FNSEA
Epiterre veut rémunérer la biodiversité « au-delà du prix coûtant »

Epiterre a annoncé ce 14 septembre avoir remporté un appel à candidatures du fonds Régénératif pour la nature du groupe Kering pour financer le développement du sainfoin dans le Lot à hauteur de 500 000 euros. Une étape dans le développement du guichet de compensation environnementale de la FNSEA qui espère séduire plus de grandes entreprises et de collectivités.

Epiterre veut rémunérer la biodiversité « au-delà du prix coûtant »
Gilles Baraize, chef de projet Epiterre au sein de la FNSEA.

« Notre activité concerne aujourd’hui principalement la compensation réglementaire des aménageurs ou des projets énergétiques », résume Gilles Baraize, chef de projet Epiterre au sein de la FNSEA. Epiterre, précise-t-il, n’est ni une entreprise ni une association : c’est une marque issue des discussions entre la FNSEA et le réseau Imagin’rural avec pour objectif de devenir le « guichet unique » des collectivités et entreprises en matière de compensation dans le domaine de la biodiversité. Dernier fait d’arme de la marque : la sélection d’un projet Epiterre par le fonds Régénératif pour la nature du groupe de luxe Kering (Gucci, Saint-Laurent, Balenciaga…, qui lui a accordé 500 000 euros pour financer le développement du sainfoin dans le Lot. Une trentaine d’éleveurs du Groupement éleveur ovins caussenard (Geoc) utilisera ces fonds pour semer les fourrages sur près de 200 hectares, en étudiant leur comportement, et tout en implantant des ruches sur les parcelles grâce à des partenariats avec les apiculteurs. Le projet Kering est un géant dans le portefeuille d’Epiterre qui revendique une douzaine de projets sur tout le territoire français, avec des budgets entre 30 000 et 500 000 euros, pour une enveloppe moyenne « autour de 100 000 euros ». « Notre outil principal est le contrat de prestation pour service environnemental que nous avons développé et qui nous permet de payer les agriculteurs au-delà du prix coûtant et des niveaux des MAEC, en restant libres d’élaborer le cahier des charges le plus pertinent », souligne Gilles Baraize.

À partir de 1 300 €/ha

Le projet sélectionné par Kering, baptisé Apiz, figure parmi les premiers à avoir été présentés par Epiterre lors de son lancement au Salon de l’agriculture en 2019. Comme le détaille Alain Bier, responsable développement au sein du Geoc, la coopérative envisage grâce au financement de Kering de rémunérer les exploitants à hauteur de 1 300 € par hectare de sainfoin sur les trois ans. Une prime à laquelle pourraient s’ajouter des bonus en cas d’engagement des exploitants à réduire leurs intrants. Avec environ 40 000 euros consacrés à l’ingénierie, « nous allons faire des analyses de sols pour comparer les parcelles, mesurer l’état corporel des troupeaux, et peser les ruches, en suivant le degré de pureté du miel ». Autant de données qui viendront appuyer les nombreux développements déjà en cours ou prévus pour ce projet, « de la commercialisation de semences fermières de sainfoin à la vente d’agneaux sous label et jusqu’à la création d’une filière de fourrages », anticipe Alain Bier. Comme il l’explique, si l’argent de Kering représente un accélérateur inespéré, et un argument de poids dans les discussions au sein de la coopérative pour ressusciter le sainfoin, « nous serions de toute façon allés dans cette direction ». « Nous avons déposé un appel à projet en parallèle avec Agrosolutions auprès de l’Ademe pour mener une expertise autour de l’écoconception de nos produits, pour mieux les valoriser et mieux les différencier », dévoile Alain Bier.

Luxe, travaux et collectivités

Le groupe Kering soutient ce projet avant tout pour sa politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Il pourrait cependant s’intéresser à moyen terme à la laine ou au cuir issus de ces élevages durables. « Il existe encore une vraie question autour de la rémunération des matières premières par rapport aux pratiques mises en œuvre. Nous espérons vraiment pouvoir travailler avec nos fournisseurs pour aller jusqu’au bout des chaînes », prévoit Yoann Régent, responsable du sourcing durable au sein du groupe. Du côté d’Epiterre, la valorisation des produits agricoles demeure également une piste secondaire. Eiffage, SNCF, cosmétique, mode : « Nous souhaiterions développer notre offre en RSE à destination des grands groupes et du luxe, ainsi qu’à l’attention des collectivités », prévoit ainsi Gilles Baraize. Epiterre, confie-t-il, pourrait d’ailleurs aussi aider les FDSEA à frapper aux portes des collectivités pour financer leurs projets. Grâce à son partenariat avec France Carbone Agri, Epiterre pourrait aussi bientôt proposer la labellisation carbone sur certains projets. Mais la marque continuera de privilégier la compensation biodiversité, un domaine dans lequel beaucoup reste encore à écrire. « Sur le carbone, il y a déjà une concurrence importante, et notamment internationale. Le marché de la biodiversité, en comparaison, est plus immature, et nous avons une offre vraiment innovante, avec un déploiement sur le territoire que d’autres n’ont pas », défend Gilles Baraize.

IL