ESSAI VARIÉTÉS
Les prairies de fauche face à la sécheresse

S.B. et I.R.
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Un essai variétal de mélanges longue durée est mené depuis 5 ans dans le Jura. Un suivi riche d’enseignements.

Les prairies de fauche face à la sécheresse
Le mélange 1 a eu un rendement deux fois supérieur aux 3 autres bandes en 2020.

Le groupe de vulgarisation agricole de Champagnole-Salins dans le Jura souhaitait mettre en place un essai variétés de prairies pour pouvoir comparer différents mélanges, dont des mélanges de type suisses et des mélanges plus classiques. Anthony Brenot, agriculteur à Crotenay, s’est proposé pour mettre en place cet essai sur une de ses parcelles, avec un suivi technique de la chambre d’agriculture. Ce fut fait à l’automne 2015 et aujourd’hui nous disposons de 5 années de données relevées, avec la sixième en cours et probablement la dernière avant labour. Lors de la mise en place de l’essai, il n’était pas question d’adaptation au changement climatique. Mais les années 2018, 2019 et 2020 sont passées par là et le suivi de l’essai a permis de voir les mélanges qui résistaient le mieux au sec, surtout à Crotenay où le contexte pédoclimatique est très défavorable.

Des variétés plus résistantes au stress hydrique

Le mélange 1, qui était plutôt en retard les trois premières années en rendement, s’est rattrapé après le sec de 2018, affichant un rendement deux fois supérieur aux 3 autres bandes en 2020. Attention cependant à la proportion de trèfle violet : avec 10 % dans le mélange, on note une dominance de ce trèfle la première année. Dès 2019, on peut constater que c’est la seule bande où le trèfle blanc a résisté au sec. Pourtant les quatre mélanges contiennent 10 % de trèfle blanc. Ceci montre bien qu’il faut s’intéresser au choix des espèces mais aussi aux variétés ! À proportion égale, toutes les variétés ne se comportent pas de la même manière aux conditions de stress hydrique.

Choisir entre rendement et valeur alimentaire ?

Le mélange 1 a le mieux résisté au sec, ceci certainement du fait de sa composition avec des espèces bien adaptées comme la fétuque élevée et le dactyle. En revanche, il est décevant en digestibilité et en valeur UFL. Les trois autres mélanges sont beaucoup plus digestes et lactogènes, moins grossiers. Il semble qu’il faille choisir entre rendement et valeurs alimentaires. Pour Anthony Brenot, pas d’hésitation : c’est le rendement qui prime pour cette parcelle qui est son grenier à foin !

Le sursemis…

Ce qui est inquiétant dans l’observation de la flore des quatre bandes, c’est le développement de la mousse dans les trous. Ceci est assez caractéristique des prairies aujourd’hui, où la disparition des graminées laisse la place à diverses plantes ou, pire, à des trous ou de la mousse. Résultat du sec et d’un pâturage d’automne 2019 en conditions humides ? Les prairies sont soumises à rudes épreuves depuis quelques années : il va falloir être vigilant dans leur conduite et devoir regarnir quand cela est nécessaire.

Sylvie Bombrun, conseillère spécialisée prairies et pastoralisme à la Chambre d’agriculture du Jura

NOTEZ-LE / Les conditions d’implantation de l’essai

Parcelle

·     Surface d’environ 2 ha.

·     Type de sol : sain avec un peu de terre (labourable).

Utilisation de la parcelle

·     2 coupes (foin + regain) et pâturage à l’automne.

·     Fauche 1re coupe : environ vers le 20 mai (début juin au plus tard).

·     Fauche 2e coupe : 10 au 15 juillet.

Itinéraire technique

·     Précédent : orge en 2015, moissonné autour du 10 juillet.

·     1er déchaumage avec les disques vers le 15 juillet, suivi d’un 2e déchaumage (plus profond) au 3 août, après repousses.

·     Passage de herse - Pas de labour.

·     Semis vers le 1er septembre.

Protocole de suivi

·     Pesées des rendements en première et deuxième coupes (en vert).

·     Analyses des valeurs alimentaires des premières coupes (en vert).

·     Suivis de la flore/observations.

Exemple d’un essai variétés à Crotenay

Exemple d’un essai variétés à Crotenay
Témoignage / « Un compromis entre rendement et qualité »
« Je vais privilégier un mélange de variétés qui me donne du rendement… Si on arrive à faire du foin au 20 mai, c’est un bon compromis », estime Anthony Brenot.

