RÉCOLTE DES FOURRAGES
Le séchage en grange pour sécuriser la récolte

Avec ce printemps 2024 très humide, ponctué par de rares et courtes fenêtres météo de fauche, les éleveurs équipés d’un séchage en grange apprécient ses nombreux avantages pour récolter du foin au meilleur stade, conserver les feuilles des légumineuses et ainsi obtenir du fourrage très ingestible avec de bonnes valeurs nutritives.

Le séchage en grange pour sécuriser la récolte
L’investissement dans un séchage en grange, certes coûteux, peut permettre de répondre à un objectif de sécurisation de l’exploitation sur le volet qualité des fourrages de première coupe et fauches tardives d’automne. © Inosys-Réseaux d’élevage

Le contexte météo 2024 amène des éleveurs non équipés de séchage à se réinterroger sur la place et la pertinence de cet investissement dans leur exploitation. Certes l’inves­tissement est lourd, mais il permet de gagner en flexibilité au niveau de l’organisation du travail et sécurise la qualité des fourrages, même en année compliquée. Les différents travaux sur le changement climatique montrent en effet une tendance à une augmen­tation des températures, avec un effet attendu marqué sur les déficits hydriques estivaux ; mais ils mettent aussi en évidence une augmentation de la variabilité interannuelle.

Chaque exploitant a (aura) à s’inter­roger sur les points de sensibilité de son système et à arbitrer sur les niveaux de sécurisation qu’il choisira. On entrevoit, dès à présent, différentes stra­tégies qui pointent : ceux qui adaptent les bâtiments aux conditions de canicule, ceux qui misent sur la production de fourrages pâturables même en condi­tions sèches, ceux qui misent sur des reports de stocks de sécurité.

Réfléchir l’installation

L’investissement dans un séchage en grange aujourd’hui, certes coûteux, même dans le cas d’un investissement arrivant en milieu de carrière, peut permettre de répondre à un objectif de sécurisation de l’exploitation sur le volet qualité des fourrages (et donc sur le volet production laitière en période hivernale). La rentabilité nette de cet investissement (nouvelles annuités - charges en moins + produits en plus) est rarement observée, sauf si les années climatiques atypiques (printemps humide et automne favorable tardif) deviennent de plus en plus fréquentes.

Toutefois, sécher du foin en grange ne s’improvise pas : il faut bien réfléchir à son projet, de la conception de l’instal­lation à la constitution des rations, en passant par la gestion des prairies et l’organisation des chantiers de récolte. Une fiche éditée en 2020 par Inosys-Réseaux d’élevage (chambres d’agri­culture-Institut de l’Élevage) propose de guider la réflexion des éleveurs et leurs conseillers intéressés par ce mode de récolte. Elle est complétée par des simulations techniques et économiques qui illustrent les changements induits par le séchage en grange.

S’affranchir de la météo

Récolter de l’herbe à un stade plus précoce permet d’augmenter la produc­tion par vache et d’améliorer l’auto­nomie alimentaire, notamment au niveau protéique. Toutefois, si ce mode de récolte peut paraître séduisant, il n’est pas adapté à toutes les situations :

  • un parcellaire compliqué, éclaté, avec des parcelles éloignées augmentera le temps de récolte, qui sera un handicap pour organiser le chantier (remplissage insuffisant au départ, étalement du chantier dans le temps qui ne permettra pas de faucher à des stades précoces…) ou impliquera des doublons tant maté­riels qu’humains (chauffeurs). Des accès aux parcelles compliqués à cause de routes étroites, en zone périurbaine ou sur des voies chargées en circulation sont aussi des inconvénients forts.
  • L’investissement étant important malgré les aides publiques, l’exploitation doit avoir une situation financière très saine, éventuellement des emprunts qui s’arrêtent avant de se lancer. Le retour sur investissement est long.
  • Pour une meilleure rentabilité, il faut pouvoir réaliser plusieurs coupes de foin donc se situer dans une zone plutôt régulièrement arrosée et avoir des prairies à bon potentiel de produc­tion et de préférence avec des terres favorables à la luzerne. En effet, cette légumineuse riche en PDI peut sécu­riser aussi les rations en fibres et a un pouvoir tampon dans des régimes riches en azote soluble (fauches précoces) où les risques d’acidose sont présents.

