MONTAGNE ARDÉCHOISE
« Le Bœuf des prairies fleuries » bientôt dans les assiettes !

Marin du Couëdic
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Valoriser la viande bovine du plateau ardéchois, c’est l’objectif de cette nouvelle marque présentée le 15 décembre au Lac-d’Issarlès. Les premières pièces estampillées « Bœuf des prairies fleuries » devraient être disponibles en boucherie et en magasin dans les prochaines semaines.

« Le Bœuf des prairies fleuries » bientôt dans les assiettes !
Dominique Laffont, éleveur à La Rochette, Pascal Laurent, éleveur au Cros-de-Géorand, et Sébastien Comte, éleveur à Saint-Cirgues-en-Montagne.

« Tout est prêt pour la commercialisation. » Après plusieurs années de préparation, la rédaction d’un cahier des charges, le dépôt de la marque et le rapprochement des différents acteurs de la filière, le lancement de la marque « Bœuf des prairies fleuries – Saveurs de la Montagne ardéchoise » a été donné mercredi 15 décembre au Lac-d'Issarlès. Cette démarche collective, tournée vers la qualité, est le fruit du travail d’une dizaine d’éleveurs et de metteurs en marché pour valoriser la viande bovine produite sur le plateau ardéchois. Une terre d’élevage particulièrement préservée mais qui souffre d’un manque de reconnaissance. « Nos pratiques d’élevage sont vertueuses, pour nos animaux autant que pour notre environnement et nos paysages. Notre volonté est de pérenniser ces pratiques et les faire connaître au grand public », explique Pascal Laurent, éleveur au Cros-de-Géorand et partie prenante de la démarche. « Il y a un potentiel important sur ce territoire, avec d’un côté une forte demande pour une viande locale de qualité et de l’autre des centaines de bovins à valoriser chaque année », appuie Sylvain Baud, coordinateur Productions animales et chargé de mission Territoire Montagne à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. 

Avec cette marque, l’association qui porte la démarche depuis 2019 cherche ainsi à faire correspondre l’offre et la demande. Un projet devenu aujourd’hui concret avec des éleveurs d’ores et déjà prêts à proposer des animaux répondants aux critères du cahier des charges (lire ci-dessous) et plusieurs points de vente intéressés, dont l’Intermarché du Cheylard. D’autres GMS et boucheries devraient suivre alors les premières commercialisations sous la marque « Bœuf des prairies fleuries » pourraient débuter dès janvier 2022. « L’idée est d’arriver petit à petit à un panel d’éleveurs et d’acheteurs pour tenir un marché. Si nous arrivons à proposer une centaine de bêtes en 2022, ce serait un bon début », estime Dominique Laffont, éleveur à La Rochette et élu à la Chambre d’agriculture.

Valorisation de 10 à 15 % du prix de vente des animaux

Selon l’association, toute la filière aurait à y gagner. Les éleveurs concernés estiment la valorisation pour une génisse, un veau ou une jeune vache estampillée « Bœuf des prairies fleuries » à 10 à 15 % de valeur ajoutée, en moyenne, par rapport au prix de vente conventionnel des animaux. « Notre cahier des charges exigeant permet d’avoir une plus-value importante. La démarche devrait aussi permettre une régularité des prix sur le long terme, recherchée par les éleveurs », reprend Pascal Laurent. « Le coût sera un peu plus cher pour le consommateur mais au bénéfice d’une viande savoureuse et du maintien du tissu économique sur notre territoire », poursuit Dominique Laffont.

Pour valoriser le travail et l’activité des bouchers et acheteurs du territoire, les éleveurs impliqués s’engagent à ne pas faire de vente directe sous cette marque. Quant à l’abattage, il devra être réalisé sur un périmètre restreint dans un souci de traçabilité, de diminution du stress pour l’animal et pour soutenir l’économie locale.

