Lait
A chaque laiterie sa stratégie. La Fromagerie du Vivarais (Bellevaire)

LAIT/ Plusieurs entreprises se partagent aujourd'hui la collecte, la transformation et la commercialisation du lait ardéchois. Qui sont-elles ? Quelles sont leurs stratégies pour se démarquer sur un marché fortement concurrentiel ? Deuxième épisode de notre série spéciale laiteries avec Gilles Margerit, responsable de site à la Fromagerie du Vivarais (Désaignes).

 

Gilles Margerit, responsable de site à la Fromagerie du Vivarais (Désaignes).
Gilles Margerit, responsable de site à la Fromagerie du Vivarais (Désaignes).

Qui est Bellevaire,  qui a repris la fromagerie en 2016?

Gilles Margerit : « Fils de producteur originaire de Loire-Atlantique, Pascal Bellevaire a constitué un projet d'entreprise avec plusieurs sites de fabrication de produits laitiers : Machecoul (siège historique) pour le beurre et les fromages à pâte molle, Normandie pour le camembert AOP, Deux-Sèvres pour le Chabichou du Poitou AOP et les fromages de chèvres, Ain pour l'affinage des Comtés et pâtes pressées cuites, Meaux pour le Brie, et Savoie où il reprend l'activité de la Fromagerie de la Savoyarde. »

Quels changements majeurs ce rachat a-t-il signifié ?

G.M. : « Bellevaire possède un vaste réseau de distribution  avec plus d'une soixantaine de points de vente et notamment une vingtaine de magasins de vente directe dont quatre à Paris. Il est notamment partenaire de Grand Frais et de petites laiteries dans toute la France. Présent à l'export, Bellevaire fournit aussi des épiceries de luxe, mais également la GMS. Le groupe a également un partenariat avec le distributeur « Tradition et Terroir ». C'était donc, pour la Fromagerie du Vivarais, un accès à de nouveaux marchés et une visibilité commerciale privilégiée. »

Quelles sont les perspectives de développement pour la Fromagerie du Vivarais ?

G.M. : « Lors du rachat, les différents investissements ont permis de collecter un million de litres de lait supplémentaire sans avoir immédiatement les débouchés commerciaux derrière. Mais nous avons développé de nouvelles gammes de produits pour accéder à de nouveaux débouchés. Par exemple, nous avons développé une gamme de fromage à raclette avec ses déclinaisons (arôme moutarde, truffe, poivre, piment, ail des ours...). Côté débouchés, nous venons de conclure un partenariat commercial important avec l'enseigne de fast-food Big Fernand qui écoulera quasiment 50 % de notre lait de vache. Bellevaire a également racheté l'entreprise de distribution drômoise Distral. Nous pouvons donc être sereins sur les débouchés ! En revanche, nos volumes de lait suscitent davantage d'inquiétude. »

Les volumes de lait sont insuffisants pour couvrir la demande ?

G.M. : « Beaucoup de producteurs partent ou vont partir à la retraite, sans forcément avoir de repreneur. Notre zone de collecte est composée de nombreuses petites fermes avec de petits quotas, sur 210 km et dans des territoires où les accès sont difficiles. Cela prend une douzaine d'heures, et bien plus en cas d'intempéries ! Cela induit des coûts de transport et de logistique importants. »

Comment tâchez-vous de créer de la valeur sur vos produits pour compenser ces difficultés ?

G.M. : « On travaille principalement sur les laits de vache thermisés, mais le marché est aujourd'hui davantage porté sur le lait cru ; plus demandé et valorisé. C'est pourquoi nous avons pour objectif d'atteindre rapidement une proportion de 50 % de la production en lait cru... et nous y sommes presque ! Cependant, ce n'est pas si simple avec les contraintes qui sont les nôtres, et notamment le transport. Nous effectuons actuellement une tournée toutes les 48 h, et il nous faudrait passer à 24 h pour faire davantage de lait cru. Pour y remédier, nous sommes en train de réfléchir à des aménagements de la tournée, pour avoir un maximum de lait frais disponible dès 3 h du matin et pouvoir ainsi démarrer la production plus tôt. On essaie de tendre vers davantage de lait cru mais c'est difficile ! »

Côté prix, comment vous situez-vous aujourd'hui ?

G.M. : « Ils sont négociés chaque trimestre avec notre organisation de producteurs en interne, en fonction de l'évolution du marché national, des difficultés de climat, de la valeur ajoutée... On a aujourd'hui des coûts de production importants, pour les coûts de transport et de logistique que nous avons déjà évoqués mais aussi pour l'évacuation des sous-produits qui représentent une charge importante. C'est cependant difficile de le faire entendre à nos clients, avec lesquels nous n'avons pas toutes les marges de manœuvre que l'on souhaiterait. Toutefois, nous augmentons les prix chaque année pour viser une continuité. Nous sommes aujourd'hui à 355 € / t en prix de base (32-38 de TP-TG), nous étions à 330 € / t l'an dernier...

Nous avons une grille de paiement du lait à la qualité par laquelle nous sanctionnons notamment de plus en plus la charge butyrique qui pose des problèmes au moment de l'affinage, rendant le processus plus long et plus coûteux. »

La tarification prend-elle en compte les différentes périodes de production ?

G.M. : «  Pas jusqu'ici, mais il est vrai que nous y réfléchissons. En effet, nous manquons de lait de vache d'août à février, période durant laquelle les Français prisent le plus les produits au lait de vache. Inversement, nous avons peu de lait de chèvre durant l'été qui est la période de consommation la plus importante. Historiquement, l'Ardèche produit très peu en désaisonnée. C'est pourquoi nous réfléchissons à valoriser plus ou moins la production en fonction de la saison. »

Pourquoi ne pas avoir lancé de gamme bio, un marché pourtant porteur ?

G.M. : Nous avons déjà aménagé deux compartiments (chèvre/vache) dans notre camion de collecte, et il nous est impossible d'en aménager d'autres pour le bio. Il nous faudrait une troisième tournée, ce qui serait trop lourd à porter. C'est pourquoi nous avons vraiment décidé de nous orienter vers le lait cru, tout en jouant la carte du lait de montagne. Nous avons la chance d'être sur la zone de l'AOP picodon, et nous travaillons également sur le développement d'autres signes de qualité, notamment avec le projet de l'IGP Saint-Félicien qui est en cours. »

 

Propos recueillis par Mylène Coste

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Création en 1997 mais rachat en 2016 par l'entreprise Bellevaire.

21 producteurs bovins pour environ 3,6 à 4 millions de litres de lait de vache collectés par an

13 producteurs caprins pour environ 1,2 millions de litres de lait de chèvre collectés par an

22 à 25 salariés

4 millions d'euros de chiffre d'affaires (2019)

1 collecte de lait de vache/chèvre de 210 km sur le secteur de Lamastre / Vernoux / Empurany / Saint-Agrève avec un camion double pompes.