Témoignage / « Un compromis entre rendement et qualité »

FOIN / Freiner les effets de la sécheresse sur ses prairies et s’adapter aux changements climatiques sont une nécessité pour Anthony Brenot, éleveur en lait à comté (323 000 litres) à Crotenay près de Champagnole dans le Jura.

La meilleure parcelle de l’exploitation est couverte de 15 cm de terre, avec un sous-sol sableux, ce qui rend le système fourrager très sensible aux aléas climatiques, qu’Antony Brenot subit de plein fouet.

« Avant, nous avions seulement une période de sec autour de juillet-août. Aujourd’hui la période s’est allongée, entre juin et septembre, avec même des passages délicats au printemps… », constate l’éleveur qui est obligé de donner du foin en complément du pâturage, non plus seulement en été mais pratiquement toute l’année. « Pour remédier à la sécheresse, je vais privilégier un mélange de variétés qui me donne du rendement. Si on arrive à faire du foin au 20 mai, c’est un bon compromis… Même s’il manque des espèces de plantes, on a quand même de la qualité. »

Réduire l’élevage des génisses

Les 99 ha de surfaces en herbe se répartissent à parts égales entre prairies permanentes et prairies temporaires. Les 6 ha de céréales (autoconsommées) permettent de faire une rotation pour réimplanter une prairie derrière.

Là aussi, tout est affaire de compromis. « J’essaie de faire durer les prairies temporaires 6 ans car j’ai plusieurs autres parcelles à améliorer. Partout où je peux labourer, je le ferai… Les prairies permanentes sont intéressantes aussi : elles sont devenues naturellement plus résistantes. »

L’éleveur réfléchit à une autre piste : adapter le nombre d’animaux à la capacité de production fourragère de l’exploitation. « Je travaille à la réduction de l’élevage de génisses en exportant depuis deux ans des génisses pleines, ce qui me fait moins d’animaux à élever. »

Quant aux vaches, elles ont trouvé une parade à la chaleur en venant se mettre à l’abri sous le bâtiment aux heures les plus chaudes. Le parcellaire entoure la stabulation qui reste accessible. « Cette thématique autour du changement climatique et de l’adaptation de nos exploitations est encore nouvelle. C’est bien de s’y pencher et que la Chambre d’agriculture travaille dessus », estime l’éleveur. Un programme spécifique intitulé RESYSTH, Résilience face au changement climatique en système herbager, a d’ailleurs été mis en place par les chambres d’agriculture dans les départements du Massif du Jura et de Bourgogne Franche-Comté.

I.R.

EN BREF / Le projet Resysth sur le Massif du Jura

Le projet Resysth (Résilience face au changement climatique en système herbager) est mis en place par les chambres d’agriculture du Massif du Jura (Ain, Doubs, Jura, Territoire de Belfort) et de la Chambre régionale d’agriculture Bourgogne-Franche-Comté. Il est réalisé en partenariat avec les filières et organismes de conseil agricole et les collectivités locales notamment. Ce dispositif vise à qualifier et quantifier les effets du changement climatique, partager ces résultats avec les acteurs du territoire et les impliquer dans la recherche de solutions puis identifier des pistes d’actions et les tester pour améliorer la résilience des systèmes.

Concrètement, ce travail sera mené en trois temps avec d’abord un partage ensemble des observations à partir d’indicateurs technico-économiques comme la pousse de l’herbe, la production de lait, les résultats de fermes de références ou le stress hydrique des sols, puis une projection sur les effets attendus et l’identification des pistes d’adaptation. Vient ensuite le temps d’élaborer une feuille de route collective pour le territoire ainsi que les feuilles de route individuelles pour les éleveurs puis d’établir ensuite une synthèse. À l’issue de ce programme, les enseignements tirés seront valorisés auprès de l’ensemble des agriculteurs du Massif du Jura, des conseillers agricoles, de l’enseignement agricole…

Radio prairies

Le groupe Herbe Franche-Comté a lancé début mars un rendez-vous hebdomadaire « Radio prairies » sur Internet. Retrouvez chaque semaine un petit podcast qui vous parle d'herbe, de pâturage et de prairies ! Les épisodes sont à découvrir sur la chaîne Youtube du Groupe herbe Franche-Comté, en tapant « Radio prairies ».