INTERVIEW
Jérémy Jallat : « La situation est grave »

La crise sanitaire a renforcé chez les citoyens la volonté de se mettre au vert. Un phénomène non sans conséquence pour les agriculteurs qui souhaitent monter au créneau pour défendre leur métier. Entretien avec Jérémy Jallat, vice-président de Jeunes agriculteurs Auvergne-Rhône-Alpes.

Jérémy Jallat : « La situation est grave »
Jérémy Jallat, vice-président de Jeunes agriculteurs Auvergne-Rhône-Alpes.

Quelle vision avez-vous de la cohabitation entre citoyens et agriculteurs ?

Jérémy Jallat : « La crise de la Covid-19 a complètement renforcé les problèmes de cohabitation déjà présents, mais de façon plutôt anecdotique. Désormais, nous avons affaire à des choses récurrentes depuis plus d’un an, qui s’aggravent sur tout le territoire Auvergne Rhône-Alpes, le Massif central et au-delà. Nous en sommes arrivés à un stade totalement incontrôlable avec des gens qui se croient chez eux partout, qui ne respectent absolument rien, ni l’herbe, ni les cultures, ni les forêts. Le problème est le même partout, et on le voit tous les jours sur les réseaux sociaux. »

Le besoin de « se mettre au vert » est-il compatible avec le monde agricole ?

J.J. : « Le problème réside dans le fait qu’il y a trop de monde dans nos territoires ruraux. Quand on se trouve dans la nature et qu’on n’a pas les codes pour savoir comment il faut se conduire, ça ne peut pas fonctionner. Aujourd’hui, je dirais que 90 % des gens font preuve de méconnaissance, mais comprennent quand on leur explique. En revanche, d'autres semblent répéter systématiquement les incivilités. Certains laissent des traces de leur pique-nique dans les parcelles, installent des campements au beau milieu des champs, font du vélo électrique dans les prairies, etc., et nous disent qu’ils ne savaient pas que c’était interdit. Pourtant, il arrive de voir certains d'entre eux recommencer un peu plus loin le week-end d’après ! Il y a une part d’hypocrisie. »

Quel est le profil de ce public indélicat ?

J.J. : « Aujourd’hui, on se rend compte que les gens responsables sont ceux qui paient pour venir passer leurs vacances dans les campagnes. Le problème identifié au niveau national, ce sont les citadins, qui viennent pour une journée, qui ne consomment rien sur le territoire, et qui n’en ont strictement rien à faire des agriculteurs. Mais quand on mangera chinois, ce sera trop tard ! Pour moi, aujourd’hui, la situation est grave. Je suis révolté. Durant un week-end, j’ai sorti plus de 200 personnes des champs de ma commune. Si ça continue comme cela, je vais porter plainte contre X. Quoi qu’il en soit, si nous n’avons pas, à court terme, de gardes champêtres dans les communes péri-urbaines, on ne pourra pas résoudre les conflits d’usage avec l’agriculture et la forêt. »

Que faudrait-il pour enrayer ce phénomène ?

J.J. : « Depuis plusieurs années, on met des pansements et on essaie de trouver des solutions. Des moyens de prévention sont mis en place, par des communautés de communes ou au sein du parc naturel régional du Vercors, l’un des plus visités de France par le biais de panneaux explicatifs. Cependant, il ne s’agit là que d’une partie de la solution qui ne résoudra pas tout. Il faut aussi que la loi aille beaucoup plus loin. Cela passera probablement dans un renforcement du Code rural du droit à la propriété pour défendre notre métier. »

Propos recueillis par Amandine Priolet