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Pâturage peu fertile de montagne : une valeur à ne pas sous-estimer

INFO PRAIRIES / Face au changement climatique, la sécheresse et dans les climats rudes de montagne, les besoins en stock fourragers sont importants. La question de la productivité des prairies peut et doit être posée. On peut aussi chercher à valoriser pleinement les ressources disponibles, y compris les surfaces peu fertiles.

Pâturage peu fertile de montagne : une valeur à ne pas sous-estimer
On compte généralement 40 espèces présentes dans les pâturages peu fertiles de montagne. Source photo : Typologie des Prairies du Massif Central

Une flore très diversifiée

Les pâturages peu fertiles de montagne peuvent être décriés pour leur manque de productivité, mais leur flore est appétente grâce à la présence d’espèces de petite taille, de graminées à feuilles fines. On compte généralement 40 espèces présentes sur ces milieux et parfois plus de 50. Au niveau des graminées on trouve la fétuque rouge, l’agrostis commun, la flouve, la crételle… Des espèces plutôt tardives (départ en végétation et/ou en épiaison) et à bon report sur pied. Les légumineuses sont représentées par le lotier corniculé mais également le trèfle blanc car les graminées de petite taille ne lui font pas concurrence. Généralement les légumineuses restent discrètes et  représentent moins de 10% de la biomasse. Ces pâturages présentent également énormément d’espèces de dicotylédones et de fleurs, dont le fenouil des Alpes (ou cistre), le thym, l’hélianthème. Cette diversité présente un intérêt botanique reconnu qui peut être valorisé dans une société qui porte de plus en plus d’attention à la valeur écologique.

Une productivité faible, des espèces tardives, mais une grande souplesse d’exploitation

Source: Typologies des prairies du Massif Central

Ces surfaces doivent trouver leur place dans la chaîne de pâturage. Tardive au démarrage (départ en végétation vers 500°C) et de croissance lente, elles ne sont pas adaptées aux mises à l’herbe précoces ni à des temps de retour rapide comme en prairie productive qui peuvent être pâturée tous les 25 jours. On y pratiquera donc des premières exploitations tardives (500, 600, 700°C) et des retours de pâturages lents de l’ordre de 30 à 40 jours pour permettre à la prairie de repousser et ne pas entrer en surpâturage. Un autre usage peut être développé : une utilisation en report sur pied pendant la période estivale. En effet les espèces présentes ont l’aptitude à ne pas trop perdre en valeur et la faible biomasse présente devient un atout en évitant le gaspillage et les problèmes d’herbe couchée, piétinée.

Le graphique ci-dessus illustre la production de ce type de surface : un démarrage tardif pas avant 400°C.jour, et une productivité moyenne à faible suivant les secteurs et les types de sols. Pour la montagne ardéchoise compter 2 à 2.5 t ms/ha/an suivant les utilisations.

Une valeur nutritive qui se maintient y compris en été

Les observations réalisées à 1450 m d’altitude sur la commune de Sagnes et Goudoulet en 2017 montrent l’évolution de la valeur nutritive de l’herbe sur pied sans aucune exploitation préalable : il ne s’agit pas de repousse même à un stade avancée, mais de la valeur de l’herbe au fil de son évolution. La valeur UFL est excellente au départ en végétation (0,85 UFL) et encore très bonne à 900°C (0,82 UFL) c’est-à-dire au moment des premiers foins. Ensuite la valeur diminue régulièrement mais reste correcte en milieu d’été (0,72 UFL) et même en fin d’été puisqu’elle reste supérieure à celle d’un foin moyen (0,65 UFL/kg MS). La valeur d’encombrement reste modérée, soit 1.07 UEL/kg MS maximum en fin d’été contre 1,1 voire 1,15 pour du foin, ce qui permet de maintenir un bon niveau d’ingestion toute chose étant maîtrisée par ailleurs (abreuvement notamment car fourrage sec).

Concernant les protéines on note une inversion PDIN/PDIE vers 1000°C ce qui caractérise un manque d’azote soluble à partir de cette période et ensuite. A ce moment-là précis le fourrage est équilibré : 0.82 UFL, 93 PDIN, 90 PDIE. Aussi, à partir de cette époque, pour du pâturage en particulier pour des vaches laitières il conviendra d’adapter la complémentation en concentrés et apporter suffisamment d’énergie et d’azote rapidement utilisable (tourteau) pour assurer le bon fonctionnement du rumen et la production de lait.

Le tableau ci-dessous indique les productions laitières permises par cette même prairie, à savoir une pâture maigre d’altitude à graminées à feuilles fines. Jusqu’à 900-1000°C les productions laitières permises sont très correctes par rapport à un élevage moyen de montagne, soit 19-20 kg/VL/jour. L’énergie est limitante. A partir de la période des premiers foins (900-1000°C),  UFL et PDIN deviennent limitants d’où la nécessité d’adapter la complémentation en concentrés par rapport aux objectifs de production. Mais à fin juillet (1500°C) la production permise par cette herbe sur pied (soit 13 kg/jour) reste supérieure à celle d’un foin, et il faut attendre la fin août pour avoir une production permise par l’herbe équivalente à celle d’un foin moyen (soit 8 kg/jour).

Les pâtures maigres d’altitude présentes sur nos montagnes, bien que peu productives, peuvent apporter des réponses en terme de production grâce à leur saisonnalité décalée par rapport aux prairies plus productives et leur capacité à offrir une ressource fourragère de valeur correcte même tard en saison. Elles peuvent notamment être utilisées pour combler un « trou » de pâturage sur l’été et permettre d’attendre les regains derrière fauche. Elles conviennent pour des systèmes d’élevage avec des objectifs zootechniques modérées (VL à 4000-5000 l) et peuvent contribuer à l’adaptation des élevages de montagne aux évolutions du climat. Une attention particulière devra être apportée à la complémentation en concentrés en fonction des objectifs de production.