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Le renouveau de la traction animale

A.L.
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PRATIQUE AGRICOLE / Associée à des modes de production extensifs, la traction animale agricole est de plus en plus utilisée dans l’entretien des cultures maraîchères et des vignes.

Le renouveau de la traction animale
Julien Rivière, accompagné de sa jument Étincelle âgée de 7 ans, lors du binage d’une jeune plantation de vigne.

La traction animale agricole retrouve ses lettres de noblesse depuis une dizaine d’années, notamment pour effectuer le débardage en forêt ainsi que des travaux de désherbage, de buttage, de sarclage et l’implantation de couverts végétaux. Elle est de plus en plus utilisée avec des chevaux de trait dans l’entretien des cultures maraîchères et des vignes. Certains éleveurs conçoivent et développent leurs propres outils hippomobiles, et le secteur du machinisme propose de plus en plus d’outils adaptés.

Cette pratique s’associe souvent à des modes de production alternatifs à l'agriculture intensive. Elle apporte aussi des solutions aux filières qui rencontrent des problématiques engendrées par les machines lourdes : tassements des sols, vibrations des moteurs à explosion, consommation d’énergies fossiles… Les chevaux peuvent également travailler plus tôt que les tracteurs après une pluie, mais aussi plus facilement sur des parcelles enclavées et en pentes.

Des intérêts techniques et qualitatifs

De nombreux producteurs constatent que l’utilisation de chevaux de trait apporte de réels intérêts techniques et qualitatifs, notamment sur leurs sols. « Le travail de désherbage est très précis donc il y a moins de casse, notamment sur les jeunes plants de vigne que l’on abime facilement avec des interceps traditionnels », confirme Sébastien Arsac, vigneron en agriculture biologique et biodynamique, installé à Saint-Jean-Le-Centenier avec son frère Dimitri (Domaine Arsac). Sur les parcelles entretenues uniquement par traction animale, il observe également que les sols, plus meubles, sont plus faciles à travailler et présentent une meilleure capacité d’infiltration de l’eau. « L’essentiel de nos parcelles se situent en coteaux, sur des sols caillouteux, où il est très difficile voire impossible de travailler mécaniquement, donc la traction animale est intéressante sur ce point également. Nous faisions tout à la pioche jusqu’ici », ajoute Sébastien Arsac.

Parmi les travaux propices à la traction animale en viticulture figurent le griffage, le report de la terre de la bande enherbée, les semis d’engrais verts (orge ou vesce), le désherbage du cavaillon (chaussage, débuttage, lames), ainsi que la distribution des piquets.

Au début de l’été, Julien Rivière, éleveur de chevaux de trait à Saint-Etienne-de-Boulogne, accompagné d’Étincelle, jument âgée de 7 ans, ont entretenu certaines parcelles de vigne du Domaine Arsac. « Pour le binage sur 1,7 hectare, cela représente deux jours de travail alors qu’il faudrait 7 à 8 jours pour une personne seule à la pioche », indique l’éleveur, qui utilise des outils hippomobiles anciens. Sur une autre parcelle, ils effectuent le décavaillonnage d’une jeune plantation, « l’activité la plus spécifique de la traction animale et la plus utile aux vignerons ». La souplesse et la cadence de travail lui permet d’anticiper le risque d’abîmer les pieds de vigne et de manœuvrer rapidement son cheval pour le stopper et le faire reculer afin de le garder sur le bon axe, et ainsi gagner en précision.

« Au fur et à mesure, le travail devient instinctif »

Julien Rivière est installé à la tête « Les Attelages d’Étincelle », en référence à sa première jument et aux étincelles que font les fers des chevaux sur le goudron la nuit. Il élève actuellement 8 juments de trait dressées à la traction animale, avec une première naissance au printemps 2021. Il pratique l’attelage (cochet), le labourage et effectue sa 3e saison consécutive de travaux dans les vignes.

