FDSEA
« Reprendre en main la communication sur l’agriculture »

Mylène Coste
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« À année exceptionnelle, congrès exceptionnel ! » C’est en ces mots que Christel Cesana, présidente de la FDSEA de l’Ardèche, a ouvert l’assemblée générale du syndicat, qui s’est tenue en visioconférence le 22 mars.

« Reprendre en main la communication sur l’agriculture »
L’agriculture a aussi ses relais d’opinion : des chefs cuisiniers, le Tour de France ou encore des films comme « Nous, paysans » diffusé dernièrement sur France 2.

Se réapproprier les mots « écologie », « environnement », « biodiversité » : voilà un défi majeur pour les agriculteurs. « On se fait parfois voler des mots, mais on fait tous les jours de l’écologie dans nos parcelles ! », affirme Christel Cesana. Alors que nombre d’agriculteurs fustigent un agribashing permanent, le dialogue avec la société était au cœur du congrès de la FDSEA. « La communication sur nos métiers est un enjeu primordial aujourd’hui. Certaines ONG environnementalistes tentent de convaincre les décideurs politiques avec des arguments souvent approximatifs. Nous devons être en capacité de négocier en rétablissant des vérités, sur la base de chiffres réels, représentatifs de ce qu’est l’agriculture aujourd’hui : 14 % des emplois en France, 56 % du territoire, - 39 % d’utilisation des antibiotiques sur cinq ans, + 13 % d’agriculteurs bio l’an dernier… Il faut occuper le terrain avec une communication positive et réaliste sur l’agriculture. Le confinement a été l’occasion de renouer ce lien avec les consommateurs, et il faut le maintenir. Aujourd’hui, on peut communiquer depuis nos exploitations grâce aux réseaux sociaux : saisissons-nous de ces possibilités ! »

Si les médias véhiculent parfois une image biaisée de l’agriculture, tout n’est pas noir. Le monde agricole a aussi des relais d’opinion : des chefs cuisiniers, le Tour de France, ou encore des films comme dernièrement « Nous, paysans » diffusé sur France 2, et qui a réuni 5,3 millions de téléspectateurs.

« Nous voulons des prix et pas des merci »

Les congressistes ont également manifesté leur déception quant à la Loi Egalim, alors qu’une journée de mobilisation régionale sur le sujet se tient ce jeudi 25 mars. Christiane Lambert estime : « Pour certaines filières, à l’instar de la filière viande bovine, les prix et les résultats sont loin d’être suffisants. Il faut se poser la question de comment ces filières sont organisées. On peut citer l’exemple du Fin Gras du Mézenc, qui parvient à créer une vraie valeur ajoutée pour les éleveurs. Il faut donc être exigeants vis-à-vis de de nos acheteurs et des distributeurs, mais aussi de nos organisations de producteurs. Elle ajoute : La loi Egalim a toutefois été efficace pour certaines filières comme la volaille (+ 6 % de prix), du porc (+5%) ou encore du lait. » 

« Nous voulons des prix et pas des merci », a renchérit Christel Cesana.La présidente de la FDSA a enchaîné : « En Ardèche, les nombreux signes de qualité sont une réponse aux exigences de juste prix. Le dernier en date est le Bœuf des prairies fleuries, et j’espère que d’autres suivront vite, en particulier sur les fruits. »

ZNT : des chartes inconstitutionnelles ?

Autre sujet évoqué lors du congrès : la décision du Conseil constitutionnel du 19 mars, qui a jugé inconstitutionnelles les modalités d’élaboration des chartes départementales sur les zones de non-traitement (ZNT). Les Sages ont jugé « contraires à l’article 7 de la Charte de l’environnement les modalités retenues par le législateur pour l’élaboration des chartes d’engagement départementales relatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ». Christiane Lambert n’a pas manqué de réagir : « Nous avons mobilisé l’ensemble de nos juristes pour engager une bataille juridique d’experts. Il nous faut revenir à la charge pour que notre travail soit reconnu. » 

Mylène Coste

« Notre meilleure arme, c’est d’ouvrir les portes de nos exploitations »
Marie Casenave-Péré

« Notre meilleure arme, c’est d’ouvrir les portes de nos exploitations »

TÉMOIGNAGE / Marie Casenave-Péré a un parcours professionnel riche, entre l'enseignement en lycée agricole et l'animation dans plusieurs organisations professionnelles agricoles. Conjointe d’un agriculteur céréalier (blé, maïs, soja) à la Ferme Lammert dans la plaine de l’Ain, elle a partagé son expérience de la communication.

