FOURRAGE
Silphie : une culture écologique d’avenir

La silphie, plante pérenne d’au moins 15 ans, résiste aux aléas climatiques, possède un bon potentiel méthanogène et une valeur alimentaire non négligeable. À découvrir.

Silphie : une culture écologique d’avenir
La silphie perfoliée (Silphium Perfoliatum) est une vivace originaire d'Amérique du Nord, de la famille des astéracées (crédit photo Silphie France).

La silphie perfoliée (Silphium Perfoliatum) est une vivace originaire d'Amérique du Nord. Elle peut atteindre jusqu’à 2,75 m de haut. Sa floraison s’étale de mi-juin à fin septembre. En Allemagne, la silphie couvre plus de 10 000 ha. En France, elle est cultivée sur 4 000 hectares. « Elle supporte bien les aléas climatiques : le gel jusqu’à - 40 °C, les fortes pluies, elle survit à des semaines d’immersion », décrit Amédée Perrein, distributeur exclusif pour la France de semences de silphie ABICA perfo*. « C’est une plante pérenne qui résiste au stress hydrique car ses racines puisent à 2,50 m dans le sol. Elle pousse à partir du 15 février et atteint déjà 1,70 m au 15 juin. Ses feuilles en forme de coupe conservent l’humidité. »

Biogaz et fourrage

« La culture de la silphie répond à deux nécessités : la production d’énergie et celle de fourrage. La production d’énergie car elle offre un bon potentiel méthanogène avec une production de gaz de 300 à 350 l/kg de MS, soit en moyenne 4 000 m³ à 4 500 m³ de gaz/ ha. Mais également la production de fourrage. Avec une coupe aux premières fleurs au 15 juin (seconde au 15 septembre) elle peut ainsi sécuriser le stock alimentaire avant les grosses chaleurs. La silphie, présente une valeur alimentaire pour complémenter la ration. Son apport en protéines est supérieur à celui du maïs, en revanche il est plus faible en énergie. On peut comparer la silphie à un sorgho avec plus de protéines », indique Amédée Perrein. Enfin, cette plante mellifère, bon couvre sol, n’a pas besoin de traitement une fois levée. Pour toutes ces caractéristiques, on la qualifie souvent de plante écologique.

L’inconvénient de sa culture reste son coût : environ 2 000 euros à l’hectare (1 700 € de semences, 60 € d’engrais starter, 60 € de désherbage, 100 € pour une ETA). Il faut savoir aussi que la silphie ne produit pas la première année. C’est la raison pour laquelle on la sème sous couvert de maïs. « Cet investissement, certes conséquent, est fait pour 15 ans, rappelle Amédée Perrein. C’est aujourd’hui la durée minimum de vie constatée de la plante. »

Des tests dans la Loire et le Rhône

Conseillère agronomie et fourrages à la chambre d’agriculture du Rhône, Chrystel Baudinet anime deux groupes composés de 26 éleveurs en agriculture de conservation. « Ce sont les interrogations de plusieurs d’entre eux à propos de cette plante qui m’ont amenée à me renseigner sur cette culture. Cinq agriculteurs possèdent une unité de méthanisation, deux d’entre eux ont décidé de semer ce printemps 2021 un demi-hectare chacun. Les achats de semences ont été groupés avec le département de la Loire. Ce travail de réflexion sur la silphie s’inscrit dans le cadre d’une convention, passée entre la Communauté d’agglomérations de l’Ouest rhodanien et la Chambre d’agriculture du Rhône pour l’accompagnement et le développement de l’agriculture locale. Celle-ci prévoit, entre autres, la mise en œuvre de pratiques et de techniques végétales nouvelles. »

Jean-Luc Bernard mise sur la silphie

« En 2019, j’ai semé 40 ha en association avec du maïs. Le résultat a été décevant, la silphie a souffert de la concurrence du maïs et n’a rien donné », raconte Jean-Luc Bernard, agriculteur dans les Vosges. « J’ai quand même persisté. En 2020, j’ai semé 75 ha dont une partie avec du blé. J’ai constaté que la silphie pousse mieux seule. Bien sûr, il faut pouvoir supporter le poids d’une première année blanche, car la silphie ne donne que la deuxième année. En 2020, en dépit de mauvaises conditions, j’ai récolté 5,7 t /ha. Cette troisième année, s’annonce très bonne. »

Même s’il reconnaît que l’investissement est élevé, 570 euros le kg, Jean-Luc Bernard croit en cette plante pérenne. « On ne traite qu’une fois lors du semis, ensuite la plante est installée pour au moins 15 ans. Je cultive la silphie pour la méthanisation. Je vais aussi l’utiliser, séchée, comme paillage pour la stabulation. Ce double usage diminue peu le potentiel méthanogène. Avec deux coupes par an, elle est intéressante comme fourrage de complément. »

Arvalis en veille active

« Nous ne travaillons pas cette espèce pérenne, mais nous menons une veille active sur les résultats de la silphie, notamment en Allemagne. Nous tenons à analyser ses performances au regard des connaissances acquises sur d’autres espèces : le miscanthus, le switchgrass, la canne de Provence… », indique Sylvain Marsac, responsable du pôle Bioressources, agroéquipements & services environnementaux d’Arvalis. « Au-delà des contraintes agronomiques pour lesquelles des parallèles étroits peuvent être faits avec d’autres espèces étudiées, la question en France est avant tout réglementaire. Les plantes pérennes entrent dans la catégorie des cultures principales et sont donc plafonnées à 15 % dans les méthaniseurs par exemple. Il y a une emprise sur de la surface alimentaire et de potentiels facteurs de changement d’usage des sols. »

M.B.

Pour plus d’informations : www.silphie-france.fr
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Ici, un champ de silphie au 10 juillet. « Avec une coupe aux premières fleurs au 15 juin (seconde au 15 septembre), la silphie peut ainsi sécuriser le stock alimentaire avant les grosses chaleurs », explique Amédée Perrein de Silphie France (crédit photo Silphie France).
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« Je mise sur la silphie pour la production d’énergie, mais aussi pour le paillage et comme fourrage d’appoint », explique Jean-Luc Bernard agriculteur dans les Vosges (crédit photo Silphie France).