BIODIVERSITÉ
Chasseurs et agriculteurs, unis pour la biodiversité

Mylène Coste
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BIODIVERSITÉ / En lien avec des agriculteurs, La fédération des chasseurs de l’Ardèche met en place des projets de réouverture et d’aménagement de terrains à vocation pastorale. Objectif : recréer de la biodiversité et favoriser le retour des espèces.

Chasseurs et agriculteurs, unis pour la biodiversité
La Fédération des chasseurs de l'Ardèche a mis en place des projets de reconquête de landes pour le pastoralisme afin d'y restaurer la biodiversité.

Certes, le conflit entre agriculteurs et chasseurs au sujet des dégâts de gibiers reste vif. Pourtant, les deux parties savent mettre leurs différents de côté quand il s’agit de travailler sur des objectifs communs : et la préservation de la biodiversité en est un !

Initié par la fédération départementale des chasseurs de l’Ardèche (FDC), un tout nouveau projet d’aménagement du territoire en faveur de la biodiversité est ainsi conduit en lien avec des éleveurs sur plusieurs territoires. La genèse du projet : « Nos missions ont évolué, avec une attention toujours plus aiguisée sur les enjeux de l’aménagement du territoire, explique Fabrice Étienne, technicien chargé des dossiers Petite faune et suivi sanitaire à la FDC. Beaucoup d’espèces de gibiers, comme la perdrix rouge, ont disparu de certains secteurs géographiques, du fait de la dégradation de leurs habitats (déprise agricole, urbanisation). Or, dans le cas de cet oiseau, le réintroduire sans se poser la question ses exigences écologiques serait une erreur. Créer des conditions propices pour la perdrix rouge est donc une étape indispensable. »

Rouvrir des milieux pâturants pour attirer la perdrix

« Là où il y a des brebis, il y a de la perdrix ! » affiche Fabrice Étienne. « C’est pourquoi nous avons besoin du concours des éleveurs et de leurs troupeaux. » Le principe ? « La Fédération identifie des terrains de lande abandonnés, et tente de convaincre leurs propriétaires de les mettre à disposition pour le pastoralisme – sur la base d’un engagement oral et gratuit-. Une fois l’accord conclu, les chasseurs de la commune concernée, sur la base du volontariat, défrichent et réaménagent le terrain afin d’y introduire un troupeau de brebis ou de bovins. »

Pour l’heure, déjà deux expériences de ce type ont été menées à Lagorce et Chambonnas / Les Vans. En 2020, une enveloppe de 25 000 € a ainsi été consacrée à ces deux projets. Des démarches similaires pourraient voir le jour dans les prochaines années à Saint-Marcel-d’Ardèche, Saint-Martin-d’Ardèche, Saint-Remèze ou encore Bourg-Saint-Andéol.

Uniquement du pâturage temporaire

Attention, il ne s’agit pas là de vastes étendues de pâturages uniformes, mais d’une ouverture en « mosaïque » : 30 % de zones buissonnantes et 70 % de milieu pâturant. « Le but est de créer un effet lisière qui est le plus riche en matière de biodiversité », souligne encore le technicien.

Il n’est pas non plus question de laisser le troupeau à l’année sur le terrain réaménagé : « C’est plutôt du pâturage temporaire, notamment de fin d’hiver. On évite la plaine saison de floraison, sauf exception. » Le tout, en évitant les formalités administratives trop complexes pour les différents acteurs, et sur la base d’un contrat oral. Un seul bémol : l’absence de garantie de pérennité, notamment du côté des éleveurs.

Un accord gagnant-gagnant qui, pour l’éleveur, donne accès à davantage d’herbe pour faire pâturer son troupeau, et pour la FDC, répond à des objectifs de réintroduction d’espèces. « Nous aimerions travailler davantage en lien avec le monde agricole sur ces questions environnementales, affiche Fabrice Étienne. Nous avons d’ailleurs pris contact avec la Chambre d’agriculture à cet effet. À l’heure où nous sommes souvent stigmatisés, il est important de montrer ce que l’on peut faire pour la biodiversité. »

Mylène Coste

Fabrice Étienne, technicien chargé des dossiers Petite faune et suivi sanitaire à la fédération des chasseurs de l'Ardèche.
PASTORALISME / Éleveurs, ils se sont lancés dans l’aventure avec les chasseurs
Des moutons pâturent à nouveaux dans les pâturages ré ouverts du côté des Vans / Chambonnas.

PASTORALISME / Éleveurs, ils se sont lancés dans l’aventure avec les chasseurs

En plein cœur du bois de Païolive, à cheval entre Chambonas et les Vans, des terres ont été reconquises au pastoralisme à la faveur du projet de biodiversité de la fédération départementale des chasseurs et de l’Acca locale. C’est ainsi que, depuis trois ans déjà, Nordine Ouali peut y faire pâturer son troupeau de brebis : « Installé dans le Nord Gard, j’ai environ 450 brebis, mais je ne fais pas d’engraissement sur les agneaux. Je suis dans un système transhumant, d’où la nécessité d’avoir beaucoup d’herbe. Ce projet m’a permis de faire pâturer mes bêtes sur plus de 300 ha supplémentaires ; c’est d’autant plus intéressant qu’il y a une vocation de biodiversité ».

À Lagorce, les secteurs du Serre du Cheval et du Cros de la Figière ont également retrouvé une partie de leur vocation pastorale, permettant à Mathieu Labbé, éleveur transhumant des Hautes-Alpes, d’y faire pâturer son troupeau. « J’avais déjà des animaux sur des terrains attenants, et ce projet m’a permis de récupérer une cinquantaine d’hectares supplémentaires, d’un même tenant. C’est donc idéal ! Mes 300 bêtes y ont ainsi pâturé durant deux hivers, et cette année, au printemps. »

Plusieurs landes ont déjà été ré-ouvertes par les chasseurs, à la faveur du pastoralisme, à Lagorce et Les Vans.
ZONES DE BIODIVERSITE / De vrais résultats
L'objectif de ces projets : réintroduire des espèces sensibles tels que la perdrix rouge en favorisant leur habitat.

ZONES DE BIODIVERSITE / De vrais résultats

« Sur les zones réaménagées déjà pâturées, nous constatons déjà des effets positifs, indique Fabrice Étienne. Nous effectuons des mesures sur les espèces mais également des études botaniques, en lien avec le conservatoire des espaces naturels (CEN) et le conservatoire botanique Auvergne Rhône-Alpes. Nous observons dès à présent un retour de certaines espèces de passereaux qui sont beaucoup plus nombreux au printemps comme le pipit rousseline, le rossignol philomèle ou encore les fauvettes méditerranéennes, mais également du lapin de garenne. La tourterelle des bois, une espèce sensible, est également beaucoup plus présente dans ces zones de pâturage aménagées. Et bien évidemment, la perdrix rouge ! »