Comment expliquer les critiques de plus en plus grandes auxquelles font face les agriculteurs ? 

Marie Casenave-Péré : « Les pratiques agricoles ne cessent de s’améliorer, et paradoxalement les critiques ne cessent de s’amplifier et sont de plus en plus audibles, car relayées dans les médias et les réseaux sociaux. Les ¾ des Français vivent en ville, et les contacts entre urbains et agriculteurs se font de plus en plus rares. Si autrefois, on comptait tous des agriculteurs dans la famille, ce n’est plus le cas aujourd’hui, et le seul lien entre les deux mondes se fait au travers des médias ! Tout cela a conduit à un éloignement, que l’on peut mesurer dans le manque de connaissance des urbains quant à l’agriculture. Un exemple : la plupart d’entre eux ne font pas la différence entre le foin et la paille ! » 

Vous parlez même « d’indignation » ?

M.C.-P. : « Depuis 20 ans, les Français sont passés d’une relative indifférence envers le monde agricole, à une indignation. Mais cette indignation n’est pas exclusivement tournée vers l’agriculture : elle concerne de nombreux pans de la société. Les agriculteurs se sentent parfois stigmatisés mais il faut relativiser, car en réalité ils ne sont pas plus pointés du doigt que d’autres secteurs. Les chaînes d’info en continue, mais également les réseaux sociaux, amplifient cette indignation généralisée. »

Selon vous, les agriculteurs ont donc tort de se sentir « mal-aimés » ?

M.C.-P. : « Il y a bien des associations (comme L-214), dont l’objectif est de stigmatiser les agriculteurs, mais ces militants représentent peu de personnes. Il faut différencier ces militants du reste de la société qui est inquiète sur différents sujets – alimentation, environnement – et prompte à croire les messages parfois biaisés qui lui sont donnés via les réseaux sociaux et les médias. C’est d’ailleurs bien envers la société, que nous devons communiquer afin de réduire cette mauvaise perception de l’agriculture. »

Comment faire concrètement ?

M.C.-P. : « Il faut communiquer, via les réseaux sociaux mais aussi le plus possible physiquement. Sur les sujets polémiques, par exemple les traitements phytosanitaires, il faut être pragmatiques, expliquer que l’on comprend les craintes, tout en expliquant pourquoi et comment on traite, et que l’on respecte la règlementation. Souvent, cela fonctionne très bien. »

Qu'avez-vous mis en place pour communiquer sur votre ferme ?

M.C.-P. : « Puisque nous sommes situés dans une petite ville, il était important pour nous de communiquer auprès de nos voisins, de la population urbaine. Pour cela nous avons mis en place plusieurs choses : nous dialoguons avec les riverains en bord de champs dès que nous en avons l’occasion. Si certains peuvent être virulents au départ, à force de nous voir chaque jour et à force de dialogue, la confiance se crée et la perception se transforme. Nous organisons aussi des conférences régulières ouvertes à tous avec l’Université populaire du Rhin, pour apporter une culture générale agricole aux participants sur différents sujets : histoire de l’agriculture, échanges agricoles mondiaux, signes de qualité, réalité et enjeux du métier… Les gens sont très réceptifs. Nous accueillons aussi régulièrement des journalistes, et avons lancé un site Internet. Enfin, nous avons lancé une ferme pédagogique afin d’accueillir des jeunes, de l’école primaire à l’université. C’est un public qu’il ne faut pas négliger, et au travers duquel on touche aussi les parents ! »

Dans un département comme l’Ardèche, outre les rapports avec les riverains, il y peut aussi y avoir des tensions avec les touristes. Comment faire ?

M.C.-P. : « C’est en effet plus compliqué de nouer un dialogue constructif avec un touriste qui ne fait que passer, qu’avec un voisin avec qui on peut construire une relation de confiance. Dans tous les cas, notre meilleure arme, c’est d’ouvrir les portes de nos exploitations. Et pourquoi ne pas proposer une conférence sur l’agriculture locale au sein du camping ? Il y a des choses à inventer ! »

Propos recueillis par M.C.

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Christiane Lambert à participé au congrès de la FDSEA par visioconférence.

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