ASSISES DE L'EAU
Pour un partage sans conflit d'usage

Le deuxième volet des Assises de l'eau de l'Ardèche s'est déroulé mercredi 22 mars à Guilherand-Granges, à l'occasion de la journée mondiale de l'eau.

Pour un partage sans conflit d'usage

Travailler « sereinement », « sans tabou », afin de tirer « une feuille de route ambitieuse », c'est avec ces mots que le préfet de l'Ardèche, Thierry Devimeux, a ouvert les Assises de l'eau, mercredi 22 mars. À l'occasion de la journée mondiale de l'eau, cette instance de concertation collective, mise en place par le Département et la préfecture de l'Ardèche, se réunissait pour la deuxième fois.

Depuis la première rencontre, au mois de septembre, trois groupes de travail se sont constitués : au nord, au centre et au sud du département. Syndicats de rivières, élus, associations environnementales, agriculteurs, industriels, professionnels du tourisme... Ensemble ils ont défini des objectifs prioritaires concernant la gestion de l'eau. Mercredi 22 mars, à Guilherand-Granges, ont été présenté les principales conclusions de ces travaux.

Le mot-clé : sobriété

La sobriété est l'un des termes qui semble faire consensus du nord au sud de l'Ardèche. Une sobriété qui passe par la baisse des consommations mais aussi par la modernisation des réseaux et leur pilotage pour repérer, au plus tôt, d'éventuels fuites de canalisation. La récupération d'eaux pluviales est une autre piste évoquée par l'ensemble des groupes. Une stratégie que certains proposent de développer largement, par exemple sur les bâtiments publics pour l'arrosage des espaces verts.

Si tous s'accordent à dire qu'il faut réduire nos consommations, y compris au niveau individuel, la sécurisation de l'eau potable reste un enjeu majeur pour tous les territoires. Alors que certaines communes bénéficient de ressources encore abondantes comme la nappe du Rhône (voir encadré), d'autres se retrouvent sans eau potable lorsque, comme à Coucouron depuis cet été, les sources locales viennent à manquer. L'interconnexion des réseaux à travers le territoire pourrait alors être une solution pour s'adapter à ces risques de sécheresse.

La préservation des milieux est aussi un enjeu essentiel que tous les groupes de travail ont mentionné. Ils ont notamment proposé des solutions d'hydrologique régénérative (comme l'experimentation de Keyline design au nord), ou encore du soutien d'étiage (comme sur le bassin versant de l'Ardèche).

Parmi les problèmatiques soulevées par les différents groupes, on notera également celle de la communication auprès du grand public, pour la gestion de l'eau, mais surtout pour sa bonne compréhension des arrêtés préfectoraux liés à la sécheresse. 

Le stockage, évoqué à demi-mot

Quand on parle de partage de l'eau, l'agriculture est évidemment l'une des activités les plus citées. Si les groupes ont tous mis en avant les besoins d'adaptation des systèmes et pratiques agricoles pour limiter les besoins en eau, la question des ressources supplémentaires n'a été abordée qu'à demi-mot. Dans le nord, les syndicats de rivières évoquent la possibilités de réutiliser les nombreuses retenues abandonnées pour répondre aux besoins croissants (voir encadré). Dans le sud, on parle des possibilités de forage. Pour ce qui est de nouveaux espaces de stockages, les groupes de travail ne s'attardent pas sur le sujet.

Dans l'assemblée, le monde agricole insiste pourtant sur l'importance de cet aspect. « On ne peut pas tout stocker dans un même barrage, j'entends cela. Mais posons ce sujet, étudions les capacités, regardons les effets, les enjeux », insiste Jean-Pierre Gaillard, viticulteur en sud Ardèche et président du conseil d'administration du Crédit agricole Sud Rhône-Alpes.

Un peu plus tard, à l'heure de clore ces Assises de l'eau, le président du Département est quant à lui revenu sur ce sujet, sans détour : « il faut qu'on aille plus loin. En améliorant l'existant et aussi, un mot que l'on n'a pas assez évoqué : le stockage. [...] Si on veut maintenir la production, il faut des ressources supplémentaires. » Moins tranché, le préfet de l'Ardèche a souligné la nécessité de poser cette réflexion en étudiant, par exemple, les possibilités de stockage en tête de bassin.

Pauline De Deus

Gestion de l'eau : un plan national

Ce jeudi 30 mars, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, devrait présenter le plan du gouvernement pour améliorer la gestion de l'eau dans le pays. Dans les médias, Christophe Béchu a notamment évoqué un volet agricole. Il a également suggéré un renforcement de la réglementation sur les forages.

