VITICULTURE
Ensemble contre la flavescence dorée

Véritable fléau qui touche plusieurs vignobles français, la flavescence dorée a fait l'objet d'une conférence, organisée par les organismes de défense et de gestion (ODG) du Beaujolais, le mois dernier.

Ensemble contre la flavescence dorée
Aujourd’hui, 44 % du vignoble français est contaminé par la flavescence dorée.

« La flavescence dorée touche notre outil de production, on n’arrache pas par plaisir mais pour éviter la contamination des vignes et du voisinage, je salue les initiatives communales qui permettent d’avancer vers des solutions », a indiqué Jean-Marc Lafont, président de l’ODG des crus du Beaujolais. Sur place, les partenaires de l'événement étaient également présents : Draaf, Fredon, Inter Beaujolais, plan national dépérissement du vignoble (PNDV) et la chambre d’agriculture du Rhône.

Quelle situation en Beaujolais ?

Pour expliquer l’arrivée et la propagation de la flavescence dorée, Sylvie Jacob et Denis Bec, respectivement techniciens de la Fredon Bourgogne Franche-Comté et d’Auvergne-Rhône-Alpes, ont procédé à une rétrospective de la précédente saison. « En 2022, on a vu des symptômes dès début juin. En Saône-et-Loire, le premier foyer s’est déclaré en juillet », a relaté la responsable technique. Côté Rhône, Denis Bec a fait part de « signalements de viticulteurs inquiets de vignes rougissantes ». Et Bernard Dandalet, chargé de mission vignes à la Draaf, de préciser que dans le Beaujolais, « ce sont 12 000 ha de surfaces que l’on aimerait soumettre à la surveillance ». L'an passé, 9 000 ha ont été prospectés avec trois types de prospection : celles encadrées par la Fredon (5 000 ha), les bords de parcelles (1 534 ha) et l’organisation locale des vignerons (2 500 ha).

Dans le Rhône et la Saône-et-Loire, Denis Bec a fait état de « 60 communes sur 88 touchées par la flavescence dorée. On remarque une accélération importante ces quatre dernières années et aucun secteur n’est épargné ». À cela, Sylvie Jacob ajoute « qu’avant 2019, il n’y avait pas de flavescence. On avait remarqué un petit foyer vers Romanèche-Thorins (Saône-et-Loire), mais très peu de pieds avaient été signalés cette année-là ». Depuis, le foyer s’est étendu en Saône-et-Loire pour atteindre le Nord du Rhône. « Les communes limitrophes font l’objet d’une surveillance accrue. La vallée de l’Ardière est fortement contaminée également. Quant au sud, 2 ha de vignes ont été arrachés cette année », rappelle Denis Bec. Au total, ce sont 22 parcelles du Beaujolais qui ont été arrachées en 2022, soit 7 ha. En zone de forte contamination, trois traitements sont nécessaires, contre deux sur la majorité des communes impactées.

À l’origine, une cicadelle venue d’Amérique du Nord

Pour comprendre l’étendue de la maladie de la flavescence dorée, retour dans les années 1950. Si le vecteur est une cicadelle importée d’Amérique du Nord à la période du phylloxera, le phytoplasme (bactérie) lui, est bien européen. « La bactérie se développe dans l’aulne et la clématite. Avant le XXe siècle, les cicadelles n’allaient pas vraiment sur les vignes, a expliqué Sylvie Malembic, ingénieure de recherche à l’Inrae Bordeaux. Quand elle a été introduite, elle s’est avérée capable d’acquérir et de transmettre le phytoplasme. » Le petit insecte s’alimente et absorbe les bactéries. La cicadelle devient contaminante et est infectieuse au bout de quatre à cinq semaines et toute sa vie durant. L’introduction de la flavescence dorée vient donc de la cicadelle infestée qui transmet la maladie de vigne en vigne. Aujourd’hui, 44 % du vignoble français est contaminé.

