ÉLEVAGE
Abattoir de Privas : une fermeture et des questions

Marin du Couëdic
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La fermeture précipitée de l’abattoir de Privas laisse des éleveurs dans une situation difficile, notamment ceux de la vallée de l’Eyrieux et de la vallée de l’Ouvèze, désormais dans l’obligation d’emmener leurs animaux à Aubenas. Des pistes de solutions ont été évoquées lors d’une réunion organisée par la Chambre d’agriculture, le 20 janvier. 

Abattoir de Privas : une fermeture et des questions
Propriétaire du bâtiment, la municipalité souhaite étudier la possibilité de transformer l’abattoir en atelier de découpe et de maturation de la viande.

La nouvelle est tombée comme un couperet. Aux derniers jours de l’année 2021, le monde agricole ardéchois apprenait la fermeture définitive de l’abattoir municipal de Privas. Un outil en perte de vitesse malgré les investissements consentis pour le moderniser (350 000 euros ces quatre dernières années) et plombé par un déficit chronique (380 000 euros). La production annuelle de cet abattoir de centre-ville, construit en 1962 sur la place des Récollets, n’atteignait plus que 200 tonnes de viande, contre plus de 3 000 tonnes à Aubenas et près de 1 400 tonnes à Annonay. Derrière cette décision, effective depuis le 31 janvier 2021, l’abandon du projet de construction d’un abattoir intercommunal, un temps imaginé au Pouzin : trop cher pour être viable économiquement, a conclu l’étude commandée par la Communauté d'Agglomération Privas Centre Ardèche (Capca), qui a mis un terme au projet.

Outre les bouchers, les premiers concernés par cette fermeture soudaine sont les éleveurs. Exploitants agricoles dans les Boutières, la vallée de l’Ouvèze ou le plateau du Coiron, ils étaient plusieurs dizaines à utiliser régulièrement l’outil privadois et à se retrouver aujourd’hui dans une situation difficile. « C’est un choc pour tous les éleveurs qui avaient l’habitude de s’y rendre, même ponctuellement. La plupart n’ont pas d’autre choix que de faire des kilomètres en plus et d’aller à Aubenas », réagit Alain Crozier, président du syndicat ovin de l’Ardèche et éleveur à Saint-Gineys-en-Coiron.

« Nous savions que l’abattoir de Privas battait de l’aile mais on ne s’attendait pas à ce qu’il ferme si vite. Nous l’avons appris dans les journaux », soupire Vincent Havond, éleveur bovin à Saint-Etienne-de-Serre (Gaec du Bouchet). À la tête d’un cheptel de 35 mères allaitantes, il emmenait une trentaine d’animaux par an à Privas et faisait la route en tracteur, soit 1h30 aller-retour. « Il faut presque deux fois plus de temps pour aller à l’abattoir d’Aubenas, reprend l’éleveur. Si aucune autre solution n’émerge, nous allons devoir investir dans une bétaillère. Ce serait un coût supplémentaire qu’on serait obligés de répercuter à notre boucher. »

Aubenas en capacité d’absorber les volumes

Ces problématique, les éleveurs concernés en ont longuement discutés lors d’une réunion organisée le 20 janvier à l’initiative de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche, en présence de la Capca, de la mairie de Privas et des services de l’Etat. « L’objectif, c’était de prendre en compte le ressenti des éleveurs et de commencer à ébaucher des solutions pour qu’ils soient le moins impactés possible », rapporte Anselme Basset, élu à la Chambre d’agriculture et éleveur à Rochessauve.

Cette rencontre a notamment été l’occasion de rappeler qu’avec une capacité de 4 500 tonnes, l’abattoir d’Aubenas est en mesure d’absorber les volumes qui étaient réalisés à Privas. Elle a aussi permis de faire la distinction entre les éleveurs qui utilisaient l’abattoir pour de la vente directe et ceux qui travaillaient avec des bouchers (80 % du tonnage à Privas). « Ce ne sont pas forcément les mêmes problème, précise Anselme Basset. Certains éleveurs abattaient déjà une partie de leurs bêtes à Aubenas, d’autres pas du tout. Nous avons constitué des groupes de travail pour trouver des solutions pour tout le monde, notamment sur le transport des animaux. »

Le transport des animaux au centre des questions

Des pistes ont ainsi émergé, bien qu’elles restent au stade d’hypothèses. Celle menant notamment à un transport collectif d’animaux vers l’abattoir d’Aubenas et à un retour des carcasses à la préfecture ardéchoise. L’ancienne salle de maturation de Privas a été citée en exemple pour permettre le stockage des carcasses. Une perspective « intéressante » pour les éleveurs mais aussi les bouchers qui ont participé à la réunion du 20 janvier.

