COOPÉRATION
« Aller vers la RHD est un axe fort de notre région »

Propos recueillis par Sébastien Duperay
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COOPÉRATION / Les entreprises coopératives d’Auvergne Rhône-Alpes ont été inégalement impactées par la crise sanitaire. En attendant la déclinaison régionale du plan de relance, leur fédération en Aura veut aider ses entreprises à regagner des parts de marché en RHD. Interview croisée de son président, Patrice Dumas, et de son directeur, Jean de Balathier.

« Aller vers la RHD est un axe fort de notre région »
Laurent Wauquiez (2e en partant de la droite) a été à l’écoute des présidents de coopératives. Ici avec Sébastien Coquard (à droite), président d’Agamy, et Patrice Dumas, président de la Coopération Agricole Aura et Jean de Balathier (à gauche).

Quel a été l’impact de la crise sanitaire pour les coopératives régionales ?

Patrice Dumas : « En Auvergne Rhône-Alpes, avec une forte proportion de produits AOP et une certaine montée en gamme, nos coopératives ont été davantage exposées au reflux de la restauration hors domicile (RHD) et du secteur des cafés-hôtels-restaurants (CHR). Nous devons travailler à sécuriser la distribution de nos produits, sans entrer en concurrence avec la grande distribution, mais pour faire en sorte que cela ne se reproduise pas. »

Jean de Balathier : « La Coopération Agricole a lancé une enquête nationale en mai, qui a révélé une baisse moyenne de 9 % du chiffre d’affaires des coopératives du fait du confinement, mais avec des disparités importantes. Plus les entreprises étaient petites et/ou positionnées sur des débouchés en RHD, plus elles ont été impactées. Une nouvelle enquête va être lancée dans les prochains jours sur la période de juin à août, pour mesurer les effets de rattrapage, par filière et par taille d’entreprises, la situation des trésoreries, les besoins en main-d’oeuvre et les effets des mesures gouvernementales. Nous savons qu’il y a eu des déplacements de marchés, mais nous avons besoin de chiffres pour conforter notre analyse. »

La Coopération Agricole a dévoilé un plan de relance au sortir du confinement, basé sur la compétitivité. Quelles sont ses priorités en région ?

P.D. : « Le plan de relance présenté en juin est axé sur la compétitivité et la transition agroécologique. Le premier axe en appelle à un soutien aux moyens de production, par l’investissement ou la mise en place d’outils de gestion des risques, et à la relocalisation, avec, par exemple, le développement de la filière protéines. Le second axe vise à accélérer et accompagner les transitions agroécologiques et énergétiques de nos entreprises. Nous voulons aussi apporter notre contribution concrète aux projets alimentaires territoriaux (PAT). »

J.de B. : « La Coopération Agricole a présenté en juin une plateforme de 30 mesures au gouvernement. Le plan France Relance, présenté début septembre par le Premier ministre, prévoit 1,2 milliard d’euros pour l’agriculture. Nous sommes en train d’analyser les réponses apportées par ce plan de relance aux propositions de La Coopération Agricole. Une mesure est notamment absente : la création d’un fonds d’investissement pour accompagner la transition agroécologique et investir en haut de bilan dans les structures. Nous attendons aussi la déclinaison régionale de ce plan de relance. Nous regrettons par ailleurs que le plan de relance de la Région ne soit pas coordonné avec celui de l’État. »

Votre fédération et plusieurs coopératives d’Aura ont rencontré le président de Région le 9 septembre chez Agamy1 à Bully (Rhône). Qu’en est-il ressorti ?

P.D. : « Cette rencontre avait été programmée lors du dernier Salon de l’agriculture. L’objectif était de présenter à Laurent Wauquiez le travail de la fédération régionale et de ses entreprises sur leur territoire. Le président de Région a été à l’écoute des présidents de coopératives. Il nous a annoncé la création d’un fonds souverain pour les entreprises, fonds dont nous ne connaissons pas les détails pour l’instant. »

La recherche de valeur est au coeur des préoccupations des filières agricoles. Comment la coopération agricole se positionne-t-elle dans ce débat ?

P.D. : « La loi Egalim seule ne peut pas apporter une solution dans la répartition de la valeur. Le prix est une résultante dans un marché et il ne peut se décréter. Les entreprises coopératives sont parfois entre le marteau et l’enclume : elles se doivent de collecter toute la production de leurs associés coopérateurs, et on leur demande même d’élargir la collecte lors de crises comme celle de la Covid-19 ; elles doivent ensuite trouver des marchés pour écouler leurs produits. Les GMS représentent 85 % de la distribution, le rapport de force est de fait compliqué. Pour la coopération, la relocalisation, l’aménagement du territoire, la transition agroécologique… sont des composantes de nos produits que nous devons mieux faire prendre en compte aux consommateurs pour qu’ils les achètent au juste prix. »

La Coopération Agricole Aura veut renforcer ses liens avec les grossistes distributeurs de la RHD, parmi lesquels le groupe Pomona. Quels sont les objectifs ?

P.D. : « Ce n’est pas un projet de partenariat exclusif coopération – Pomona, mais bien un travail avec les grossistes distributeurs de la RHD. Pendant le confinement, des discussions se sont engagées avec le groupe Pomona sur des actions à mettre en oeuvre, mais le travail avait démarré à l’automne 2019. Pour nous, aller vers la RHD et mieux identifier les produits de nos coopératives en RHD est un axe fort de notre région.»

J.de B. : « Notre sujet majeur est le regain de parts de marché sur la RHD, notamment la restauration publique. Notre souhait est de renforcer le référencement régional des grossistes distributeurs qui approvisionnent la RHD. D’autant plus qu’avec l’obligation de 50 % de produits durables2, il y a une volonté de la coopération d’entrer sur ce marché, pas seulement via les signes de qualité ou la bio, mais au travers d’une origine géographique. Nous voulons travailler sur la relocalisation de la réponse aux appels d’offres et cela passe par le grossiste distributeur, qui assure un métier de logistique que la plupart de nos entreprises ne savent pas ou ne veulent pas faire, même les plus grandes. Depuis deux ans, nous avons mis en place un comité de coordination de la RHD3 pour mettre de la cohérence entre les flux d’approvisionnement, de la commune à la région. Nous avons un double objectif : fournir aux grossistes un catalogue de produits qui leur permette de se sourcer pour répondre aux appels d’offres de la restauration collective, avec une assurance d’origine, et de renforcer leur gamme de produits destinée à la restauration commerciale. Tout le travail fait pendant la Covid-19 nous a permis de sortir des catalogues pour la viande, les œufs, les produits laitiers. »

Propos recueillis par Sébastien Duperay

1. La cave coopérative viticole Agamy (Rhône-Loire) est née de la fusion en 2016, des caves de Bully, Quincié, Vignerons foréziens et Coteaux du Lyonnais.
2. Soumise à de nouvelles obligations issues de la loi Egalim, la RHD publique devra proposer d’ici à janvier 2022, 50 % de produits sous signes officiels d’origine et de qualité, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique.
3. Il regroupe deux services de la Draaf (Sral et service économie agricole), la Région (direction de l’agriculture), la centrale d’achat de la Région, la Chambre régionale d’agriculture, l’Isara, Aura Gourmand, un acteur de la restauration collective d’entreprise, Prestal, et, depuis cette année, Cap rural.