Dimensionner l’installation

La réflexion sur la localisation du séchage, son dimensionnement et ses aménagements est essentielle car il s’agit d’un investissement pour durer (trente ans). Il est nécessaire d’avoir au minimum deux cellules équipées d’un ventilateur et de disposer de trois zones de stockage pour pouvoir trier le foin, selon la coupe, la flore et la qualité, et anticiper la ration (première coupe de bonne valeur, foin structuré ou luzerne et regain). Ainsi, en surdimensionnant la capacité de stockage, il est plus facile de mieux gérer la ration et d’économiser du concentré, mais aussi de contenir une année très « fourragère » et des stocks d’avance.

L’intérêt du séchage est surtout de sécu­riser la qualité de récolte des premières coupes précoces et les coupes d’au­tomne quand les conditions climatiques sont moins favorables au séchage du foin au sol ; mais il peut aussi concerner toutes les fauches. Le dimensionnement des cellules doit donc être adapté aux coupes que l’on souhaite mettre dans le séchoir. Le dimensionnement de chaque cellule intègre la proportion de foin et regain, mais aussi l’organisation des chantiers. Le dimensionnement global s’établit sur la base d’une excellente année, ou année dite record, auquel on ajoute le volume de report de stock. Des références locales sont souvent dispo­nibles auprès des experts qu’il convient de consulter pour bâtir son projet. D’un milieu à l’autre, les situations peuvent être très différentes, par exemple selon l’importance de la première coupe, ou la possibilité de multiplier les coupes. Le dimensionnement sera aussi fonction du type de foin choisi pour les génisses : foin ventilé ou séché au sol.

Le bâtiment qui abrite les cellules devra être adapté tant en surface qu’en hauteur. Si le foin ventilé remplace des ensilages, il faudra sans doute envisager la construction d’un nouveau bâtiment. S’il vient en remplacement de foin séché au sol, il est possible que le bâtiment de stockage suffise. L’aménagement d’un capteur solaire (circulation d’air sous le toit) est nécessaire dans tous les cas : il faut équiper 2 à 3 m² de toiture (airré­chauffé) par m² de zone de séchoir actif.

Conduite des prairies et du troupeau à adapter

Dans tous les systèmes, le séchage en grange doit s’accompagner d’une adaptation du système fourrager et notamment un rééquilibrage de l’herbe et du maïs. La maîtrise des concentrés devient un enjeu majeur de la réussite économique du séchage en grange et une conduite trop généreuse de l’ali­mentation en concentrés peut entamer la rentabilité du projet. Cela suppose de récolter du foin au bon stade et surtout une part de regain d’au moins 40 % dans le séchoir en zone de montagne et plus de 50 % en coteaux et en plaine. La présence de prairies multi-espèces avec de la luzerne, ou de prairies perma­nentes productives, le permettra.

  • Modifier les assolements.

Les espèces récoltées sont de préfé­rence des espèces de longue durée en mélange (fétuque, dactyle, luzerne, trèfles en principal) et non des raygrass ou raygrass d’Italie + trèfle Violet qui ne sécurisent pas des rendements au-delà de deux coupes, tout en se compactant facilement dans le séchoir en ralen­tissant la circulation de l’air. Donc, en cas de modification du type de prairies, s’assurer de la cohérence des nouvelles rotations (plus longues) à mettre en place. Les espèces et variétés de prairies seront choisies en fonction du contexte pédoclimatique et de façon à étaler les précocités dans l’objectif de récolter la première coupe sur trois semaines pour obtenir les meilleures valeurs alimen­taires. Elles seront aussi adaptées selon l’étagement (altitude) et l’exposition des parcelles. Le séchage entraîne souvent une exploitation plus intensive des surfaces en herbe qui s’accompagne d’une augmentation de la fertilisa­tion. Et, l’irrigation, si elle est possible, reste une alliée pour obtenir de bons rendements et multiplier les coupes de luzerne ou des prairies multi-espèces à dominante de luzerne ou trèfles.

  • Introduire des prairies multi-espèces ou des luzernes dans le système fourrager.

S’il s’agit d’un système tout herbe en prairie naturelle (montagne), le séchage en grange permettra de sécuriser la qualité de la première coupe ainsi que celle de l’automne, surtout dans les zones à forte pluviométrie (Alpes, Jura). Si le système initial comporte des prairies temporaires, alors celles-ci seront implantées en prairies multi-es­pèces. Pour équilibrer la ration, l’idéal sera de produire ou d’acheter du maïs grain ou du maïs épi.