Ont aussi été évoquées les possibilités d’abattage à la ferme, pratiquée à titre expérimental et à très petite échelle dans d’autres départements, mais coûteuse et compliquée à mettre en place dans des fermes parfois peu accessibles aux camions.

Les éleveurs concernés appelés à se manifester

Autre piste discuté lors de cette rencontre, la possibilité de transformer l’abattoir de Privas en atelier de découpe et de transformation de viande, si les contraintes techniques et sanitaires le permettent. « Aubenas ne fait pas de découpe ni de maturation de la viande. Ce projet pourrait permettre aux bouchers de continuer à acheter localement et éviter de mettre en danger les éleveurs du territoire », estime Michel Valla, maire de Privas. Un atelier dont la gestion pourrait être confié à une entreprise privée et qui pourrait fournir les cantines scolaires, selon la municipalité.

« Nous devons désormais constituer un noyau dur d’éleveurs concernés par cette fermeture et travailler ensemble ces différentes pistes, conclut Anselme Basset. Il appelle tous les éleveurs qui utilisaient l’abattoir de Privas à se manifester et à contacter la Chambre d’agriculture. « Nous sommes à leurs côtés pour trouver des solutions. »

L’abattoir d’Annonay se modernise en 2022
Les investissements doivent notamment permettre d'améliorer les conditions de travail des opérateurs.

L’abattoir d’Annonay se modernise en 2022

NORD ARDÉCHE/ La Société d’exploitation des abattoirs d’Annonay va investir dans un couloir d’amenée, un piège à bovins et un système de vidéosurveillance.

C’est désormais l’un des deux seuls outils d’abattage d’Ardèche, avec l’abattoir municipal d’Aubenas. La Société d’exploitation des abattoirs d’Annonay a livré près de 1400 tonnes de viande en 2021. Cet équipement « de proximité et dédié au marché local » selon les mots du gérant, Philippe Fauvet, travaille principalement avec des éleveurs du Nord Ardèche mais aussi ponctuellement avec des éleveurs de la Loire, de la Drôme et d’Isère. Il emploie une dizaine de salariés.

En 2022, l’abattoir d’Annonay prévoit des investissements à hauteur de 103 000 euros pour moderniser ses équipements. Une somme financée à hauteur de 40 % par le plan de relance mis en place par l’Etat pour améliorer la protection animale et les conditions de travail des opérateurs. Sont ainsi prévus à Annonay l’aménagement d’un nouveau couloir d’amenée des animaux et le changement du piège à bovins pour en installer un avec contention de la tête (permettant à l’opérateur d’étourdir plus facilement l’animal à l’aide d’un pistoler d’abattage). « Ces équipements doivent permettre d’améliorer la sécurité et les conditions de travail des salariés et d’être plus confortable pour les animaux », explique-t-on à l’abattoir. Le financement France Relance doit aussi permettre d’équiper le site d’un système de vidéosurveillance « afin de garantir la sûreté de l’outil ».

MONTAGNE / Langogne, « un outil indispensable pour les éleveurs du plateau »

Situé en Lozère, à la limite des frontières administratives de l’Ardèche, l’abattoir municipal de Langogne est utilisé par de nombreux éleveurs de la Montagne ardéchoise pour sa proximité géographique et ses équipements. En 2021, 1,8M€ ont été investis dans des travaux de réhabilitation pour remettre l’abattoir aux normes. « C’est un outil local indispensable sur le plateau, au carrefour de l’Ardèche, de la Haute-Loire et de la Lozère », rappelle Dominique Laffont, élu à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche et éleveur à La Rochette. La production annuelle de l’abattoir de Langogne approchait les 4 000 tonnes en 2020. L’activité porcine représente 75 % de l’activité.

« Continuer à proposer de la viande locale et de qualité à Privas »

« Continuer à proposer de la viande locale et de qualité à Privas »
« Enregistrer la fin d’un abattoir, ce n’est pas une nouvelle réjouissante pour la ville, les éleveurs, les bouchers et les consommateurs. Nous devons aujourd’hui imaginer la suite ensemble pour aider la filière et continuer à proposer de la viande locale et de qualité à Privas », estiment Michel Valla, maire de Privas, et Roger Rinck, adjoint au maire.