SEMENCES /
Le pois chiche en pleine expansion

Mylène Coste
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SEMENCES / Quelques agriculteurs ardéchois se sont lancés dans la production de semences de pois chiches. Cette culture, qui présente plusieurs intérêts, surffe sur une demande en forte croissance.

Le pois chiche en pleine expansion
A Saint-Symphorien-sous-Chomérac, les cultures de pois-chiche ont belle allure et la campagne est prometteuse pour le Gaec de Moras.

Il y a 25 ans, Yvan Reynaud cultivait déjà de la semence de pois chiche. La demande s'étant estompée, il avait abandonné cette culture... Aujourd'hui associé au sein du Gaec de Moras (Chomérac), il vient tout récemment d'en réimplanter à Saint-Symphorien-sous-Chomérac : « C'est cette année ma troisième campagne, indique l'agriculteur choméracois, coopérateur chez Top Semences. Je cultive aujourd'hui 5 ha de semences de pois chiches de variété flamenco. Les semis s'effectuent autour du 15 février, suivi d'un désherbage en post-semis. C'est une culture de semences qui doit donc être propre. La récolte se réalise à la fin du mois de juillet. »

Une production peu rémunératrice...

Bien que la demande soit en croissance, le pois chiche semence est encore peu valorisé. « Entre 450 et 500 € / t, pour des rendements variables : j'ai fait environ 1,8 t/ha l'an dernier, mais les rendements moyens se situent autour de 2t/ha. »

Jérémy Dusserre, producteur de semences à Saint-Lager-Bressac, cultive du pois chiche semence depuis deux ans, sur environ 7 ha cette année. « Les cours sont indexés sur ceux du pois chiche de consommation, et ne paient guère plus que le blé ! Mais de nuancer : Cette culture présente toutefois un certain intérêt agronomique. »

... Mais aux multiples avantages

En effet, le pois chiche semence est intéressant dans un système de rotation des cultures. « C'est une légumineuse, qui permet de fixer l'azote de l'air et de bien structurer les sols. Le pois chiche semence constitue donc une tête d'assolement intéressante avant de faire un colza ou un blé », estime le Jérémy Dussère, qui a semé en semi-direct.

C'est également une culture peu gourmande en eau. Elle est aussi économe en engrais, en intrants et n'est pas soumise à la verse. « L'apport en azote du pois chiche présente un grand intérêt agronomique pour les sols et l'implantation de cultures ultérieures qui profiteront des résidus azotés (céréales à paille notamment). Il n'y a donc pas besoin d'apport d'azote extérieur », relève Yvan Reynaud.

Autre avantage : « C'est une culture qui permet de valoriser des terrains pauvres ou séchants, souligne-t-il. Pour autant, il convient d'éviter les terrains humides. » Côté équipement, le pois chiche semence peut être récolté avec une moissonneuse-batteuse classique, axiale de préférence.

Aujourd'hui, trois agriculteurs seulement cultivent du pois chiche de semence dans la plaine de Chomérac. Mais ils pourraient être plus nombreux dans les années à venir, si la dynamique des marchés se poursuit. Jérémy Dusserre s'interroge : « Est-ce un effet de mode ou une tendance à plus long terme ? »

Vigilance sur les maladies

Le pois chiche est notamment sensible à l'anthracnose (ou ascochytose), une maladie fongique qui se conserve dans les graines des plantes atteintes. Sa propagation se fait par les spores du champignon à l'aide du vent et de la pluie, et provoque des tâches rougeâtres ou brunes sur les gousses et les tiges. Un traitement fongicide est possible en conventionnel, mais peu d'alternatives existent en bio. Certaines variétés sont cependant plus résistantes que d'autres à la maladie.

Le pois chiche peut également subir des attaques d'Héliothis, un papillon qui vient pondre dans les jeunes gousses. La bruche, qui perfore les graines, peut également engendrer des pertes de qualité et un affaiblissement du pouvoir germinatif de la graine. La vigilance est donc de mise, dès le début de la floraison. Pour l'heure, aucun insecticide n’est efficace contre les larves qui pénètrent directement dans les gousses après éclosion. Une seule application de lambda-cyhalothrine est réglementairement possible en floraison pour lutter contre la bruche, à positionner à partir du stade jeunes gousses et lorsque les températures maximales journalières sont supérieures ou égales à 20°C pendant au moins deux jours consécutifs.

