tomate, mais également à l'aubergine ou encore au poivron. Autre punaise qui a causé des dommages cette année, Lygus peut faire tomber les fleurs. On la retrouve également sur pommes de terre. « De forme plus allongée et de couleur brun clair, elle a tendance à s'épanouir sur le haut des plantes le matin avant de se réfugier dans la végétation pour fuir la chaleur, explique Dominique Berry. Il peut donc être opportun de tenter de les ramasser tôt le matin, à la main ou à l'aide d'un petit aspirateur. C'est le moyen le plus efficace de limiter son expansion. »

Plusieurs auxiliaires et notamment parasitoïdes permettent de lutter contre les punaises : Trissolcus, en cours de développement, est le principal. L'implantation de filets insect proof – se développe en aubergines dans le Sud-Ouest ou même au Maroc – peut également être efficace, « à condition qu'ils soient étanches et qu'on n'ait rien enfermé à l'intérieur ! »

Autre astuce : l'implantation de plantes hôtes (sarrasin, luzerne, tournesol), attractives pour les punaises qui, une fois concentrées sur ces plantes, sont plus faciles à éliminer.

Des pistes sont à l’étude avec des nématodes entomopathogènes.

Fusariose

Maladie cryptogamique, la fusariose se manifeste par un brunissement des vaisseaux latéraux des tiges. Provoquée par des champignons de sol, il n'existe donc aucune solution curative, mais il est possible de lutter contre leur expansion via deux moyens principaux : les rotations et la solarisation. Pour mettre en œuvre cette dernière technique, qui consiste à positionner des films ou bâches à même le sol pour faire monter la température du sol, il convient de s'assurer de 4 à 5 jours de fort ensoleillement. « Le sol monte en température jusqu'à 50 °C, voire plus jusqu’à 1cm de profondeur, ce qui permet d'éliminer certains champignons et parasites, indique le technicien en maraîchage bio. Prudence toutefois, « la solarisation détruit aussi la vie biologique du sol. Et la pratique des engrais verts est une bonne option pour réensemencer le sol par la suite, tout en étant vigilant là encore. »

Contre la fusariose, le choix de variétés ou de porte-greffes résistants peut également être une solution.

Courgette et aubergine

Pucerons

En courgette, de grosses invasions de pucerons sont survenues cette saison. Pour s'en prémunir, les larves de chrysopes sont relativement efficaces, et ont l'avantage d’être actives jusqu'à 10 °C, ce qui est précieux pour les printemps froids comme celui connu cette année. « On peut lâcher 2 à 5 larves / m2 en période froide, indique Dominique Berry. La fève, qui attire les pucerons mais également les auxiliaires, peut également être implantée dans l'environnement pour détourner les pucerons des cultures. De même que le calendula, qui attire les punaises prédatrices et notamment Macrolophus. Les céréales (orge, blé) attirent des pucerons qui leurs sont spécifiques mais également des auxiliaires plus généralistes, et peuvent en cela s'avérer utiles. On peut par exemple les semer le long des arceaux. » 

Altises et punaise diabolique

Une nouvelle altise arrivée en France provoque depuis peu des dégâts sur aubergines (pas encore en Ardèche a priori). Ce petit coléoptère perfore les feuilles et les fleurs d’aubergine.

Nouveau ravageur signalé en Savoie et en Isère, la punaise Halyomorpha1 ou « punaise diabolique » provoquerait des dégâts similaires aux autres punaises. Vigilance, donc !

Choux

En choux, en plus des chenilles (noctuelles et piérides), deux ravageurs peuvent provoquer d'importants dégâts : les punaises et les altises. La seule proposition de lutte est l'installation de filets (mailles 0,8 à 1 mm) dès la plantation et au moins durant 4 à 5 semaines, plus longtemps encore dans le cas des punaises. L'arrosage régulier (aspersion) durant les périodes de chaleur permet aussi de réduire un peu la pression d’altises. « Le Rhône a subi de grosses pertes de production cette année avec les punaises et les altises, mais les pluies d'août ont permis de limiter les pertes, indique Dominique Berry. N'oublions pas que le chou est une culture gourmande qui a besoin d'eau et de nourriture ! » Et de nuancer : « Pour autant, avec des sols au potentiel limité, il serait vain de trop apporter d'un coup. Privilégiez de petits apports d'azote, notamment en août lorsque la plante est en fin de cycle. Il en est de même pour les poireaux et les carottes ! »

Des problèmes de calibres en chou rouge ont également été notés : « Intervient la question des choix variétaux : certains hybrides sont peut-être plus adaptés à nos conditions ».

Pomme de terre

Cette année, le taupin a causé d’importants dégâts dans les cultures de pommes de terre mais aussi de salades, poireaux et carottes. « On note une hausse de la pression avec de nouvelles espèces de taupins, souligne Dominique Berry. Pour la limiter, il convient de gratter le sol, plutôt au printemps et à l’automne, lorsque les larves sont présentes dans l’horizon superficiel. Le tourteau de ricin, appliqué en dose suffisante (5 à 6 t / ha) est efficace ). Pour éviter la surdose en azote, il,conviendra de localiser l’apport sur les lignes de cultures. » Il n'existe cependant ni solution curative ni système de piégeage massif suffisamment efficaces.

Poireau

Certains exploitants ont fait part de dégâts sur poireaux (feuilles grignotées, pourrissement sur pied dans le courant de l'été), probablement imputables à la teigne du poireau. « Contre ce papillon nocturne, les filets insect proof sont efficaces s'ils sont installés dès la plantation. Le Bacillus est également efficace pour contrôler précocement l'insecte, à condition d'être appliqué assez tôt, quand les larves sont encore sur le feuillage », souligne Dominique Berry.

Les filets sont également valables contre la mouche « mais doivent, là encore, être installés tôt, dès l'identification des vols. La fauche du feuillage (une ou deux coupes) est également recommandée, les mouches pondant sur le haut des feuilles. »

1. Plus d'informations sur la punaise diabolique sur le site Internet http://ephytia.inra.fr.