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Véronique et Patrice, castanéiculteurs inventifs

Marin du Couëdic
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Producteurs-transformateurs installés en bio à Laboule, Véronique Dupuis et Patrice Galiana débordent d'imagination pour sublimer leur production de châtaignes d'Ardèche. Leur marque, Marron-Châtaigne, comprend déjà une quarantaine de produits et ne cesse de s'étoffer.

Véronique et Patrice, castanéiculteurs inventifs
Véronique Dupuis et Patrice Galiana produisent exclusivement de la châtaigne de variété Petite pourette depuis Laboule, au pied du massif du Tanargue.

Une bonne odeur de biscuits tout juste sortis du four s'échappe de l'atelier de transformation. Fabriqués à partir de des fruits des châtaigniers alentour - séchés, épluchés, moulus en farine et agrémentés de pépites de chocolat au sein même de l'exploitation - ces petits gâteaux sont l'une des mille trouvailles gustatives de Véronique Dupuis et Patrice Galiana, castanéiculteurs à Laboule, au coeur du parc naturel régional des Monts d'Ardèche. "On aime prendre le temps d'inventer, de tester de nouvelles recettes. Il y a tellement de choses à faire avec la châtaigne, c'est infini !", s'enthousiasme le couple à la tête de Marron-Châtaigne, Gaec devenu Earl en 2018.

Chips & céréales du petit déjeuner

La châtaigne, un fruit propice à l'originalité ? Un petit tour dans la boutique jouxtant l'atelier suffit pour s'en persuader. Si on y retrouve de la farine AOP et les traditionnels pots de confitures et crèmes de châtaigne, y figurent aussi en bonne place une variété de flans, cakes, sirops et mêmes des céréales du petit déjeuner, chips et gâteaux apéritifs (pour changer des sempiternelles cacahuètes). Au total, une quarantaine de produits tout châtaigne étiquettés agriculture biologique et commercialisés pour la plupart sous le label Goûtez l'Ardèche. Disponibles en vente directe à la ferme, aux côtés de ceux d'autres producteurs sud-ardèchois (vin, miel, lait de chèvre...), ils sont aussi distribués dans les magasins bio du département, dans la Loire, l'Ain et jusqu'en région lyonnaise.

Après la récolte automnale, c'est donc sur les hauteurs de Laboule que les châtaignes sont décortiquées, séchées, calibrées, moulus en farine et transformées tout au long de l'année. Une autonomie devenue possible au printemps 2019 avec la finalisation de l'atelier. "La transformation, ce n'est pas notre métier à la base. C'est une activité passionnante... mais prenante", souligne le duo en pointant du doigt une machine japonaise permettant de réaliser des biscuits fourrés, pas encore testée, faute de temps. Ils peuvent toutefois compter sur une alliée de choix : la Pourette, variété de petit calibre mais qui produit beaucoup et dont la chaire fine et sucrée est idéale pour la transformation.

"Valoriser l'existant"

Désormais solidement implantée au pied du massif du Tanargue, l'histoire de Marron-Châtaigne commence à germer à la fin des années 1990. Patrice Galiana acquiert alors une châtaigneraie avec la volonté de valoriser l'existant : des arbres âgés de 200 ou 300 ans qui produisent encore. "Il faut juste les aider un peu", sourit celui qui s'inscrit dans une démarche à faible impact environnemental. L'Ardéchois d'adoption, arrivé à l'âge de trois ans à Largentière, consacre plusieurs années de travail afin de remettre en état les châtaigniers avant d'en récolter les précieux fruits. Après avoir un temps diversifié son activité castanéicole avec l'élevage de chèvres et la culture de plantes médicinales, il se lance à plein temps dans la production de châtaigne en 2007 en s'associant avec Véronique Dupuis, sa compagne.

Les deux castanéiculteurs sont aujourd'hui épaulés par une salariée en CDI à mi-temps, un ouvrier agricole spécialisé dans l'élagage qui intervient ponctuellement et une équipe de saisonniers pour la récolte. Une quinzaine d'hectares à récolter mécaniquement et manuellemment à Laboule essentiellement mais aussi sur la commune de Beaumont et de Valgorge, pour une production de 30 à 40 tonnes en moyenne. "L'année dernière, on a récolté 50 tonnes de châtaignes d'excellente qualité. On espère une belle récolte cette saison."

Sécheresse inquiétante

Motif d'inquiétude pour deux castanéiculteurs : la sécheresse apparue il y a une dizaine d'années, qui pousse les châtaigniers à monter en altitude. "Dans toute l'Ardèche, il y a des branches sèches qui ne produisent plus." L'évolution climatique et l'apparition de maladie comme le cynips ou l'encre nécessite de stimuler le sol en le nourissant. Ces deux dernières années, Patrice et Véronique ont élagué 280 arbres abandonnées et réalisé des apports en calcaire. En accord des éleveurs bio, les terres sont également pâturées par des chèvres afin d'y apporter une fumure naturelle. "On n'en plante pas pour l'instant mais on a commencé à greffer."  Une inquiétude qui n'empiette pas leur enthousiasme et leur envie présente depuis le départ : contribuer à redorer l'image de la châtaigne d'Ardèche et renouer à la culture de la déguster.