L’interprofession régionale laitière (Criel Alpes Massif central) a organisé, le jeudi 11 mai dans le Cantal, une journée spéciale afin d’aborder, de l’amont à l’aval, les atouts et les évolutions de la filière lait. Retour.

Jouer collectif pour la filière lait
Les responsables du Criel Alpes Massif central en visite au Gaec des Narcisses (Allier). ©BParret

La matinée du jeudi 11 mai a été dense pour le comité régional interprofessionnel de l’économie laitière (Criel Alpes Massif central). Ce rendez-vous en terres cantaliennes a été agrémenté de nombreuses thématiques concernant l’ensemble de la filière laitière, depuis l’exploitation jusqu’à la commercialisation. Il s’inscrivait dans le cadre du « Plan filière régionale avenir » pour servir de base de réflexion à la rédaction de la nouvelle mouture pour les cinq prochaines années. Que ce soit sur les exploitations, avec les enjeux de l’installation et de l’autonomie fourragère, ou dans l’industrie fromagère avec l’amélioration des conditions de travail et la commercialisation, les sujets de débats n’ont pas manqué pour aborder l’avenir de l’économie laitière française et plus particulièrement en Auvergne-Rhône-Alpes.

Ressources humaines

Les représentants du Criel régional, mais aussi de la chambre d’agriculture du Cantal, des syndicats professionnels FDSEA et JA, des unités de transformation et des différentes AOP auvergnates ont été conviés, dans un premier temps, à découvrir la nouvelle usine des Fromageries Paul Dischamp. Ouverte depuis un an à Saint-Flour, cette unité dédiée principalement à l’AOP cantal permet l’ancrage de l’entreprise sur l’Est du département. Avec un investissement de 10 millions d’euros, les dirigeants ont eu le souci d’améliorer les conditions de travail de leurs collaborateurs en misant notamment sur l’innovation et un robot d’affinage supprimant ainsi la rotation des fromages de 40 kg par les salariés. « Cela nous permet d’être plus attractifs également dans nos besoins réguliers de recrutement, a indiqué Arnauld Dischamp. Nous travaillons de la même manière en faveur des chauffeurs qui assurent une collecte sept jours sur sept. C’est important pour l’attractivité de nos métiers et nous devons réellement faire un effort dans ce sens sur l’ensemble de la filière, sans lâcher sur la qualité du produit. » L’autre point défendu par l’entreprise concerne son impact sur l’environnement et les ressources énergétiques avec le choix de l’énergie bois, le recyclage des eaux de lavage pour une réduction d’un tiers du volume consommé, le partenariat avec les agriculteurs en faveur du photovoltaïque et la collecte des lactosérums.

Revenus des producteurs

Vertueuses, les Fromageries Dischamp se veulent aussi attractives sur le plan économique pour les producteurs : prix garanti notamment pour les jeunes agriculteurs aidés aussi sur les bâtiments d’élevage et les salles de traite. « Nous avons permis à sept éleveurs allaitants de revenir à une production laitière », a précisé Florent Kaplon, directeur de l’amont du groupe auvergnat.
Sur ce point de l’aide à l’installation, Jean-Michel Javelle, le président du Criel, a reconnu que « chaque maillon est responsable du renouvellement des générations et de l’arrivée de jeunes producteurs, car il y va de l’avenir de l’ensemble de la filière ».

Enjeux de ferme

D’installation, il en a été d’ailleurs à nouveau question lors de la deuxième étape de la journée au Gaec des Narcisses, sur la commune de Laurie. Depuis 1984, et l’installation de Martine Verdier, l’arrivée de ses deux fils Jérôme et Cyril puis, en 2021, de Sandra, la belle-fille, la structure familiale n’a cessé de se développer pour permettre une rémunération correcte à chacun des quatre associés. Aujourd’hui, elle compte 110 vaches laitières pour une production de 1,2 million de litres de lait, principalement destinés à l’AOP bleu d’Auvergne. L’activité laitière est complétée d’un troupeau allaitant avec broutards et taurillons sur un site secondaire en Haute-Loire. Pour Jérôme Verdier, plusieurs enjeux sont constants : l’installation avec le départ prochain de sa mère ; la ressource en eau avec la nécessité de trouver d’autres solutions que le réseau communal d’eau potable, l’autonomie fourragère, conséquence du changement climatique et le coût élevé des semences. « C’est un sujet sur lequel nous travaillons à nouveau au plan régional pour de nouvelles propositions, a indiqué Patrick Escure, président de la chambre d’agriculture du Cantal. Cela s’appuie sur les mesures agro-environnementales (MAE) de la nouvelle Pac qui visent aussi dans notre région à l’autonomie fourragère. » Le Gaec cherche à baisser ses charges avec l’installation de panneaux photovoltaïques ou un bloc de traite équipé d’un récupérateur de chaleur. « Nous envisageons de stocker les eaux de pluie, au moins, pour tout ce qui est nettoyage. Nous arrivons à vivre sur notre exploitation à la condition de trouver chaque fois des solutions », a confié Jérôme Verdier.

