Fédération nationale bovine
Patrick Bénézit : « Le prix, la mère des batailles »

Mardi 14 février, le conseil d’administration de la Fédération nationale bovine (FNB) a élu, avec près de 90 % des suffrages, Patrick Bénézit à sa présidence. Il succède à Bruno Dufayet. Interview.

Patrick Bénézit : « Le prix, la mère des batailles »
Patrick Bénézit élève des charolaises sur le Pierrefortais dans le Cantal.

La présidence change mais les combats restent identiques ?

Patrick Bénézit : « Oui, la mère des batailles reste le prix. Nous avons engagé ce combat avec les différentes lois Égalim. Il faut impérativement le poursuivre même si les choses ont évolué avec la hausse des prix enregistrée en 2022. Il y a donc eu des avancées, mais nous n’avons pas encore atteint l’objectif que les éleveurs soient à minima rémunérés à hauteur de leurs coûts de production en ayant des perspectives durables. Il y a par ailleurs de forts risques que dans les prochains mois, nos coûts de production continuent d’augmenter en raison de l’inflation. Il est donc impératif que les prix soient réellement indexés sur ces fameux indicateurs de coûts de production qui ont été réévalués pour le second semestre 2022 (+ 15 % en un an1) avec des courbes des prix et des coûts de production qui ne se touchent pas encore...  En clair, si la prise de conscience a commencé à se faire dans les filières, ces dernières ne se bougent pas assez vite sur ce sujet crucial : crucial pour les éleveurs, mais aussi pour l’aval. Si les filières n’accélèrent pas le mouvement, le risque c’est que non seulement la décapitalisation du cheptel s’accentue encore mais aussi que les outils de l’aval soient en péril avec à la clé une forte restructuration de nos filières. La seule solution est de donner des perspectives aux éleveurs. Rappelons qu’en l’espace de six-sept ans, on a perdu 837 000 vaches en France et cette année, on va largement dépasser le seuil du million de vaches, c’est une baisse historique du cheptel bovin tricolore. »

Vous évoquez les lois Égalim, les Pouvoirs publics sont-ils au rendez-vous de leur mise en œuvre ?

P. B.: « Nous demandons que la puissance publique ne faiblisse pas dans l’application de ces lois, notamment dans le respect des coûts de production et donc la rémunération des producteurs. Il faut aussi que ces lois soient pérennisées et c’est tout l’enjeu du projet de loi Descrozaille qui doit préserver le non-contournement de la clause de non-négociabilité de la matière première - clause qui a eu un effet levier efficace sur la hausse des prix - et prolonger l’encadrement des promotions et le seuil de revente à perte à 10 %. Nous attendons de la cohérence politique. »

C’est-à-dire ?

P. B. : « Il faut d’abord de la cohérence vis-à-vis des accords internationaux. Alors que la réouverture des négociations avec le Mercosur est annoncée, nous allons rappeler au chef de l’État son engagement à ne pas signer cet accord. On ne peut pas à la fois défendre la souveraineté alimentaire et accepter d’importer de la viande dont les standards ne correspondent absolument pas aux nôtres... et issue d’animaux élevés en recourant à des produits interdits en Europe. Nous pensons que notre modèle d’élevage français et européen est des plus vertueux, respectueux de l’environnement, mais il est menacé et attaqué entre autres par ces accords de libre-échange. Il ne pourra perdurer et jouer son rôle environnemental, économique, sociétal qu’à condition qu’on ne change pas les règles tous les quinze jours. Aujourd’hui, nous attendons de la puissance publique qu’elle définisse le modèle d’élevage qu’elle souhaite et fasse preuve de cohérence. »

Quelles sont les autres menaces sur ce modèle ?

P. B.: « Il y a d’autres sujets d’inquiétudes sur lesquels la FNB va se mobiliser, notamment les directives européennes qui pleuvent les unes après les autres, parmi lesquelles la directive sur les IED, relative aux émissions industrielles que Bruxelles voudrait appliquer aux élevages bovins qui n’ont rien à faire dans cette réglementation ! D’autres directives, tout autant de mauvais augures, vont suivre. Tout cela nécessite encore une fois de savoir ce que nous gouvernants veulent comme agriculture et élevage. »

Propos recueillis par Patricia Olivieri

1 : Les indicateurs interprofessionnels de prix de revient pour le second semestre 2022 sont disponibles : 4,05 €/kg vif pour les broutards, 5,92 €/kg carc., 6,69 €/kg carc. génisses, 6,12 €/kg carc. vaches.
Gestion des risques climatiques

Un indice qui ne doit pas faire loi

La FNB, comme ses collègues de la FNO (ovins viande), de la Fnec (caprins) sont toujours opposés au système indiciel satellitaire pour l’évaluation des pertes fourragères en cas d’aléas climatiques, indice qui s’appliquera non seulement pour le système assurantiel, mais aussi pour le fonds de solidarité, prévient Patrick Bénézit. Ainsi, pour ce dernier, le ministre de l’Agriculture doit revoir sa copie, en permettant un recours à ce dispositif indiciel, comme le prévoit la loi, un recours qui s’appuie sur des expertises de terrain. Or le projet de décret présenté par le ministre « protège plutôt bien les caisses de l’État et les intérêts des assureurs... mais laisse les éleveurs sur le carreau », fustigent FNB, FNO et Fnec.