SANITAIRE
En estive, la BVD doit être gérée !

INTERVIEW / Éleveur laitier depuis 20 ans à Clavières dans le Cantal, Jean-Michel Vigier est également président du Groupement de défense sanitaire (GDS) de son département, président de la coopérative d’estive du Mont Mouchet (sur la commune de Clavières) et de l’association Auvergne Estives. Il s’est beaucoup engagé sur la gestion du risque BVD en estive. Il nous présente son action et sa vision.

En estive, la BVD doit être gérée !
Jean-Michel Vigier : « En estive, quels que soient les effectifs des troupeaux, des règles efficaces de gestion de la BVD peuvent être mises en place. »

Jean-Michel Vigier, quelle est votre action locale, en tant que responsable d’une estive collective, pour faire avancer la problématique de la BVD ?

Jean-Michel Vigier : « Pour vous situer tout d’abord, l’estive représente une quinzaine d’éleveurs adhérents, et chaque année environ 600 bovins transhument sur les 420 hectares de notre estive. Ils sont répartis en 6 troupeaux de différentes catégories d’animaux. Depuis 2003, nous travaillons sur la problématique de la BVD. Tous les éleveurs ont appris à gérer cette maladie au fur et à mesure. Au début, nous imposions des analyses en sérologie de mélange. Ensuite, l’arrivée de l’analyse PCR1 nous a permis d’identifier individuellement les animaux infectés, puis nous avons pris en compte le risque de présence d’animaux virémiques transitoires (ce sont des porteurs temporaires de la maladie, et vecteurs de sa transmission) afin de gérer plus finement le risque sanitaire.

En 2009, les éleveurs de l’estive ont collectivement décidé que chaque bovin qui transhume doit être détenteur du statut « BVD – bovin non IPI ». D’autres mesures viennent renforcer la gestion de ce risque : la montée en estive à date fixe, l’impossibilité pour les éleveurs de remplacer un bovin descendu en cours de période de transhumance, l’incitation à la vaccination des femelles qui seront gestantes durant l’estive … »

Quelle a été la réaction des éleveurs face à ces mesures contraignantes ?

J.-M. V. : « Cette réflexion sur la gestion de la BVD a commencé depuis 20 ans. Elle a pu avancer grâce à plusieurs facteurs. D’une part, quasiment tous les éleveurs ont été confrontés à cette maladie. C’est alors plus facile pour en parler, et chacun y a vu son intérêt. Ensuite, nous avons eu un soutien important de la part du GDS en termes d’accompagnement technique. Ainsi, la réflexion s’est construite collectivement, chacun en a été acteur, ce qui a permis une acceptation naturelle du règlement sanitaire. »

Justement, quel a été le rôle du GDS dans la gestion de cette problématique ?

J.-M. V. : « Le GDS a été un acteur important pour faire avancer la réflexion. Des réunions d’information ont été organisées, des supports de communication diffusés. Le GDS a accompagné la rédaction du règlement intérieur… C’est un accompagnement à la fois technique mais aussi un suivi de la réflexion. Une fois que tout est mis en place, le GDS veille à ce que tous les animaux qui montent en estive répondent bien aux conditions imposées par le règlement sanitaire. »

Du coup, quelle a été l’évolution de la situation vis-à-vis de la maladie au cours de ces dernières années ?

J.-M. V. : « La BVD est gérée sur l’estive depuis longtemps. Il est donc certain que les éleveurs sont aujourd’hui très informés et impliqués sur cette démarche, ce qui les aide à gérer le risque par ailleurs. Car il existe bien sûr d’autres facteurs de transmission de la maladie : le voisinage, les concours ou encore l’introduction de bovins … Les éleveurs étant bien informés, ce risque est mieux géré et la BVD a donc perdu du terrain. »

Plus globalement, quelle est votre vision pour l’ensemble des estives et des transhumances sur la région Auvergne Rhône-Alpes ?

J.-M. V. : « Tout d’abord, je souhaite préciser que les estives collectives ne sont qu’un type de transhumance puisqu’on peut également recenser les estives privées ou les mises en pension. Ensuite, je tiens à souligner le caractère ancestral et la valeur économique apportée par la transhumance, qui rend cette pratique parfois indispensable dans certaines exploitations. Il est alors essentiel de gérer le sanitaire en lien avec les transhumances, mais encore une fois, il ne faut pas penser que seules les estives collectives représentent un danger. Le message est parfois difficile à faire passer lors d’une démarche collective, mais l’efficacité est rapidement constatée dès lors que tous les acteurs agissent ensemble dans un même objectif.