Rendez-vous mi-septembre

Le troisième épisode de ses Assises de l'eau est d'ores et déjà programmé pour le mois de septembre. D'ici là les travaux des différents groupes devraient être étudiés et plan d'actions établi.

« Le végétal, comme l'homme, aura toujours besoin d’eau »
FDSEA

« Le végétal, comme l'homme, aura toujours besoin d’eau »

Représentant de la FDSEA lors de ces Assises de l'eau, Benoit Nodin, arboriculteur à Saint-Péray, détaille sa position sur la question du stockage.

« On a besoin d'eau donc il faut trouver la ressource. On dit que l'eau stockée est plus chaude et qu'elle a une incidence sur le biotop, mais si on ne stocke pas il y aura une autre incidence : le milieu aussi sera asséché. Quand on fait du stockage c'est pour l'agriculture mais ça permet aussi de restituer de l'eau à l'environnement avec du soutien d'étiage et ça pourrait même servir à l'eau potable. Ca ne veut pas dire qu'il ne faut pas avoir une consommation intelligente. Nous avons déjà des systèmes de sondes tensiométriques pour étudier le besoin du sol, des programmateurs pour irriguer en fin de journée, de la micro aspersion, du goutte à goutte, etc. On est aussi en train d’avancer sur des pratiques agronomiques permettant d’avoir des sols plus performant : augmentation de la matière organique du sol, enherbement, recherche sur du matériel végétal adapté... Mais ces pratiques doivent s’adapter aux paramètres de chaque exploitation et ne peuvent se faire que dans le temps qui est celui du végétal. Contrairement à ce qu'un intervenant a pu dire, nous ne somme pas sur de l'agriculture intensive en Ardèche. Mais avec des sols séchants, peu profonds, il faut quand même de l'eau ! D'autant que si les chaleurs sont excessives et qu'elles durent dans le temps, les plantes ne peuvent pas faire face, elles finissent par griller. Il peut même être nécessaire de pratiquer des petits temps de microaspersion pour rajouter de l’hygrométrie dans l’air sur certaines cultures... Le végétal, comme l'homme, aura toujours besoin d’eau, il faut donc s’atteler à préserver et rendre plus performante la ressource. »

Chiffre : 939

C'est le nombre de retenues d'eau présentent sur le bassin versant du Doux, selon les estimations du syndicat mixte en charge de sa gestion. Parmi elles, moins de la moitié serait utilisée par l'agriculture et une centaine serait même sans usage. Malgré la complixité, plusieurs projets de réutilisation de retenues pour l'agriculture seraient en cours, d'après Renaud Dumas, chargé d'études quantitatives au syndicat mixte du bassin versant du Doux.

D'ici 30 ans, des débits encore réduits
RHÔNE

D'ici 30 ans, des débits encore réduits

Présente lors de ces Assises, l'agence de l'eau a exposé les résultats d'une de ses récentes études qui anticipe les débits du Rhône sous l'effet du changement climatique.

« Nous avons analyser les évolutions hydrologiques du Rhône et ses conséquences sur les usages », introduit Isabelle Eudes, chargée d'interventions fleuve Rhône à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Entre les hausses des températures, la répartition changeante des pluies et la baisse de neige, depuis 1960, le Rhône a déjà perdu 13 % de ses débits moyens en période estivale. En s'appuyant sur les données du Giec, de Météofrance et des modèles hydrologiques conçus par l'Inrae, l'agence de l'eau a établi des projections pour 2055. D'après les résultats de cette étude, publiés récemment, les débits du Rhône seraient plus importants qu'actuellement en hiver et au printemps, mais au contraire bien plus réduits en été et à l'automne. « À Valence, au mois d'août, 8 des 10 modèles projettent des baisses de 16 à 35 % », annonce Isabelle Eudes. Ces réductions des débits s'accompagneront d'une hausse de la température de l'eau et d'un phénomène de "coin salé" plus fréquent (présence d'eau de mer dans le fleuve). Si cette situation n'empêchera pas l'usage de l'eau du Rhône d'ici 30 ans, « il convient de s'adapter à une moindre abondance », prévient la représentante de l'agence de l'eau. Et si cette étude s'arrête à 2055, la fin du siècle ne semble pas plus glorieuse pour le fleuve. Si les glaciers des Alpes venaient à disparaître les débits du Rhône en seraient grandement impactés.