COMMERCIALISATION
Fromages de vache AOP : les filières chamboulées se réorganisent

Alison Pelotier
-

COMMERCIALISATION / Les appellations et indications d’origine protégées (AOP-IGP) laitières vivent une crise sans précédent. L’ensemble des organismes de défense et de gestion (ODG) communiquent sur l’urgence de la situation. De multiples actions ont vu le jour pour apporter des solutions aux baisses de commandes.

Fromages de vache AOP : les filières chamboulées se réorganisent
Entre le 15 mars et le 15 avril, les pertes de chiffre d’affaires sont estimées à 32 millions d’euros pour les AOP et IGP.

Les pertes sont colossales : 32 millions d’euros (Me) de chiffre d’affaires auraient été perdus pour les AOP et IGP du 15 mars au 15 avril. Ces pertes touchent principalement les PME, TPE, artisans et producteurs fermiers qui ont dû faire face à des baisses de commandes de 50 à 60 % sur cette même période. « Il y a des impacts différents selon les produits. Pour les fromages de vache à affinage court comme le reblochon, le saint-marcellin et le saint-nectaire, la première réaction des opérateurs a été de réduire la produc- tion de lait. Dans un deuxième temps, les fermes, les coopératives et les affineurs se sont organisés pour distribuer des dons aux plus démunis (voir plus bas) », explique Sébastien Breton, délégué général de la Cnaol (conseil national des appellations d’origine laitières) et directeur de l’AFTAlp, association des fromages traditionnels des alpes savoyardes. « Pour les fromages de vache à pâte dure et à affinage long, il y a rapidement eu un effet de surstock. On cumule, mais on ne sait pas si et comment on va pouvoir vendre », rajoute-t-il.

Du lait de vache AOP reporté sur le marché spot


En Savoie et Haute-Savoie, la demande a baissé de 20 %, notamment en reblochon. Les fromages AOP de vaches laitières ont pu faire du dégagement sur le marchés pour un prix aux alentours de 150 € / 1 000 litres vendus à des coopératives laitières, au lieu de 500 à 600 € / 1 000 litres habituellement. Une situation d’urgence mal vécue par les producteurs qui vise avant tout à réduire le gaspillage. Dans cette même optique, certains producteurs ont reporté leur production habituelle sur la fabrication de raclette de Savoie et d’abondance pour l’hiver prochain. « Nous allons devoir construire un plan d’action avec l’État car nous ne pourrons pas réussir sans déroger aux règles de régulation de la concurrence », précise Sébastien Breton.Au total, les producteurs de Savoie et Haute-Savoie estiment devoir essuyer des pertes de chiffre d’affaires de 18 M€ de mi-mars à mi-mai. Pour le même période, la Cnaol estime à 1,4 M€ les pertes de valorisation (report sur le marché spot et le marché de la poudre de lait). D’ici mi-mai, entre 500 et 800 tonnes de fromages auront été stockées et non vendues dans les circuits habituels. « Les dynamiques autour du tourisme ont été cassées alors que nous étions dans une période de redémarrage. C’est une difficulté supplémentaire qui s’ajoute en cette période de crise alors que la saison s’annonçait meilleure que les années précédentes », regrette-t-il.


Les opérateurs s’engagent


À défaut de pouvoir valoriser leur lait, les opérateurs de Savoie et Haute-Savoie, ont ouvert leur cœur. De nombreuses initiatives ont vu le jour pour aider les plus fragiles et tenter de sauver leurs productions. « Nous nous sommes engagés à livrer entre 500 et 1 000 kg de fromages des Savoies aux hôpitaux et aux services de secours de nos départements. Nous avons aussi réalisé des dons aux Restos du cœur et à la Croix Rouge. Nous sommes actuellement en train d’élaborer une démarche d’ampleur avec la Banque alimentaire de Savoie et Haute-Savoie. Objectif : récolter entre 300 et 400 000 € ces prochaines semaines », informe Sébastien Breton. L’AFTalp qui a vu la fête des fromages de Savoie s’annuler fin juin, réfléchit à multiplier des petits évènements dès la fin du confinement. « Dès le début de la crise nous avons amplifié notre communication, notamment sur le site www. producteurs-savoie-mont-blanc.com. Nous réfléchissons à des stratégies de communication plus localisées », précise le directeur de l’association. Les producteurs de Savoie comptent bien mettre à contribution leur route des fromages et ses 72 sites ouverts au public pour redonner un coup de boost à leurs fro- mages AOP. « Nous aimerions profiter de ces lieux pour faire passer des messages forts aux consommateurs. »


Alison Pelotier


À lire sur le même sujet :

Les producteurs de fromages de chèvre sont à bout de souffle

COMTÉ / Un assouplissement du plan de maîtrise

Ce n’est pas de gaieté de cœur mais la filière comté a mis en place un plan de maîtrise de la production au début du confinement. Plan qui prévoyait une baisse des livraisons de 8 % sur les mois d’avril, mai et juin. Ces mois de printemps étant les plus propices pour produire un lait économique et de qualité et les ventes étant jusque là sauvées par le préemballé et le libre ser- vice, l’interprofession (CIGC) a assoupli le plan initial. Le niveau de réduction est conservé mais il s’étale désormais sur toute la campagne laitière, avec une baisse annuelle de - 2,3 %. Le CIGC restera très vigilant sur les ventes et reverra les termes de ce plan de maîtrise de la production en juillet et en septembre.

M.R.