CHAMPIGNONS
Saint-Cirgues-en-Montagne, eldorado des cèpes

Marin du Couëdic
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Le plateau ardéchois foisonne de cèpes, mousserons et autres chanterelles, pour peu que l’on connaisse les coins. À l’automne, les locaux sont nombreux à écouler le produit de leur cueillette chez Patrice Ceyte, négociant en champignons à Saint-Cirgues-en-Montagne. Parmi eux, de nombreux agriculteurs.

Saint-Cirgues-en-Montagne, eldorado des cèpes
Les cèpes frais sont triés et calibrés par Julien Ollier et Patrice Ceyte (à droite) au Central bar de Saint-Cirgues-en-Montagne.

Un soir de semaine à Saint-Cirgues-en-Montagne. Sur la place du Breuil, au cœur du village, le Central bar s’anime soudain passé 18 h au gré des allées et venues des cueilleurs de champignons. Caisse de cèpes sous les bras, Denis Moulin passe la porte pour la quatrième fois cette semaine. « En ce moment, j’en ramasse plusieurs kilos par jour sur ma propriété », souffle l’éleveur de chevaux installé sur la commune. Comme lui, les connaisseurs des environs sont nombreux à venir écouler ici le produit de leur « chasse » : des cèpes principalement, jusqu’à plusieurs centaines de kilos par jour.

« On peut atteindre 400 kilos par jour »

Le propriétaire des lieux, Patrice Ceyte, a lancé cette activité il y a près de 30 ans. « On achète des cèpes à 85 %, le reste ce sont des champignons de promenade », s’amuse celui qui est également à la tête d’une exploitation ovine. Une fois pesés et payés au cueilleur – comptez 10 € le kg de cèpe en ce moment – les précieux bolets sont triés et calibrés (surtout pas lavés ni brossés !) avant revente. Si une partie s’écoule en vente directe aux particuliers et touristes l’été, la majorité est livré à des restaurateurs et grossistes. Moins de 24 heures après avoir été ramassé, les champignons peuvent se retrouver sur les étals des marchés français, parfois même en Italie si les quantités sont importantes. « Les bons jours, on peut atteindre 300-400 kg de cèpes. Une saison correcte, c’est 5 tonnes », reprend le négociant dont le téléphone n’arrête pas de sonner.

« Fermes et savoureux »

Cette année, la saison a commencé dès la mi-juillet grâce aux fortes pluies tombées sur l’Ardèche. Elle peut se prolonger « jusqu’à ce qu’il neige » dixit les connaisseurs – l’altitude, le vent et les températures fraiches étant propices à la pousse des champignons. « Sans être chauvins, on a la plus belle variété de cèpes ici. Ils sont de grande qualité, fermes et savoureux », argumente Patrice Ceyte. Lui-même contribue régulièrement à la récolte, en expert. « J’en ai ramassé 21 kg en deux heures la dernière fois ! » Gage de qualité, les cèpes séchés vendus tout au long de l’année dans la boutique attenante au bar, véritable petit musée du Champignon, sont labellisés Goûtez l’Ardèche. 

Important pour l’économie locale

Au Central bar, les champignons continuent de s’accumuler. Un cueilleur, agriculteur lui aussi, en apporte une pleine caisse. 3,6 kg, payés 30 € cash. « Ça a le mérite de mettre du beurre dans les épinards », glisse t-il. « Ici on a toujours ramassé les champignons, c’est une vieille tradition, rapporte un habitué, près du bar. A l’époque, les anciens les séchaient et les revendaient aux foires ». A Saint-Cirgues-en-Montagne et en Ardèche plus largement, les champignons constituent une ressource économique importante. « On voit des retraités, des jeunes et de plus en plus d’agriculteurs. C’est un bon complément de revenus pour certains, presque un petit métier », rapporte le patron. Au total, c’est une centaine de personnes qui passent régulièrement la porte du bar, les bras chargés de champignons. Une activité qui n’est pas près de s’arrêter. « Les cèpes sont devenus un produit noble, qui prend de la valeur année après année. »

Cueillette et vente des champignons : ce que dit la loi

En Ardèche, la cueillette des champignons sauvages est réglementée par arrêté préfectoral depuis 1998. La législation fixe la limite à moins de 5 kg par jour et par personne adulte, applicable sur tout le département, sauf dérogation pour raisons scientifiques ou éducatives. Le ramassage est autorisé en forêts publiques (domaniales et communales) mais interdite sur les propriétés privées, sauf autorisation du propriétaire. Selon le code forestier, ce dernier n’est en outre pas obligé de clôturer l'accès à son domaine ou d’installer des affiches et pancartes. De même, le code de l'environnement interdit strictement la cueillette de champignons en zone protégée, lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation. Concernant la mise en vente des espèces de champignons, l'article 3 précise que le vendeur doit pouvoir justifier de leur origine ou de leur lieu de provenance et que l'acheteur doit pouvoir produire un justificatif d'achat.