DÉSAIGNES
« Les Essentielles », entre production bio et cueillette sauvage

Portraits de Camille Bordes et Fanny Simon, spécialisées depuis 2015 à Désaignes dans la production de plantes aromatiques et médicinales bio, la cueillette sauvage et la distillation.

« Les Essentielles », entre production bio et cueillette sauvage
Camille Bordes, et la récolte de thym linalol.

Avant de reprendre l’ancienne distillerie Fraisse-Quattrone située à Désaignes, Camille Bordes et Fanny Simon cultivaient chacune un intérêt particulier pour la production et la distillation de plantes. Études de chimie et travail d’analyse des huiles essentielles en laboratoire pour l’une, diplôme d’agronomie tropicale et d’ethnobotanique pour la seconde, les deux jeunes femmes ne se connaissent pas mais cherchent toutes deux à se reconvertir dans l’agriculture. Elles se rencontrent grâce à Philippe Fraisse et Françoise Quattrone, qui souhaitent transmettre leur exploitation spécialisée dans la production de plantes aromatiques et médicinales bio, la cueillette sauvage et la distillation. Camille Bordes les connaissait par l’intermédiaire de son compagnon qui produit des châtaignes et petits fruits à Arlebosc. Fanny Simon effectuait un stage sur leur exploitation dans le cadre de son BPREA spécialisé dans les plantes aromatiques et médicinales au CFPPA de Nyons. Les deux jeunes femmes entament alors un stage de reprise d’exploitation avec la Chambre d’agriculture entre 2013 et 2015. « Une période très utile pour se connaître toutes les deux et échanger avec les cédants sur leurs pratiques de production et de distillation, leurs gammes de produits et leurs modes de vente », constate Camille Bordes. 

Une diversité de sites adaptés à chaque plante

Les deux jeunes femmes reprendront les rênes de l’exploitation en août 2015 sous un nouveau nom : Distillerie Les Essentielles ! « L’activité de la distillerie fonctionnait bien avant notre arrivée, donc on a pu rapidement en tirer un salaire toutes les deux. » Un salarié a également été embauché, Pierre Bonnefoussie, compagnon de Fanny Simon.

Depuis leur installation, les cultures ont été déplacées à Arlebosc et à Désaignes. La cueillette se concentre, quant à elle, sur les secteurs de Désaignes et de Nyons (Drôme). « Cette diversité de sites de production nous permet d’avoir différents types de biotopes, que ce soit pour planter ou cueillir sur des sols les plus adaptés possibles aux plantes », explique Camille Bordes . À Arlebosc, les deux associées cultivent leur principale production : bleuet, mélisse, thym linalol et thym thujanol, rosiers, estragon, sarriette, géranium rosat, menthe poivrée et basilic grand vert. Quelques cultures de verveine, camomille romaine et hélichryse italienne se concentrent aussi à Désaignes. La cueillette sauvage s'effectue partout où Camille Bordes et Fanny Simon trouvent les plantes recherchées, notamment de millepertuis, carotte sauvage, pin sylvestre, laurier et achillée millefeuille. Sans surprise, c’est à Nyons qu'elles cueillent du genévrier de montagne, de la lavande aspic et du romarin à camphre : « Les sols calcaires que l’on y trouve sont plus adaptés à ce type de plantes ».

Cueillette et gestion durable des ressources

La cueillette sauvage représente 25% de leur récolte, principalement en lavande. « Certaines plantes sauvages sont pérennes et faciles à trouver, comme le thym et la lavande. Pour d’autres plantes plus nomades, comme l’achillée et la carotte, cela peut être bien plus difficile. Elles se déplacent chaque année, ce qui nous oblige à tourner pour savoir où en trouver, demander aux propriétaires des terrains où l’on en aperçoit… La sécheresse de ces trois dernières années se fait aussi sentir sur ces plantes. » Comme de nombreux cueilleurs, elles promeuvent une gestion durable des ressources végé­tales de cueillette sauvage et un esprit de sauvegarde de la diversité écologique du milieu. « Il faut veiller à bien couper les plantes à la serpette ou à la faucille, seulement le vert et non le bois, et en laisser au moins 30% pour le renouvellement », indique Camille Bordes. 

Une même attention est portée sur les cultures : « On effectue des coupes bien rondes pour que les plants restent en bonne santé et pour faciliter la récolte des futures productions ». Pour la préparation des sols, « on travaille avec une bineuse attelée derrière un tracteur, que l’on a amélioré cette année avec des doigts Kress ce qui nous permet de faire un désherbage plus près des plants. Certaines cultures sont plus difficiles que d’autres, la camomille romaine s’enherbe et se fragilise facilement », constate Camille Bordes. Les plantations et la cueillette sont effectuées à la main. Si besoin, les cultures peuvent être irriguées grâce à un lac collinaire à Arlebosc, et une source à Désaignes. « Chaque année, on a peur de manquer d’eau. On projette de faire un forage supplémentaire à Arlebosc. C’est un vrai souci pour l’avenir. »

A.L.

De la récolte aux huiles essentielles et hydrolats

De la récolte aux huiles essentielles et hydrolats

DISTILLATION / L’ensemble des plantes sont distillées sur place en huiles essentielles et hydrolats.

Après la récolte ou la cueillette, les plantes sont rapatriées le plus rapidement possible à l’atelier de transformation où elles sont séchées dans un espace sec, propre et bien aéré avant d’être transformées en huiles essentielles et hydrolats. Pour la distillation, Camille Bordes et Fanny Simon disposent d’un alambic en inox composé d’une cuve de 600 litres dans laquelle sont tassées les plantes, prolongée d’un chapeau en col de cygne puis d’un serpentin plongé dans une cuve de refroidissement. La distillation est effectuée à basse pression et basse température. Cet outil bénéficie d’un système de chaudière puissante de type industriel, permettant une traversée et une qualité de vapeur rapide et efficace, et évitant ainsi l’altération des molécules d’essences qui s’élèvent puis se condensent. À la sortie dans l’essencier, ces molécules d’essence se séparent en majeure partie de l’eau pour former l’huile essentielle et une faible partie se mêle à l’eau pour obtenir l’hydrolat, aussi appelé eau florale. Les rendements diffèrent d’une plante à l’autre. Il faut environ 100 kg de lavande fine pour obtenir 1 litre d’huiles essentielles, et environ 1 tonne de camomille romaine pour obtenir la même quantité !

50% de leurs produits sont vendus dans une trentaine de magasins, principalement des épiceries bio, tels que La Vie Claire, le réseau Biocoop, la coopérative de magasins bio indépendants BioMonde… 25% sont vendus en gros à la cosmétique, dont le laboratoire Helpac basé en Auvergne et spécialisté en aromathérapie et gémmothérapie biologique, ou encore la réputée Herboristerie Aries située en Suisse. Le reste de leur produits est commercialisé en direct à la distillerie à Désaignes, tous les jeudis après-midi de 14 h à 18 h entre juin et septembre ou sur rendez-vous, sur leur site Internet, lors de salons et foires. Pour les plus curieux, des visites de la distillerie sont également proposées le jeudi après-midi !

Plus d’infos sur le site Internet https://distillerie-les-essentielles.fr/
De gauche à droite : Pierre Bonnefoussie, Fanny Simon et Camille Bordes.
De gauche à droite : Pierre Bonnefoussie, Fanny Simon et Camille Bordes.