PATRIMOINE
Ces grands projets qui ont bien failli défigurer le Pont d'Arc...

Mylène Coste
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PATRIMOINE / Trésor du patrimoine naturel ardéchois, le Pont d'Arc a pourtant bien failli perdre de sa superbe à plusieurs reprises. Suscitant ambitions et convoitises, il aurait pu devenir un pont routier ou même un barrage. Plongée dans les archives.

Ces grands projets qui ont bien failli défigurer le Pont d'Arc...
Dans les années 1920, le projet de barrage aurait relevé le niveau de l'eau de 12 m sous le Pont d'Arc. Source : Archives départementales de l'Ardèche (Ref: 8S127)

Il est l'emblème de l'Ardèche, l'égérie des cartes postales, et la fierté des Ardéchois ! Porte d'entrée naturelle des Gorges de l'Ardèche, surplombant la rivière à 54 m de hauteur, le Pont d'Arc est aujourd'hui un site classé et attire chaque année des visiteurs plus nombreux. Pourtant, à plusieurs reprises, le destin de ce joyau ardéchois aurait pu basculer...

Et dire que les voitures auraient pu passer sur le Pont-d'Arc...

Ce fut le cas au XVIIIe siècle, alors qu'un projet visant à désenclaver le Vivarais se profile. En effet, il était bien difficile, à cette époque, d'accéder au Vivarais en voiture depuis les autres diocèses de la province du Languedoc. Les Vivarois se penchent alors sur trois itinéraires : le premier relie Saint-Bonnet-le-Froid à Annonay, le deuxième rejoint Saint-Agrève depuis La Voulte-sur-Rhône ; le dernier, enfin, doit relier Pont-Saint-Esprit à Aubenas. Pour ce dernier itinéraire, une route passant par Vogüé, Lagorce, Vallon Pont-d'Arc et Labastide-de-Virac est envisagée. Pour traverser l'Ardèche, un pont routier sur le Pont d'Arc est alors een réflexion !

Les archives départementales ont notamment retrouvé une requête formulée en 1775 par les communautés de Vallon-Pont-d'Arc, Vagnas, mais également Barjac et Le Garn, plaidant pour cette option. Bien qu'elles s'acquittent d'impôts, ces dernières déplorent de n'avoir aucun accès aux grands chemins. Les requérants ont un argument de taille : la solidité et la hauteur du Pont d'Arc, qu'aucune crue n'aurait atteint.

Les arguments financiers, géographiques et commerciaux finissent par convaincre les états du Vivarais qui acceptent la requête. Mais une lutte d'influence aboutira, un an plus tard, à un retournement de situation. Le projet est finalement abandonné en 1776, au profit de celui, pourtant plus coûteux, d'un itinéraire passant par Villeneuve-de-Berg et Viviers.

Un projet de barrage pour alimenter Marseille

Initié en 1908, un projet de barrage dans l'Ardèche permettant d'alimenter Marseille en électricité chemine peu à peu. En 1920, la Compagnie générale d'électricité dépose à cet effet une demande de concession des forces hydrauliques de l'Ardèche. Le projet : utiliser la différence de niveau de 40 m entre Vallon-Pont-d'Arc et Saint-Martin d'Ardèche, avec la construction d'un barrage d'une capacité de 80 millions de m3, au niveau du village de Sauze ! Une convention est signée le 1er juillet 1922. Un rapport des délibérations du conseil général de l'Ardèche de 1922, disponible aux archives départementales, montre bien l'enthousiasme des élus. On peut même lire dans Le Riverain agricole que « notre département aura la fierté d'apporter la lumière aux Marseillais » !

Les archivistes du Département ont même déniché des photographies sur lesquelles on distingue le maire de Marseille Simon Flaissières arpenter les berges de l'Ardèche et profiter d'une excursion à canoë sous le fameux Pont d'Arc. Bien que non-officielle, cette visite datant du 7 octobre 1922 laisse supposer combien était grand l'intérêt de l'édile marseillais pour le futur ouvrage.

Mais bientôt, une partie de la population s'indigne contre ce projet. Certains opposants s'insurgent de voir leurs ressources ainsi préemptées pour les intérêts de tiers. Le Riverain agricole d'octobre 1923 affiche : « Que votre mot de ralliement soit "L'Ardèche aux Ardéchois !" », tandis qu'en mai 1924, L'âme gaulloise titre même « Un vandalisme dans l'Ardèche, l'industrie marseillaise contre le Pont d'Arc »; Louis Aurenche, journaliste, y dénonce la « destruction certaine du plus beau site vivarois ». De nombreux écrivains, artistes et intellectuels se joignent aux rangs des opposants. L'affaire remontera même jusqu'au président de la République. Finalement abandonné en 1928, le projet ne reste qu'un lointain souvenir.

Un site désormais protégé

Classés en 1982, le site du Pont d’Arc et ses abords sont aujourd'hui protégés. Son périmètre s'est étendu pour couvrir la surface et les tréfonds de la Grotte Chauvet depuis le décret du 7 janvier 2013, tandis que la Grotte Chauvet 2 a été classée au patrimoine mondial de l'Unesco en 2014.

Le site classé du Pont d’Arc-Chauvet est d'ailleurs le 2è site classé le plus fréquenté de la région, après le Mont Blanc.

Mylène Coste

En 1922,  le maire de Marseille Simon Flaissières avait visité le Pont d'Arc. Le projet de barrage d'alors devait permettre d'alimenter Marseille en électricité. Source: Archives départementales (ref 10FI)
En 1922, le maire de Marseille Simon Flaissières avait visité le Pont d'Arc. Le projet de barrage d'alors devait permettre d'alimenter Marseille en électricité. Source: Archives départementales (ref 10FI)
Fin 18e, le Pont d'Arc aurait pu se transformer en Pont routier, comme en témoigne cette gravure. Source : Archives départementales (ref 1J198)
Fin 18e, le Pont d'Arc aurait pu se transformer en Pont routier, comme en témoigne cette gravure. Source : Archives départementales (ref 1J198).
Pour aller plus loin : rendez-vous aux Archives !

Pour aller plus loin : rendez-vous aux Archives !

Cet article a été rédigé avec le concours des Archives départementales de l'Ardèche qui ont notamment publié deux ouvrages fournis pour aller plus loin : Les Ponts d'Ardèche, publié en 2012, et L'Ardèche dans l'après-guerre, publié en 2018.