Arboriculture
La Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) sur le terrain à l’écoute des producteurs

Zoé Besle
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Une journée régionale de la Fédération nationale des producteurs de fruit (FNPF) s’est tenue le 30 novembre dernier dans le Rhône. Aléas climatiques, interdiction des produits phytosanitaires, nouvelles lois sur les emballages… autant de thèmes qui ont été abordés par les arboriculteurs.

La Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) sur le terrain à l’écoute des producteurs
Les membres de la FNPF ont échangé avec le président de la Sicoly, Patrick Reynard, et le député du Rhône Jean-Luc Fugit, notamment au sujet des interdictions de produits phytosanitaires et de l’interdiction des emballages plastiques pour les fruits et légumes non transformés.

2021 a été une année compliquée pour l’ensemble des agriculteurs. Pour la filière fruits, le bilan du gel est tout particulièrement douloureux. En Auvergne-Rhône-Alpes, 5 200 dossiers – dont 4 900 éligibles - de prise en charge des cotisations sociales par la MSA avaient été déposés à la fin du  mois de novembre, pour un total de 22,4 millions d’euros (M€). 28 % de ces dossiers émanaient d’arboriculteurs et 9 % d’exploitations mixtes en arboriculture et viticulture. Sur les 15 millions du dispositif d’aide régionale, 7 millions ont été alloués pour les fruits à noyaux et 460 dossiers ont été déposés, dont 306 validés, pour un montant de 1,5 M€. Pour le reste de l’enveloppe, qui concerne les fruits à pépins, le raisin de table, la viticulture et les entreprises de première mise en marché, 200 dossiers ont été déposés. « Mais nous avons peu de visibilité sur la consommation de l’enveloppe puisque certains dispositifs, comme l’aide pour les metteurs en marché de fruits à pépins, ne sont pas encore ouverts », résume Édith Bruneau, chargée de mission à la FRSEA Aura.

Partager conseils et inquiétudes

La journée régionale fruits, commencée à l’Earl des Fontaines à Taluyers (Rhône), a été l’occasion d’évoquer de nombreux sujets comme le gel, l’embauche de saisonniers ou encore les nouveaux investissements techniques de l’exploitation. À la tête de cette exploitation fondée en 1976, Cyril Prebet, qui la dirige depuis 1995. Avec 8 hectares de serres pour les fruits rouges, 12 hectares de vergers et 30 hectares d’endives et de légumes racine, l’Earl des Fontaines est polyvalente. L’exploitation de Cyril Prebet, qui vend l’essentiel de sa production en propre au marché de gros Lyon-Corbas, a été comme tant d’autres touchée de plein fouet par le gel d’avril dernier. « Dans l’ensemble, mes arbres fruitiers ont été gelés à 90 %, même s’il y a eu moins de dégâts sur les pommiers ou les pruniers », résume l’agriculteur. Il a également évoqué ses difficultés de logement pour ses employés : son équipe est composée de 20 employés permanents, auxquels viennent s’ajouter jusqu’à 55 saisonniers au plus fort de la saison de récolte. « C’est de plus en plus compliqué de tous les loger, on m’a récemment refusé un permis de construire pour pouvoir loger mes saisonniers », pointe Cyril Prebet. La visite s’est poursuivie dans sa nouvelle serre, construite au début de l’année. Dans ce nouvel espace d’1,5 hectare, fraises et framboises sont cultivées à l’aide d’un attirail technique important : programmateur d’irrigation, pompe à eau oxygénée, solarimètre, cuves à engrais… pour un montant de 25 000 €. Cet équipement de pointe permet à l’Earl des Fontaines d’assurer aux mieux la production de ses fruits rouges. Le solarimètre, par exemple, déclenche automatiquement l’irrigation à partir d’un certain taux de rayonnement. Il dispose également d’une serre moderne dans laquelle les framboises sont cultivées toute l’année à partir de plants issus de la propre pépinière de l’exploitation. « Les rendements sont meilleurs, et cela nous coûte beaucoup moins cher que d’acheter », explique Cyril Prebet. Chaque plan donne entre 3 et 4 kg de framboises par an.