Les systèmes avec maïs ensilage qui investissent dans un séchage en grange auront intérêt à cultiver de la luzerne et des prairies multi-espèces et à garder une part de maïs ensilage ou maïs épi pour équilibrer leur ration et limiter les apports en concentrés. La réalisation d’un bilan fourrager complet (stocks et pâtures pour les vaches et génisses) permettra de s’assurer que les stocks sont suffisants et couvrent les besoins des animaux, et aussi d’évaluer les possibilités de maintien ou dévelop­pement du pâturage. La complémen­tation des animaux et la gestion de la matière organique sont à adapter.

  • Équilibrer les rations et veiller à leur fibrosité.

Le séchage en grange doit permettre de récolter le foin à un meilleur stade (plus précoce, et dans de bonnes conditions) et aussi d’augmenter la proportion de regain. Grâce à la meilleure teneur en protéines, et un encombrement plus faible, l’ingestion du foin ventilé est nettement plus importante que celle d’un foin séché au sol. De ce fait, il faudra prévoir une augmentation des quantités stockées. Grâce à cet accroissement de l’ingestion et la meilleure valeur nutri­tive, les besoins en concentrés, surtout en correcteur azoté, sont réduits. Cela sera encore plus marqué si la part de foin dans la ration est importante. Cette réduction de complémentation des vaches, notamment en tourteaux, doit en effet constituer le principal objectif pour rentabiliser le projet.

En complément du foin séché en grange, l’énergie apportée à la ration ne doit pas être trop rapidement fermentes­cible. Sous réserve de bien maîtriser la fibrosité de la ration, les associations à du maïs ensilage (5 kg de MS/VL/j) ou du maïs épi ou grain (2-3 de kg MS) composent des rations bien équilibrées et permettent même d’être autonome si on peut produire le maïs.

Pour assurer une bonne rumination des vaches et se prémunir de l’acidose, la fibrosité de la ration doit être maîtrisée avec 15 % de foin structuré qui sera distribué en premier aux vaches, en première distribution de la journée, à moins d’avoir une proportion élevée de luzerne dans le séchoir (25 % minimum). Tout est possible si on dispose de plusieurs cellules et que le foin a été stocké de façon organisée. Les génisses de plus de 6 mois nourries avec du foin ventilé n’ont en principe pas besoin de complémentation en concentrés.

  • La production laitière se maintient.

Lors du passage au séchage en grange, la production laitière est stable, sauf si l’éleveur fait des choix différents. Et avec des fourrages de qualité régulière d’une année à l’autre, on observe moins de variations interannuelles de la produc­tion laitière, surtout en système tout foin. En hiver, il est plus facile de tenir un haut niveau de production avec un séchage qu’en ration foin séché au sol.

Des changements dans l’organisation du travail

Avec un séchoir, le travail est mieux réparti sur l’année, mais une forte dispo­nibilité est obligatoire pour les premières coupes. Le chantier de récolte est plus court que pour un foin séché au sol. La fauche se fait souvent en début d’après-midi et un ou deux fanages sont toujours nécessaires. Et les foins sont engrangés à partir du début d’après-midi, à 60-65 % de MS minimum sans déshumidificateur (possible à 55 % en été). Avec un déshumidifica­teur, l’engrangement peut se faire à 50-55 % de MS. Les journées de récolte sont longues : l’idéal est d’être deux pour conduire le chantier de récolte, un à l’autochargeuse et l’autre à l’en­grangement. Sinon, il faut prévoir une grande surface de déchargement. La récolte se réalise souvent de 13 h à 21 h : pour maximiser les quantités récoltées sur une journée, il est donc préférable qu’une autre personne s’occupe de la traite du soir. Il est difficile de prévoir des occupations privées le dimanche pendant les périodes de récoltes (mai et juin) car les fenêtres météo sont parfois courtes.

Par rapport à des exploitations avec ensilages (labour, traitement, irrigation, chantier d’ensilage en équipe, dessi­lage en hiver), les pointes de travail sont moins marquées avec un séchoir et les tâches mieux réparties sur la saison fourragère en raison de la multipli­cité des coupes d’herbe. Le travail est soutenu au printemps avec la première coupe puis l’épandage de lisier pour les fauches suivantes. Les travaux s’étalent sur une longue période du fait de la multiplicité des coupes (fauche toutes les cinq à sept semaines). Ce sentiment est encore plus vrai sur prairie tempo­raire que sur prairie naturelle, sachant qu’il est souvent possible de réaliser une coupe d’herbe supplémentaire à l’automne, par rapport à la situation initiale. Les années pluvieuses, les chan­tiers de récoltes peuvent s’étaler d’avril à octobre. La meilleure réponse pour être efficace est d’avoir un équipement de fanage et de récolte bien dimensionné aux surfaces à exploiter.