Mylène Coste

 

Les pollinisateurs sont à l'ouvrage dans les champs de pois chiches du Gaec de Moras.

Les pollinisateurs sont à l'ouvrage dans les champs de pois chiches du Gaec de Moras.
Les pollinisateurs sont à l'ouvrage dans les champs de pois chiches du Gaec de Moras.

Le pois-chiche consommation ? Chiche !

TENDANCES / En conversion bio, Adrien Martel a testé cette année la culture de pois-chiche de consommation bio sur un hectare, à Saint-Lager-Bressac. « J'ai semé avec un semoir monograine, mais je n'avais pas vraiment les outils appropriés pour préparer la culture correctement. Pour le désherbage, j'ai fait un passage de bineuse mais il aurait sans doute fallu faire plus. La lutte contre les maladies est aussi très compliquée en bio, et j'avoue n'avoir pas le recul suffisant pour savoir ce qui fonctionne ou non. » Côté débouchés, le jeune agriculteur vend sa production localement.

La consommation de pois chiche, et plus globalement de légumineuses, s'accroît fortement ces dernières années. En France, le pois chiche continue de progresser avec 36 000 ha plantés en 2019 contre 32 000 ha en 2018 et 19 500 ha en 2017. L’interprofession estime que la récolte 2019 a atteint 50 000 tonnes de graines en France, avec des rendements toutefois décevants du fait de la sécheresse et de la chaleur de 2019.

 

« Les marges de progression se situent essentiellement sur les variétés destinées à l'industrie »

QUESTIONS À / Blaise Rolland, responsable Autogames chez Top Semence.

L'intérêt de Top Semence pour le pois chiche semence est-il nouveau ?

Blaise Rolland : « Cela fait, en fait plus de 25 ans que nous menons un travail de sélection variétale, qui a abouti à la création de plusieurs variétés et fait de Top Semence une entreprise pionnière sur le plan génétique en France. Nous avons ainsi mis en place un matériel génétique diversifié avec six variétés de semences propres inscrites : twist, lambada, flamenco, jazz, et rondo, des variétés destinées à l'alimentation humaine, et castor, plus adaptée pour un débouché farine / industrie. Chaque variété répond à des exigences différentes : adaptation au climat, taille et rugosité des grains... »

L'engouement commercial est cependant plus récent...

B.R. : « Il date en effet des années 2000 / 2010 : notre schéma de multiplication a été mis en oeuvre à partir de 2014 pour répondre à cet engouement nouveau. Nous avions alors 15 ha de semences pois chiche en multiplication ; nous sommes aujourd'hui à plus de 1 000 ha, essentiellement dans le Grand Sud-Est (Plaine de Montélimar; région d'Orange et plus marginalement Alpes de Haute-Provence). Les rendements varient, mais s'élèvent en moyenne à 2 t / ha. »

Quels sont les principaux débouchés du pois chiche semence ?

B.R. : « Nous approvisionnons principalement le marché français : Top Semences assure d'ailleurs 65 % des multiplications des semences de pois chiche de l'Hexagone. Seule une petite partie de notre production, entre 12 et 15 %, est destinée à l'export vers l'Italie, le Portugal, l'Espagne et dans une moindre mesure la Hongrie, mais cette part est vouée à prendre de l'importance. »

La dynamique de cette filière est-elle un effet de mode, ou une tendance durable ?

B.R. : « L'engouement pour les protéines végétales en général est désormais une tendance structurelle. On constate une croissance continue de la demande y compris en restauration collective, et la Loi Egalim a d'ailleurs confirmé cette tendance. Pour autant, aujourd'hui les stocks français de pois chiche semences destinées au marché de l'alimentation humaine sont relativement importants. Les marges de progression, à l'avenir, sont davantage sur des variétés destinées à l'industrie, notamment les farines de pois chiches utilisées comme ingrédients dans les recettes industrielles. »

Qu'en est-t-il du pois chiche semence au niveau mondial ?

B.R. : « Le Canada et l'Inde sont les principaux pays producteurs ; en Europe, la France reste l'un des premiers pays producteurs aux côtés de l'Espagne et du Portugal. A l'avenir, nous pourrons par ailleurs nous développer sur les marchés allemand et britannique, mais également Etats-Unis. »

Propos receuillis par M.C.