« Un équilibre entre écologie et économie »

Les membres de la FNPF se sont ensuite rendus à la coopérative Sicoly, en présence de son président Patrick Reynard et du député LREM du Rhône Jean-Luc Fugit. Fondée en 1962, la coopérative rassemble une centaine d’associés et de coopérateurs, dont une grande partie est installée dans des zones périurbaines, souvent sur des coteaux. « Les productions sont très variées : nous sommes connus pour nos fruits rouges, mais nous avons aussi de la poire, de la pomme, des abricots ou encore des cerises », énumère Patrick Reynard, président de la Sicoly. Outre la vente de fruits frais en grande distribution et dans ses 15 magasins Terres lyonnaises, la coopérative congèle et transforme une partie de sa production ainsi que d’autres fruits plus exotiques, comme des mangues ou des oranges, en coulis, purées et autres préparations à destination des restaurateurs et de l’industrie pâtissière. La visite des ateliers a été l’occasion d’aborder plusieurs sujets d’actualité, comme l’interdiction de la vente sous plastique de nombreux fruits et légumes d’ici le premier janvier 2022. Tandis que des pommes Ariane® sont emballées par plusieurs employés dans du carton, le président de la Sicoly explique que ce nouvel emballage, adopté cette année en prévision du décret de la loi anti-gaspillage sur le plastique, apporte son lot de contraintes. « Comme le carton prend rapidement l’humidité, nous ne pouvons plus stocker les pommes en chambre froide. Chaque commande est donc réalisée à la dernière minute et part directement ensuite », résume Patrick Reynard. « En outre, l’emballage carton coûte cinq fois plus cher que du plastique. » Si 70 % des fruits de la Sicoly sont déjà conditionnés en vrac, l’application du décret du 8 octobre 2021 à une trentaine de fruits d’ici le début de l’année 2022 est donc source de changement. « Je ne comprends pas que le plastique biosourcé ait été exclu des emballages autorisés, pour moi ça ne fait pas sens », affirme Jérôme Jury, administrateur de la FNPF et arboriculteur en Isère. « Le problème, c’est que la France cherche à aller plus loin que l’Europe en matière de réglementation. Il faut arrêter les lois franco-françaises, et trouver un équilibre entre écologie et économie pour notre profession », affirme Françoise Roch, présidente de la FNPF. Dans le viseur notamment, l’interdiction ou la disparation de nombreux produits phytosanitaires. Après le dimethoate, utilisé notamment pour traiter les cerises, c’est bientôt le tour du phosmet. Dernier insecticide organo-phosphoré autorisé et efficace contre la drosophile, il devrait être interdit entre 2022 et 2023. Les arboriculteurs français craignent une disparition progressive de leur métier, car sans certains produits, difficile de produire en quantité. « Nous avons d’autres leviers pour lutter contre la drosophile, mais aucun ne peut remplacer entièrement les produits phytosanitaires. » D’autant plus que certaines molécules se retrouvent interdites en France alors qu’elles sont autorisées dans d’autres pays européens. Dans une étude commandée par la FNPF sur les molécules autorisées pour lutter contre le puceron vert du pêcher en Europe du Sud, il ressort
par exemple que seize molécules sont accréditées en Italie… contre seulement quatre en France ! Or, d’après le principe de reconnaissance mutuelle du droit européen, « tout produit vendu légalement dans un pays de l’UE peut être vendu dans un autre, même s’il ne respecte pas toutes ses règles techniques ». Une règle qui pourrait donc servir aux producteurs de fruits français pour « récupérer » certaines molécules ou produits. « Il y a une telle pression que les entreprises qui fabriquent les produits phytosanitaires retirent d’elles-mêmes certaines molécules en ne retentant pas d’être homologués, de peur d’entacher leur image en cas de future interdiction », pointe Bruno Darnaud, président de l’AOP pêche et abricots de France. « Nous, arboriculteurs, ne pouvons pas changer de production rapidement, comme ça peut être le cas pour d’autres agriculteurs. Il faut éviter que nous nous retrouvions dans des impasses. » Le salut viendra peut-être de la recherche et des expérimentations : le 24 novembre, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a annoncé une enveloppe additionnelle de 2,5 M€ pour « accélérer les recherches de solutions » alternatives au phosmet. La journée régionale de la FNPF s’est d’ailleurs achevée par la visite d’un verger de démonstration en cerise, qui permet à plusieurs producteurs rhônalpins de tester de nouvelles approches en matière d’irrigation, de lutte contre les ravageurs et contre le gel.

Zoé Besle