  • Bien organiser les chantiers et remplir les cellules.

La conduite du chantier est délicate, notamment la première année. Il faut calculer la surface à récolter pour la première mise en cellule en début de récolte. Les parcelles à faucher sont choisies selon leur éloignement et selon les espèces et leur précocité. Pour la récolte, il faut jongler entre les parcelles éloignées et les parcelles proches, de façon à avoir un apport minimum notam­ment pour le premier remplissage.

La structuration du parcellaire a une influence forte sur l’organisation des chantiers. Avec un parcellaire groupé, et des parcelles à récolter peu éloignées du site de ventilation, il sera possible de rentrer entre six et dix autochargeuses par jour (soit deux par heure, sur la base d’une autochargeuse de 45 – 50 m3).

Au premier remplissage d’une cellule, l’objectif est d’engranger sur une hauteur de 1,5 à 2 mètres de foin (densité évaluée à 80-90 kg de MS par m3) de façon à permettre une circulation homogène de l’air. Les engrangements suivants sont au maximum de 1 à 1,50 m par jour, hauteur qu’il convient d’adapter à la puissance des ventilateurs et de l’humidité du foin.

Au cours de la saison, le fourrage est réparti entre les différentes cellules en fonction de sa qualité (foin de première coupe de bonne valeur nutritive, foin structuré ou de luzerne, regain). C’est indispensable pour gérer la qualité des rations en hiver, tant en valeur nutritive qu’en fibrosité. Pour une bonne circu­lation de l’air, une attention particulière doit être portée à l’engrangement dans les angles et le long des parois des cellules. Dans les installations récentes, l’humidité du foin est automatiquement contrôlée par des sondes qui pilotent la ventilation. En cas d’excès d’humi­dité, de prise en masse ou de mauvaise circulation de l’air, un dégriffage peut être nécessaire.

  • Disposer de matériel performant.

Pour éviter les pannes en pleine récolte, il est indispensable d’avoir du matériel performant et bien entretenu. Pour un bon débit de chantier, il est recommandé de disposer d’un double équipement de fauche (faucheuses frontale et latérale) et d’un andaineur de grande largeur.

Réfléchir son projet et se faire conseiller

Le passage au séchage en grange ne se limite pas à l’investissement en bâtiment et matériel. Les change­ments sur le système fourrager et la conduite des prairies sont importants. Il est donc indispensable de s’entourer de compétences et de faire appel à un conseiller pour mettre en phase les cultures et l’équipement). Il faut aussi un à deux ans pour apprendre à ajuster l’évolution de sa perception de la qualité du foin : état de l’herbe qui sèche au champ et dans les cellules. L’appui d’un conseiller permettra de réussir dès la première année et aussi d’optimiser l’électricité consommée.

Extrait du document édité par l’Institut de l’Élevage en juin 2020 et rédigé par Inosys-Réseaux d’élevage, un dis­positif partenarial associant des éleveurs et des ingénieurs de l’Institut de l’Élevage et des Chambres d’agriculture pour produire des références sur les systèmes d’élevages. Ont contribué à ce dossier : Véronique Bouchard (CA Rhô­ne), Nathalie Sabatté (CA Savoie Mont-Blanc), Angélique Andrieu (CA Hautes-Alpes), Gabrielle Dumas (CA Ain), Jean-Pierre Monier (CA Loire), Audrey Vigoureux (CA Isère) et Monique Laurent (Institut de l’Élevage). Crédits photos : GAEC des Chartreux, Véronique Bouchard, Cécile Grand, Monique Laurent. L’étude complète est téléchargeable sur : https://idele.fr/inosys-reseaux-elevage/publication

ÉCONOMIE / Le bâtiment de stockage : le plus gros investissement

Le coût d’investissement (maçonnerie + couverture + cellules) s’élève entre 500 et 550 €/m² de cellule. Il peut être réduit à 360 – 460 €/m² de cellule si les aménagements du séchoir sont réalisés par l’éleveur. Ramenés à la tonne de matière sèche, les coûts des bâtiments et équipements (hors matériels de récolte) sont de 750 à 900 €/tonne de matière sèche (tMS)1 pour un gros séchoir (250 à 400 tonnes de MS de foin) et de 1 200 à 1 700 €/tMS pour un petit séchoir (150 à 250 tonnes de MS de foin).

