ÉCONOMIE
Le coût des matières premières : un frein dans la construction agricole ?

Le marché des matières premières est touché par une offre et une demande qui ont grimpé en flèche. Ce qui a un impact direct sur les constructions, notamment dans le monde agricole.

Le coût des matières premières : un frein dans la construction agricole ?
Philippe Lansard, président de la FFB Aura. Crédit : ©FFB Aura/Christophe Pouget.

« Hausse de 50 % sur l’acier, 25 % sur la tôle ou le bois » : les experts et les constructeurs ont souligné des hausses rapides, ces derniers mois, des matières premières nécessaires à la construction, et notamment dans le monde agricole. Le marché du bois était particulièrement dynamique, puisqu’avec la transition écologique, ce matériau avait le vent en poupe auprès des consommateurs. « Entre décembre 2020 et septembre 2021, l’acier a pris 75 % et le prix du bois a été multiplié par deux », confirme Philippe Lansard, président de la Fédération française du bâtiment Auvergne Rhône-Alpes, Un vrai problème pour les agriculteurs souhaitant se lancer dans la construction de bâtiments agricoles aujourd’hui. Sans compter les retards de livraison de chantier dus aux difficultés d’acheminement des matières premières. Les premières alertes sont tombées dès le mois de février 2020 : une tension mondiale croissante sur l’approvisionnement en matériaux était constatée par la Fédération française du bâtiment, « accompagnée d’une hausse progressive des prix depuis décembre 2020. Et ce n’est pas près de s’arrêter, selon Philippe Lansard. En 2022, les prix vont continuer d’augmenter, peut-être pas aussi fortement, mais ils ne vont certainement pas redescendre. » Une analyse partagée par les spécialistes du marché, notamment par Philippe Chalmin, économiste et spécialiste des matières premières, qui augure « d’un retour à la normale des prix, au mieux, à partir du second semestre 2022 ». Pour les plus pessimistes, le retour à la normale pourrait commencer à se faire sentir en 2023. Mais les données restent, à cette heure, bien trop fluctuantes pour une analyse ferme : « En termes de visibilité de sortie de crise, je préfère rester prudent, personne ne peut le prévoir aujourd’hui », souligne Philippe Lansard.

Une forte demande…

En Occitanie ou en Auvergne Rhône-Alpes, la situation est la même sur les prix. Si certaines régions, productrices de matière premières, peuvent échapper, en partie, à la hausse des prix puisque la logistique y aurait moins d’impact, les mêmes hausses se font sentir. « Pour comprendre la situation, il faut repartir du premier confinement en 2020 », explique Philippe Lansard. Un confinement qui a touché toutes les entreprises, certaines se retrouvant à l’arrêt ou en ralentissement, entraînant mécaniquement une baisse de la production des matières premières. Lors de la reprise économique, « la demande a été très forte aux États-Unis et en Chine : le temps de remettre en production les aciéries, la sidérurgie et tous les matériaux, un décalage s’est créé », selon le président de la FFB Aura. « Puisque la demande était plus forte que l’offre, les prix ont mécaniquement augmenté. » De plus, la Chine, premier pays sorti de la crise, a acheminé une grosse partie des matières premières pour répondre à sa forte demande intérieure. Forte demande qui a aussi mis en tension un domaine très important pour la livraison des matériaux : celui de la logistique. « Il y a eu des problèmes d’acheminement, notamment via les voies maritimes qui ont entraîné une hausse des prix de la logistique », puisque ces derniers ont aussi mis du temps à se remettre en route. Selon le président de la FFB Aura, ces prix ont aussi doublé, ce qui a donc fait monter les prix des matières premières.

… Des prix en hausse

Pour le bois, en plus de la crise de la Covid-19, un autre phénomène explique cette hausse soudaine : une guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis a obligé les États-Unis à se tourner vers l’Europe pour acheter du bois, faisant augmenter son prix, puisque les États-Unis sont très demandeurs de ce matériau. Enfin, troisième phénomène qui explique ces hausses de prix : le prix de l’énergie, qui a lui aussi augmenté (gaz, électricité, pétrole, etc.). « Pour produire une barre d’acier, par exemple, il faut de l’énergie », rappelle Philippe Lansard.  « Des hausses de prix aussi fortes ne peuvent pas durer, espère cependant le président de la FFB Aura. Il faut que le marché se régule. » Si les premières hausses de prix ont été absorbées par les artisans du bâtiment sur des devis déjà signés, les constructions qui se sont lancées plus tard dans l’année ont vu leur coût flamber. « Nous avons un deuxième impact auquel nous devons faire face : les délais d’approvisionnement », note enfin Philippe Lansard. Les délais de construction ont donc été allongés sur les dossiers déjà mis en route. Cependant, il se veut rassurant pour la suite : « Si nous avons eu une courbe exponentielle l’an dernier, elle s’affaisse et heureusement ».

Marion Ghibaudo