42 communes concernées

La zone géographique éligible à l’élevage de « Bœufs des prairies fleuries » comprend 42 communes, situées à plus de 1000 m d’altitude, de Saint-Pierre-sur-Doux au nord à Sainte-Marguerite-Lafigère au sud et jusqu’à Mézilhac à l’est (une carte est disponible sur le site www.boeuf-prairies-fleuries.fr). L’animal doit être né, élevé et engraissé sur la commune (sauf dérogation pour les trois premières années d’installation). 

La démarche concerne à la fois l’agriculture conventionnelle et biologique. « Nous visons surtout des élevages de 60 à 100 têtes sur le volet allaitant, qui restent dans des dimensions familiales. L’idée est de revaloriser la viande de veaux, de génisses et de jeunes vaches pour faire face à la perte de vitesse de la production laitière sur la Montagne ardéchoise », affiche Sébastien Comte, éleveur à Saint-Cirgues-en-Montagne, lui aussi engagé dans la démarche.

« Cette zone comprend environ 140 éleveurs allaitants et 3 000 à 3 500 vaches, il y a peut-être 1 000 bêtes par an à valoriser », reprend Sylvain Baud. Une enquête menée dès 2017 sur le plateau ardéchois avait identifié une demande de la part des éleveurs d’accéder à un signe de qualité et de trouver des débouchés locaux. D’autre part, les bouchers interrogés avaient émis le souhait d’accéder à une plus grande quantité de viande bovine de la Montagne ardéchoise.

Fédérer les acteurs de la filière 

Reste pour le « Bœuf des prairies fleuries » à intégrer les acteurs de la filière – éleveurs, bouchers, GMS, fournisseurs ou restaurateurs – sous forme d’adhésions à l’association et à rendre visible la marque auprès du grand public.

Un site Internet est désormais accessible avec une présentation de la démarche, des éleveurs porteurs du projet, un accès au cahier des charges et des idées de recettes. La liste des points de vente sera également bientôt disponible. 

« Aujourd’hui, il reste du travail pour nous faire connaître mais nous croyons en cette capacité de créer du lien entre éleveurs et acteurs de la filière bovine sur la Montagne ardéchoise, conclut l’association. Nous sommes prêts à nous y atteler ».

« Complémentaire au Fin Gras »

DÉMARCHE / L'association du « Bœuf des prairies fleuries » estime que sa marque n'a pas vocation à entrer en concurrence avec l'AOP « Fin Gras du Mézenc ».

« Nous ne sommes pas en concurrence directe avec le Fin Gras du Mézenc. Il s’agit de deux démarches, deux cahiers des charges et deux zonages différents », insistent les éleveurs de l’association « Bœuf des prairies fleuries ». Ils rappellent que l’AOP Fin Gras reste le produit festif de la période de Pâques sur la montagne ardéchoise alors que leurs viandes (veaux, génisses et jeunes vaches) pourraient prendre le relais en été et en hiver. Les éleveurs, qui ont informé leurs homologues du Fin Gras de leur projet, sont convaincus qu’il y a « de la place pour les deux démarches » sur le territoire. « Nous ne sommes pas tout à fait sur le même produit, relève Pascal Laurent, éleveur à Cros-de-Géorand. L’idée, c’est d’être complémentaires au Fin Gras et ne surtout pas déstructurer leur démarche qui a très bien réussi ».

Ils l'ont dit

POLITIQUE / Plusieurs élus et officiels ardéchois ont pris la parole pour soutenir la démarche, lors de la présentation au Lac-d’Issarlès, le 15 décembre. Morceaux choisis.