À noter : si le projet est intégralement réalisé par des entreprises, il convient de prévoir un surcoût de 15 à 20 % sur les chiffres ici exposés.

Il faut compter 20 000 à 26 000 € pour une faucheuse (6 m), 12 000 € pour une faneuse, 15 000 à 20 000 € pour un double andaineur. Selon sa capacité, l’autochargeuse (45 à 70 m3) coûte 30 000 à 50 000 €, mais il est possible d’en trouver d’occasion pour 5 000 à 10 000 €.

Les charges d’électricité augmentent d’environ 12 €/tMS de foin séché, soit + 4 €/1 000 litres de lait selon le taux de MS du foin à l’entrée du séchoir et du type de contrat d’électricité. Les frais d’assurances sont aussi plus élevés du fait de la présence de nouvelles installations (bâtiment, matériel, installations électriques). Les charges de mécanisation diminuent lorsqu’il y a suppression d’ensilage d’herbe ou enrubannage. Les achats de bâches et films plastiques disparaissent.

1. Chiffres de chantiers réalisés entre 2012 et 2018 dans le Rhône et les Savoie.

“ La déshumidification apporte une meilleure maîtrise du pouvoir évaporant de l’air dans le séchoir ”
Tanguy Morel, spécialiste de l’aménagement des bâtiments d’élevage. © LR - Apasec
CHOIX DE SYSTÈME

“ La déshumidification apporte une meilleure maîtrise du pouvoir évaporant de l’air dans le séchoir ”

Tanguy Morel, conseiller bâtiment à la chambre d’agriculture de l’Ain, explique le principe de la déshumidification.

Quel est le principe de la déshumi­dification dans un séchage en grange ?

Tanguy Morel : « Ce dispositif est assez récent, il vise à davantage sécuriser le séchage en transformant la vapeur d’eau issue du séchoir en eau liquide plutôt que d’évacuer cet air chaud et humide à l’extérieur du bâtiment (installation d’un système automatique de fermetures de volets). Cette action crée de la chaleur pour un air plus sec qui est à nouveau injecté sous les caillebotis du séchage pour sécuriser ses performances quel que soit le temps extérieur. »

Quels sont les intérêts de ce dis­positif ?

T. M. : « Cela apporte une meilleure maîtrise du pouvoir évaporant de l’air dans le séchoir. Cette sécurité supplé­mentaire par rapport à un séchoir classique permet de récolter dans une fenêtre météo encore plus étroite que celles pratiquées sans déshumidifica­teur. Il est aussi possible de rentrer un fourrage moins sec à 50-55 % de matière sèche (MS) au lieu de 60 % plus généralement. Nous avons aussi constaté que le foin est plus sec, plus cassant ce qui a un réel intérêt pour la rumination des vaches, parfois défaillante dans une installation sous chaleur solaire avec peu ou pas de luzerne dans le système fourrager. »

Au-delà de la fibrosité, dispose-t-on de données sur la plus-value alimen­taire des foins ainsi produits ?

T. M. : « Un fourrage qui reste moins longtemps au sol perd moins de valeur alimentaire par rapport à une herbe fraîche. Pour le moment, nous ne disposons pas d’études compara­tives entre ces différents systèmes de séchage dans les services élevage d’Auvergne-Rhône-Alpes. Les valeurs données par les constructeurs ne sont donc pas confirmées pour le moment.»

Quel surcoût sur un projet ?

T. M. : « Pour traiter 150 à 200 tonnes de matière sèche (tMS), il faut prévoir un surcoût de 60 000 à 80 000 € et pour 300-400 tMS, c’est 100 000 à 120 000 €. Ce type de séchage ne trouvera pas d’intérêt économique pour traiter moins de 300 tMS, c’est trop cher. Pour un projet conséquent à plus de 300 tMS, il trouve son intérêt pour sécuriser des chantiers imposants (en surfaces et en quantités) avec des fenêtres météo limitées en premières coupes. C’est le cas par exemple dans un projet collectif de séchage pour plusieurs exploitants ou pour traiter un système fourrager 100 % herbe pour plus de 100 VL en zone AOP. Nous constatons aussi que le déshumidificateur trouve davantage sa place pour sécher en période chaude et humide. Inversement, si le goulot d’étranglement des chantiers d’un territoire est plutôt le temps humide et froid du printemps et de l’automne, il vaut mieux investir dans un réchauffage de l’air avec une chaudière à biomasse (à bois déchiqueté le plus souvent). »