Habituée à être attelée à une calèche, Étincelle l’accompagne depuis toujours sur des travaux agricoles. « Les éduquer à la traction animale est plus ou moins facile. Cela peut prendre plusieurs mois pour certains, et seulement quelques séances pour d’autres. Tout dépend des chevaux et de leur tempérament, de leur âge aussi et de l’éducation qu’ils ont au départ. Ce sont des copains de boulot, donc c’est un peu comme avec les gens », plaisante Julien Rivière, qui préfère travailler avec des juments « plus volontaires et dynamiques que les hongres ». « Je les accompagne au début, leur montre, et au fil du temps le travail devient de plus en plus instinctif. L’idée est de les former en condition physique, avec suffisamment de temps de travail et de pause », indique l’éleveur. « Je fais travailler ma jument maximum 5 jours par semaine, avec des journées de 6 heures de travail entrecoupées de 2 heures de pause. Bien souvent, ce n’est pas leur condition physique qui fait défaut mais leur concentration. »

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L’Ardèche : 1er département de Rhône-Alpes en termes d’effectifs de chevaux de trait
Julien Rivière.

L’Ardèche : 1er département de Rhône-Alpes en termes d’effectifs de chevaux de trait

L’élevage de chevaux de trait occupe une place toute particulière en l’Ardèche. C’est le premier département de Rhône-Alpes en termes d'effectifs de chevaux de trait avec près de 250 animaux ! « Le cheval de trait est devenu très porteur. Les juments et les poulains se vendaient très mal ces dernières années, mais la situation s’est améliorée aujourd’hui », indique Julien Rivière, président du syndicat des chevaux de trait en Ardèche. « Ici, on trouve essentiellement des chevaux de trait de race comtois réputés pour leur rusticité qui s’adaptent très bien au territoire, quelques ardennais qui ont plus de caractère mais sont plus exigeants en alimentation, puis un peu de mulassier poitevin et baudet du Poitou dont sont issues les plus jolies mules. » Chaque année, cette filière est mise en lumière à l’occasion de la traditionnelle Fête du cheval de trait organisée par le syndicat des chevaux de trait en Ardèche. Cette année, elle a été annulée en raison du contexte sanitaire. Néanmoins, diverses animations sur les chevaux de trait seront proposées lors du Salon de l’agriculture ardéchoise (voir en page 28).

Sport, tourisme et chevaux de selle !

Sport, tourisme et chevaux de selle !

La filière de chevaux de selle, quant à elle, se concentre sur des activités agritouristiques et sportives, avec la présence d’une cinquantaine d’écuries, de fermes et centres équestres. « C’est une activité très importante, particulièrement dans le sud de l’Ardèche, d’Aubenas jusqu’aux limites du Gard », indique Jacques Talagrand, président du syndicat des chevaux de selle dans le département. « On dénombre environ 600 chevaux et poneys. » Alors que les besoins de chevaux sont grandissants, tant pour répondre à la demande touristique que de loisirs, les éleveurs se font de plus en plus rares, ajoute Jacques Talagrand. « C’est un élevage de passion, le cheval est un animal fragile qui demande beaucoup d’attention, qu’il faut dresser pendant plusieurs années. » Parmi les chevaux de loisirs, on retrouve le plus souvent des chevaux de pays rustiques tel que des croisés Camargue et croisés Espagnol. Les chevaux de concours et de compétition sont, quant à eux, de races Pur-sang anglais et Selle français.

RACE ANCIENNE / Baudet du Poitou : des ânes qui sortent de l’ordinaire

RACE ANCIENNE / Baudet du Poitou : des ânes qui sortent de l’ordinaire

La race baudet du Poitou est une race équine très ancienne. Ce type d’âne se distingue par un pelage très long, une grande taille, une forte ossature, beaucoup d’appétit et un caractère plus « collant et lymphatique que d’autres races d’ânes », explique Roselyne Girard, éleveuse sur la commune des Vallées-d’Antraïgues-Asperjoc. Jadis, les juments de trait poitevin étaient croisées avec des mâles bau­dets du Poitou afin de donner naissance à des mules poitevines, réputées pour être robustes et utiles au travail dans les régions montagneuses ou en temps de guerre. « Aujourd’hui, ces trois races sont en voie de disparition. » On dénombre seulement 250 baudets du Poitou dans le monde, dont les trois quarts sont élevés en France. Chez Roselyne Girard, se trouvent 8 femelles bau­dets du Poitou, ajouté à deux étalons, donnant 2 à 6 naissances selon les an­nées !