Lait
A Chaque laiterie sa stratégie. Laiterie Rissoan

LAIT/ Plusieurs entreprises se partagent aujourd'hui la collecte, la transformation et la commercialisation du lait ardéchois. Qui sont-elles ? Quelles sont leurs stratégies pour se démarquer sur un marché fortement concurrentiel ? Nous poursuivons cette semaine notre série spéciale laiteries avec Claude Sepchat1, directeur de la laiterie Rissoan à Luc (Lozère).

 

Claude Sepchat a racheté la laiterie Rissoan en 2019
Claude Sepchat est le nouveau gérant de Rissoan.

Quels sont les principaux produits développés par Rissoan ?

Claude Sepchat : « Nous produisons principalement des fromages à pâte molle, blanche et bleue, des pâtes persillées de type Bleu d’Auvergne, des tommes. Notre produit phare, le plus connu, reste certainement la « Fourmette de Luc », un fromage à pâte souple, blanche et onctueuse, fabriqué au lait de vache pasteurisé et emprésuré. Nous confectionnons également notre beurre et souhaitons également développer la crème. Tous nos produits sont fabriqués sur place, dans notre fromagerie située à Luc (Lozère). »

 

Vous commercialisez également un « lait de Lozère » : quels résultats ?

C.S. : Nous vendons en effet notre lait de Lozère en bouteilles, que nous faisons faire à un sous-traitant équipé d’une ligne de presse à injection en bouteilles. Nous avons commencé le lait avant tout pour écouler les surplus, mais il est de plus en plus plébiscité : près d’1,8 millions de litres de lait qui sont ainsi vendus, et la demande ne cesse d’augmenter ces dernières années. Il y a un vrai engouement pour le lait de Lozère, identifié de nos régions. Le lait de montagne a du succès, mais nous ne cherchons pas à en faire davantage. C’est plutôt un complément de gamme : nos clients nous achètent avant tout le fromage, et prennent un peu de lait avec ! »

 

Quels sont vos principaux débouchés ?

C.S. : « 80 % de nos produits sont vendus à des grossistes et crémiers de la région, ou directement dans notre magasin d’usine à Luc. Nous avons étoffé la gamme en magasin, et les clients y sont de plus en plus nombreux, d’autant qu’il est idéalement situé et attire énormément de touristes l’été. Nous traitons avec quelques enseignes de GMS2, notamment Système U ou quelques magasins Intermarché locaux. »

 

Comment se passent les négociations avec la GMS ?

C.S. : « Pour ce qui est de System U, je négocie avec la centrale d’achat de Vendargues, dans l’Hérault. On arrive à discuter, les négociations sont humaines et on parvient à faire accepter nos prix. Nous ne passons pas par des centrales pour ce qui est d’Intermarché : nous négocions directement avec les directeurs commerciaux de magasins locaux, avec lesquels le dialogue est facile : ils connaissent nos produits et connaissent leurs clients ! Ce n’est en revanche pas du tout le cas de nombreuses centrales d’achat où nos produits sont considérés comme des codes-barres avant tout. J’ai d’ailleurs refusé de rentrer dans certaines centrales d’achat de GMS qui demandaient des opérations promotionnelles démesurées. En cela, la loi Egalim a fait beaucoup de bruit mais bien peu de choses ont changé. »

 

Comment sont négociés les prix payés au producteur ?

C.S. : « Nous rencontrons les producteurs tous les trois à six mois pour négocier les prix et essayons d’être au plus juste. Depuis 2017, nous avons augmenté les prix payés aux producteurs, mais nous n’avons guère de marge de manœuvre face aux prix des produits de GMS ; nous ne pouvons pas nous permettre d’augmenter nos tarifs comme nous le souhaiterions. Ce début d’année, nous étions à un prix de base de 345 € / 1000 l de lait (38/32), considérant que nous sommes dans une période d’activité assez creuse. »

 

Vous souhaitez développer les produits à base de lait de chèvre et de brebis…

C.S. : « Il y a en effet une vraie demande et de belles opportunités de développement en lait de brebis, et nous confectionnons déjà quelques produits comme la tomme de brebis ou la « Margeride », une tomme à 50 % brebis et 50 % vache. Pour l’heure, nous achetons le lait de brebis de négociation mais nous souhaiterions travailler à un approvisionnement propre avec des producteurs de Lozère et d’Ardèche. Nous recherchons également des producteurs de lait de chèvre pour répondre à une forte demande de nos clients. Nous avons déjà un producteur dont nous avons collecté le lait pour la première fois ce lundi. Plus largement, nous souhaitons aussi proposer des fromages avec des laits de mélange, développer la recherche et le développement pour faire émerger de nouveaux fromages avec un maître-mot : le goût ! »

 

L’absence d’IGP ou de signe de qualité fromager sur le territoire est-elle limitante ?

C.S. : « Je crois en effet que nous manquons d’un produit identifié, fer de lance. Nous produits sont vendus sous le label « Sud de France »3 de la Région Occitanie, mais peut-être que la question d’une appellation devra se poser dans les prochaines années si l’on veut conserver et développer la filière dans la région. Pourquoi ne pas imaginer une petite AOP sur un fromage à pâte molle ou lactique, ou même, à plus long terme, sur une pâte pressée ? »

 

Etes-vous inquiet quant à la sécurisation de vos approvisionnements ?

C.S. : « Il est vrai que de nombreux producteurs partent à la retraite : en 2021, 5 des nôtres doivent cesser leur activité, sans garantie de reprise. L’élevage laitier est un métier difficile, qui nécessite d’être présent 7j/7 et attire peu les jeunes. La tendance est à l’agrandissement des exploitations : là où nous avions deux producteurs, nous en aurons un plus tard. Mais il est vrai que la tendance nous inquiète forcément, car nous avons des marchés : nous avons besoin de producteurs pour produire du lait de montagne de qualité ! »

 

Quelles stratégies de commercialisation voulez-vous travailler pour l’avenir ?

C.S. : « Nous travaillons à la mise en place d’un site de e-commerce avec un système de livraisons dans toute la France via « Chronofresh4 ». Beaucoup de touristes ayant goûté nos produits en vacances se plaignent de ne pas les trouver chez eux, à Paris ou ailleurs. Nous souhaiterions répondre à cette demande. Si l’on peut facilement trouver du Saint-Nectaire fermier à Paris, pourquoi ne pourrions-nous pas en faire autant avec nos fromages ardéchois et lozériens ? »

 

 

  1. Claude Sepchat a racheté la laiterie Rissoan en 2019. Il succède ainsi à Mireille Trémolière, fille de l’un des fondateur Jean Rissoan, suite à son départ en retraite.
  2. Grande et moyenne surface
  3. Marque mise en place par la Région Occitanie pour valoriser les produits régionaux, à l’instar de « La Région du goût » d’Auvergne Rhône-Alpes.
  4. Offre de transport express de Chronopost pour livrer des produits secs et frais.

 

Propos recueillis par Mylène Coste

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