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Télécommunications : les usagers des zones rurales se sentent délaissés

Mylène Coste
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TÉLÉCOMMUNICATIONS / Pannes de réseaux, installations vieillissantes, attentes de réparations... Bien des usagers du réseau Orange se sentent abandonnés. Pour certains agriculteurs, le dysfonctionnement des installations peut poser problème dans l'exercice quotidien de leur métier.

 

Télécommunications : les usagers des zones rurales se sentent délaissés
En Ardèche, des câbles de télécommunications peuvent parfois traîner au sol sur plusieurs centaines de mètres faute de réparation des installations.

« Je n'en dors plus la nuit ! » Éleveur caprin à Saint-Bauzile, sur les conteforts du Coiron, Franz Breckerfeld est à bout. Depuis le mois de novembre, des câbles du réseau téléphonique traînent ici et là dans son terrain. Les violents orages de neige du mois de novembre ont en effet endommagé plusieurs poteaux soutenant les fils du réseau Orange, et les réparations n'ont été que partielles – voire inexistantes - . Surtout, l'éleveur est entravé dans son travail au quotidien : « L'une de mes parcelles est traversée sur 150 m par un fil au sol, qui m'empêche de faire passer la faucheuse. Or, cela bloque environ 2 ha de prairies, soit 20 % de mon revenu de l'année. Sans compter que les bêtes peuvent être prises au piège. Cela fait plus de six mois que j'alerte Orange sur la problématique. J'ai acheté moi même des gaines pour les enterrer, mais il me faut attendre le passage d'un technicien pour les dernières opérations. Un agent est bien passé il y a quelques semaines, confirmant l'urgence de la situation ; mais depuis plus rien ! » La mairie du village a pourtant interpelé Orange sur le sujet. Franz Breckerfeld menace aujourd'hui de couper le fil : « Je ne veux pas avoir de problème avec les voisins, qui sont reliés au réseau. Mais malheureusement, cela semble être le seul moyen qu'il me reste pour faire réagir Orange. »

Des conséquences qui peuvent être graves.

Le cas de cet éleveur est cependant loin d'être isolé. Quelques kilomètres plus loin, une exploitation qui a souhaité garder l'anonymat subit d'inlassables interruptions du téléphone et d'Internet depuis plusieurs années. « Ces 17 derniers mois, nous avons eu 11 mois d'interruption ! Cela fait deux ans que l'on doit nous installer un nouveau poteau, afin de relever le câble téléphonique qui est au sol sur plusieurs centaines de mètres. Mais nous attendons toujours, avec des installations provisoires qui sont à la merci du moindre incident climatique ! »

La situation aurait d'ailleurs pu prendre un tournant dramatique : il y a près d'un an, les éleveurs ont retrouvé l'une de leurs génisses garottée, sur le dos, par le câble téléphonique. « Nous avons cru qu'elle allait mourrir », confient-ils.

L'absence de réseau peut aussi avoir de lourdes conséquences quant à la bonne gestion de l'exploitation : « Nous avons eu le plus grand mal à faire nos déclarations TVA, la comptabilité, à tenir à jour notre registre des entrées et sorties de cheptel... On en pleurait ! » Aujourd'hui, la panne a été réparée. Mais les éleveurs concernés ont encore le coeur lourd.

Selon Francois Truszkowski, chef de projet relations consuméristes chez Orange, le rétablissement du service peut prendre du temps après des événements climatiques comme le neige de novembre : « Nous sommes ainsi parfois contraints de réaliser des réparations temporaires dans l'attente de la réalisation d'élagage par les propriétaires concernés, ou dans l'attente d'études et/ou travaux afin reconstruire totalement le parcours poteaux/câbles le long des routes pour une adaptation aux nouvelles normes de sécurité en vigueur (pour l'accès nacelle notamment). »

Une carte collaborative de l’état des lignes endommagées

L'état du réseau d'Orange fait l'objet de nombreuses insatisfactions dans le département, comme on peut l'observer sur la carte collaborative du collectif « Orange j'enrage » qui recense les signalements contre l'opérateur. Aussi, nombre d'usagers avouent devoir procéder eux-mêmes à de petits bricolages pour éviter d'être trop gênés par les câbles, tandis que l'opérateur semble peu pressé d'effectuer les réparations. A Glurias, des habitants font état de poteaux couchés et de câbles sectionnés et enroulés qui trainent au sol sur des terres agricoles où pâturent vaches, ânes, poneys et où circulent des engins agricoles.

« Dans certaines parcelles, il a fallu attacher nous-mêmes les câbles de téléphone à des poteaux pour pouvoir passer dessous en tracteur », indique Mickaël Giraud, éleveur à Saint-Joseph-des-Bancs. « Mais le plus pénible, ce sont les coupures à répétition! » Celles-ci ont d'ailleurs été très difficiles à vivre durant le confinement, notamment pour des personnes âgées et isolées.

M.C.

Quelles sont les obligations des opérateurs ?

Conformément à l’article D. 98-4 du code des postes et des communications électroniques, les opérateurs sont tenus à une obligation de résultat. Ils ont donc le devoir de fournir le service promis et, en cas de défaillance, d’indemniser le client. Un arrêt de la cour de cassation du 19 novembre 2009 a réaffirmé ce principe en précisant qu’un opérateur ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité qu’« en cas de force majeure ».

En tant que délégataire du service universel, Orange a par ailleurs pour mission d'entretenir le réseau de cuivre qu’utilisent tous les opérateurs pour apporter leurs services à leurs abonnés. Il est d’ailleurs rémunéré pour cela par un fonds auquel abondent tous les opérateurs.

Distances et hauteurs

Selon une étude de l'Arcep (autorité de régulation des communications électroniques et des postes), datant de 2007, les câbles des nappes de télécommunications doivent, à 40°C sans vent, respecter la hauteur minimale au-dessus du sol de 4 m le long des routes, sur les trottoirs, les accotements et en terrain privé ; de 5,50 m à la traversée des voies ferrées non électrifiées (les voies ferrées électrifiées sont traversées en souterrain) ; de 6 m à la traversée des chaussées et des entrées charretières.

Selon Francois Truszkowski, chef de projet relations consuméristes chez Orange, « il n'existe pas de règlementation au sens juridique du terme, mais plutôt des normes admises au vu des préconisations/règles de l'art par les acteurs déployant un réseau, notamment aérien sur le domaine public (énergie, communications électroniques, éclairage public...). Ces règles de l'art [...] prennent en compte des règles esthétiques mais aussi principalement des règles de protection des différents réseaux en fonction des appuis utilisés, ainsi que des paramètres climatiques et topologiques variant selon chaque région. L'ensemble des acteurs respectent ces règles, car elles permettent notamment d'assurer la pérennité des réseaux mais aussi leur facilité d'exploitation. »

L'an dernier, des éleveurs ardéchois ont retrouvé l'une de leurs vaches prise au piège dans un câble Orange

Les câbles traînant au sol peuvent entraver les travaux agricoles