ASSOCIATION DES AGRICULTEURS DE CHARTREUSE
Une autonomie fourragère en recul
Entre l’Isère et la Savoie, face à l’assèchement des prairies du massif de la Chartreuse, les agriculteurs ont sollicité l’aide d’un large panel d’acteurs liés à la problématique de l’eau : ensemble, ils ont fait l’ébauche de solutions originales pour adapter les exploitations au changement climatique.
« En août, nos prairies sont systématiquement grillées. D’année en année, la quantité d’herbe diminue, certaines plantes ne repoussent pas du fait de la chaleur et cela fait baisser le rendement en foin, déplore Mickaël Perrin, éleveur en bovin lait. Lors d’un bilan estival du conseil d’administration de l’association des agriculteurs de Chartreuse, on s’est rendu compte qu’on était tous en perte d’autonomie fourragère. » Une question cruciale se pose alors pour les exploitants du massif : comment s’adapter au changement climatique, en particulier concernant la ressource en eau ? Accompagnés par le réseau Trame1, ils se sont engagés dans une démarche participative originale : un living lab.
Le living lab, un laboratoire ouvert pour co-créer des solutions
« C’était la grande nouveauté : mettre les agriculteurs autour d’une table, et inviter toute personne qui pourrait potentiellement nous aider à résoudre notre problème. Ce n’est pas évident de regrouper autant de structures sur quatre matinées de travail… Et à ma grande surprise, beaucoup de monde a participé », se souvient Mickaël Perrin. Laurent Fillion, conseiller territorial à la chambre d’agriculture de l’Isère et chargé de mission au PNR de la Chartreuse, partage cet étonnement : « J’ai été bluffé de constater que cette demande formulée par les agriculteurs a fait mouche auprès d’un si grand nombre de partenaires issus du monde agricole mais aussi auprès de structures qui en sont éloignées : se sont joints au projet le syndicat des rivières, la fédération de pêche, l’ingénieur de Météo France… ». Pour Laurence Bonnel, paysanne boulangère, l’intérêt du living lab réside dans la diversité des profils conviés, qui, par leur recul, ont permis « de prendre de la hauteur par rapport à un problème que l’on vit à chaud en tant qu’agriculteur ».
Ouvrir le champ des possibles grâce au collectif
« On s’est autorisé à partir très loin dans les idées, raconte Laurent Fillion. Au début, les participants se demandaient où cela allait mener, et ils ont été très surpris du résultat assez opérationnel : les échanges ont permis de faire émerger plein de pistes autres que l’irrigation qui semblait être la solution la plus naturelle au départ. Ces pistes constituent aujourd’hui la feuille de route de l’association pour les années à venir. » Les leviers d’actions évoqués sont très divers : développer l’agroforesterie dans des parcelles maraîchères ou en céréales, planter des linéaires de haies pour retenir l’humidité sur les parcelles et faire ombrage aux bêtes, reconquérir des zones de coteaux en friches pour compenser le manque d’herbe sur les parcelles habituelles, travailler sur la fertilité du sol et la régénération des prairies pour les rendre plus résilientes en dépit d’une pluviométrie de plus en plus irrégulière, ou encore mettre en place une banque de fourrage pour organiser des échanges entre voisins.
Une occasion de renforcer le lien entre agriculteurs
L’association qui était en perte de vitesse s’est restructurée au cours de la démarche et Laurent Fillion s’en réjouit : « Ce living lab a permis de consolider le noyau dur ». « Depuis 2 ans, les conseils d’administration de l’association sont organisés chez les uns et les autres, ce qui permet de voir les systèmes de chacun et de garder un temps d’échange sur nos pratiques avant chaque réunion, explique Mickaël Perrin. C’est aussi dans ces moments-là que l’on peut trouver des solutions individuelles ou collectives ».