Ainsi, le but est vraiment de faire évoluer la problématique de la BVD par l’exemple. La Coptasa, une estive cantalienne regroupant 190 adhérents et presque 4 000 bovins, a mis en place une démarche similaire et d’autres estives se sont inspirées des règles en vigueur dans nos deux estives pour faire évoluer leur situation localement. L’idée à retenir est que quels que soient les effectifs, des règles de gestion efficaces peuvent être mises en place. Cette réflexion avancera plus rapidement si les responsables d’estives sont en lien et mènent une réflexion ensemble. C’est donc un des sujets qui peut être porté au sein du service pastoral auvergnat « Auvergne Estives » (regroupant des collectifs d’estives et des acteurs du pastoralisme), et relayé dans le réseau pastoral Aura, qui pourra travailler avec la dédération régionale des GDS de la région Aura. Il est certain que la réglementation permet également de faire avancer les choses, avec la publication de l’arrêté ministériel du 31 juillet 2019. Mais il ne faut pas attendre d’être contraints par la loi pour agir. J’invite tous les responsables d’estives et les éleveurs à se renseigner sur les réglementations en vigueur ou sur ce qui est possible de mettre en place sans attendre, pour protéger son troupeau d’une part, et ne pas être mis devant le fait accompli par la loi d’autre part… »

Est-ce que la LSA va impacter les règles sur la BVD ?

J.-M. V. : « Tant sur le plan de la BVD que sur les estives ou tout autre rassemblement d’animaux, la réglementation française est plus souple et s’adapte mieux à la diversité des situations de nos élevages que la loi de santé animale européenne qui devrait entrer en vigueur au mois d’avril 2021. Aussi, il est nécessaire d’avancer le plus rapidement possible vers notre objectif d’éradication de la BVD afin de permettre aux éleveurs de la région d’aborder les règles européennes plus sereinement lorsqu’elles s’appliqueront tout en étant compétitifs à l’exportation. »

1. Test de diagnostic moléculaire mettant en évidence la contraction d’un virus.

Il est interdit de faire transhumer un bovin conclu IPI ((infecté permanent immunotolérant). Il porte et excrète le virus, c’est donc une source de contamination.

BVD / Foire aux questions

Un bovin conclu IPI peut-il monter en estive ?
Il est interdit de faire transhumer un bovin conclu IPI. Concernant les autres conditions sanitaires liées à la BVD, il faut vous rapprocher du responsable d’estive avant de prévoir de monter vos animaux.

Si tous les bovins qui transhument en estive/pension/transhumance sont connus « BVD – bovin non IPI », je suis certain de ne pas dépister des IPI à la descente ?
Une vache qui rencontre la maladie entre le 40e et 130e jour de gestation peut transmettre le virus de la BVD à son veau qui naîtra alors IPI. En plus de la connaissance du statut BVD de l’ensemble des bovins avant leur montée en estive, il faut donc mettre en place un protocole de vaccination sur les femelles qui seront gestantes lors de la période de transhumance. Pour cela, il faut vous rapprocher de votre vétérinaire.

Si mon animal est positif en BVD, il n’est pas autorisé à utiliser l’estive ?
Tout dépend le type d’analyse réalisé : la sérologie (recherche des anticorps) ou la virologie (recherche du virus). En effet, un animal positif en sérologie est un animal vacciné ou qui a rencontré la maladie précédemment dans sa vie ; il peut encore être excréteur et contminer ses congénères. Cette analyse ne détermine pas le statut du bovin. Un animal positif en virologie (PCR ou antigénémie) est un bovin infecté (IPI ou virémique transitoire) : il excrète le virus.

Si un veau naît IPI en estive ou en transhumance, que dois-je faire ?
D’après l’arrêté ministériel du 31 juillet 2019, tout bovin IPI doit être éliminé sous 15 jours, et le statut de l’ensemble des bovins du troupeau doit être déterminé sous deux mois. Il faudra donc dépister tous les bovins sans statut BVD et qui n’ont pas de descendance.

Je souhaite mettre ou prendre des animaux en pension, les règles sont-elles les mêmes que pour des estives ?
Les pensions sont gérées comme des introductions d’animaux. Il faut donc vous rapprocher de votre GDS local afin de connaître les modalités précises, puisqu’il peut parfois y avoir des différences de gestion d’un département à l’autre. n