Benoît Parret

“Du collectif et du sens”
Jean-Michel Javelle. ©BParret
IL A DIT

“Du collectif et du sens”

Jean-Michel Javelle, président du Criel Alpes Massif central.

Quel était l’objectif de cette journée du Criel régional dans le Cantal ?

Jean-Michel Javelle : « Nous avons un vice-président à la Région qui veut s’imprégner des territoires et on voulait lui faire connaître notre filière. On a beaucoup parlé du plan de filière. Nous sommes sur un collectif entre un amont et un aval sur lequel il ne peut y avoir d’opposition, mais de la cohésion pour faire comprendre tous les enjeux à nos partenaires. »

Quels sont ses enjeux ?

J.-M. J. : « Il y a la rémunération, bien entendu, même si cela ne rentre pas dans le champ contractuel de l’interprofession. Il y a aussi l’accompagnement technique des éleveurs et l’innovation chez les industriels. Il nous faut également réussir le renouvellement des générations et redonner de l’attractivité à nos métiers tant sur l’amont que l’aval. Enfin, les économies de charges et l’autonomie fourragère sont deux enjeux importants. Nous devons aussi défendre nos territoires à travers les AOP et les IGP. Il faut également regarder du côté des nouveaux modes de distribution. Nos trois collèges travaillent en concertation avec des arbitrages à faire pour défendre notre filière, nos producteurs et nos produits et plus globalement notre région. L’enjeu est de garder de la ressource laitière sur nos territoires pour fournir nos consommateurs. Je dirais aux jeunes qui veulent s’installer que l’agriculture donne du sens en permettant de travailler sur le vivant et de nourrir le monde. »

Le renouvellement des générations

Il a beaucoup été question de transmission et d’installation, lors de la journée du Criel Alpes Massif central sur le terrain dans le Cantal. Aussi, Fabrice Pannekoucke, vice-président de la Région en charge de l’agriculture, s’est rendu à Saint-Flour au challenge régional des jeunes meneurs, organisé par le lycée agricole Louis-Mallet de Saint-Flour. Il a ainsi tenu à rencontrer les jeunes en formation pour « encourager leur motivation » à devenir de futurs chefs d’exploitation et les assurer du soutien de la Région. « Je suis venu leur dire qu’ils prendront beaucoup de plaisir à faire ce métier, que ce ne sera pas toujours facile, mais que nous serons à leur côté, la Région et les filières ».

SOUTIEN RÉGIONAL / Un effort renforcé

Fabrice Pannekoucke, le vice-président de la Région en charge de l’agriculture, rêve d’un grand plateau de fromages à l’échelle de la région. Il souhaite davantage de visibilité pour la filière laitière et ses acteurs, agriculteurs et industriels, en « capacité d’innover pour porter la qualité, les savoir-faire et une économie ancrée sur les territoires ». L’agriculture constitue un levier de l’aménagement des territoires d’Auvergne-Rhône-Alpes. « C’est un marqueur très clair de notre région, et au moment du passage à une gestion régionale du Feader, nous avons fait quelques choix qui ne sont pas les mêmes qu’ailleurs, avec un calendrier très ramassé (102 dossiers DJA depuis le 3 janvier), un guichet dans chaque département pour être au plus proche des préoccupations et un budget agricole qui a quadruplé depuis 2015, a-t-il expliqué. Avec les derniers dispositifs, notre effort est même renforcé. Sur la question de la DJA, on donne au-delà de ce que préconise le Feader, avec 15 millions d’euros par an. »