Côté évolution, l’insecte se reproduit une fois par an. « Les œufs sont pondus sous l’écorce, l’éclosion des larves arrive en mai et quatre semaines après, elles sont infectieuses. La difficulté s’accentue car les pieds de vigne expriment les symptômes seulement l’année suivante, et en fin de saison le plus souvent », a expliqué l’ingénieure.

Gare aux déplacements de la cicadelle

À l’échelle de la parcelle, plusieurs travaux étudient le déplacement de la cicadelle. Avec des pièges et traceurs, les distances sont évaluées. « La première année, elles se déplacent de 160 m dans les parcelles, la deuxième année 230 m et les études montrent que la cicadelle peut aller jusqu’à 300 m », a alerté Sylvie Malembic. À plus grande distance, le phytoplasme se propage par les bois de vigne, d’où l’importance du traitement à l’eau chaude. Les courants aériens jouent également un rôle, « on constate un déplacement du sud de la Drôme au nord du Vaucluse », précise l’ingénieure de recherche. De plus, avec le matériel partagé, des larves peuvent être transportées, « il faut donc bien penser à éliminer les rameaux et les feuilles sur les engins », a prévenu Sylvie Malembic.

Réagir face à la propagation

Pour le Beaujolais, « les ODG ont pris les choses en main, ils appuient les prospections, a indiqué David Ratignier, président de l’ODG beaujolais et beaujolais villages. On va étendre les zones et rehausser les sanctions à l’automne prochain. Je sais que ce n’est pas satisfaisant de recourir aux traitements puisque nous étions dans une dynamique avec moins d’intrants, mais que cela nous plaise ou non, c’est ça ou perdre le vignoble. »

Charlotte Favarel

Flavescence dorée : les zones touchées en Ardèche
crédit : Fredon Aura.
SANITAIRE

Flavescence dorée : les zones touchées en Ardèche

Le Beaujolais est l'une des zones les plus touchée par la flavescence dorée en Auvergne Rhône-Alpes. Le reste de la région voit plutôt la contamination baisser. C'est aussi le cas en Ardèche, même si certains vignobles sont encore concernés par cette maladie au sud du département.

En 2022, sur les quelques 4000 hectares de vignoble ardéchois surveillés par la Fredon, 10 % des surfaces étaient concernées par une contamination de flavescence dorée. Au total, la Fredon note une réduction de contamination de près de 5000 ceps contaminés par rapport à l'année 2021. Sur le territoire la répartition des zones contaminées reste relativement similaire d'une année à l'autre avec toutefois de nettes améliorations. « À Beaulieu la lutte porte assez bien ses fruits, témoigne Alan Damiecki, responsable technique filière vigne à la Fredon Auvergne Rhône-Alpes. À Lussas, pour la première fois en 2021, de la flavescence dorée a été trouvée sur une parcelle. L'année suivante les vignerons ont été très mobilisés et on n'en a pas retrouvé sur la commune en 2022, on va donc pouvoir alléger la prospection cette année. » La vigilance reste tout de même de mise sur la partie sud du département et particulièrement dans des communes très viticoles comme Alba-la-Romaine, Viviers ou encore Saint-Thomé.

Sud-est : secteur le plus touché

En Ardèche, le secteur le plus touché par la flavescence dorée reste la partie sud-est. Si la lutte a permis de réduire le nombre de ceps contaminés sur la commune de Bourg-Saint-Andéol, « ça reste un peu chaud », confie Alan Damiecki. À quelques kilomètres de là, un peu plus au sud, la situation est également compliquée. « Sur la zone des trois Saints [Saint-Marcel-d'Ardèche, Saint-Just-d'Ardèche et Saint-Martin-d'Ardèche] on a dû mal à réduire le nombre de ceps et de parcelles », explique le responsable technique. Une surveillance maximale est donc engagée avec de la prospection et des traitements adaptés.

Au nord, une prospection volontaire

Le nord du département est quant à lui relativement épargné par la flavescence dorée et le bois noir (autre maladie qui touche la vigne française). Pour détecter d'éventuels symptômes au plus tôt, les syndicats des vignerons de Cornas et de Saint-Péray portent toutefois une action de prospection volontaire en partenariat avec la Fredon.

Pauline De Deus