« Mieux rémunérer les éleveurs »

Fabrice Brun, député de l’Ardèche : « Je soutiens cette initiative pour valoriser une viande ardéchoise de qualité, qui va permettre de mieux rémunérer les éleveurs et maintenir un tissu agricole dense sur la Montagne ardéchoise. Félicitations et à vous désormais de faire connaître cette marque sur le territoire ! »

« Répondre à une demande »

Matthieu Salel, vice-président au Département en charge de l’Agriculture : « L’élevage est une pratique indispensable pour l’économie, l’environnement et les paysages de la Montagne ardéchoise. Ici, les éleveurs s’adaptent et proposent des produits de qualité, qui correspondent à la demande de nos populations mais aussi de celles et ceux qui viennent visiter notre département. C’est un travail de longue haleine qui débute seulement aujourd’hui. Bel avenir au Bœuf des prairies fleuries ! »

« Vos habitudes de travail vont être reconnues »

Dominique Allix, président du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche : « Le Bœuf des prairies fleuries correspond à tout ce que le Parc souhaite accompagner, une démarche qualité, la valorisation de nos territoires et la préservation de la biodiversité. L’Ardèche est aujourd’hui un nom porteur et il faut en profiter. Avec cette démarche, vos habitudes de travail, déjà vertueuses sur la Montagne ardéchoise, vont être mieux reconnues. »

« Une marque qui valorise notre territoire »

Jacques Genest, président de la communauté de communes de la Montagne d’Ardèche : « Bravo aux agriculteurs porteurs de ce projet qui met en valeur la montagne et assurera des revenus plus importants aux exploitants locaux. Le Bœuf des prairies fleuries, comme le Fin Gras du Mézenc avant lui, valorise notre territoire et ceux qui y vivent et y travaillent. »

Un cahier des charges exigeant

Un cahier des charges exigeant

MARQUE COLLECTIVE / Si les exigences du cahier des charges sont nombreuses, elles correspondent pourtant à des pratiques traditionnelles déjà présentes dans la majorité des élevages de la Montagne ardéchoise.

Zone et période de production 

  • Montagne ardéchoise exclusivement (42 communes) ; élevages et siège de l’exploitation situés à plus de 1000 m d’altitude ; agriculture conventionnelle et biologique.
  • Production toute l’année (pas de saison comme, par exemple, pour le Fin Gras du Mézenc).

Alimentation 

  • 80% d’herbe (ou de foin) minimum ; compléments garantis sans OGM et garantie d'origine française.
  • Ensilage de maïs interdit pendant toute la vie des animaux, enrubannage interdit 100 jours avant l’abattage.
  • 80% d’aliments issus de la Montagne ardéchoise minimum, le reste de France.
  • Pâturage minimum de 5 mois par/an, hormis les veaux.
  • Veaux nourris uniquement à partir de lait maternel.

Races

  • Races à viande ou croisées (Charolaise, Limousine, Blonde d’Aquitaine, Salers, Aubrac).
  • Races mixtes en croisement avec races à viande (Montbéliarde, Abondance, Vosgienne, Simental).

Vie des animaux

  • Animaux nés, engraissés et abattus dans la zone de production ; dérogation possible pendant les 3 premières années d'installation (5 mois minimum sur l'exploitation avant abattage).
  • Plus d’1 ha/bovin présent sur l’exploitation.
  • Proximité des lieux d’abattage (Aubenas, Privas, Langogne, Annonay, Polignac, Yssingeaux).

Qualité de la viande

  • La viande provient uniquement de veaux, génisses ou jeunes vaches (5 ans max).
  • Maturation d’au moins 7 jours après abattage.

Commercialisation

  • Commercialisation uniquement en viande fraîche (ou sous vide).
  • Interdiction d'apposer la marque sur les produits destinés à la vente directe.

Environnement 

  • Interdiction des produits phytosanitaires sur les prairies et les cultures (dérogation possible pour traitement localisé pour la lutte contre les ravageurs).
  • 80 % de l’exploitation toujours en herbe (pour pâturage et foins).
  • Présence d’eau moins 3 plantes indicatrices de biodiversité dans les prairies.
  • Préservation des zones humides, pas de labour, pas de fertilisation minérale, de chaulage, de boisement ni de drainage.
« Nos bêtes sont en pâturage 6 mois de l'année et profitent de la grande diversité floristique de nos prairies, qui donne à la viande son goût si particulier », affichent les éleveurs porteurs de la démarche.