INTERVIEW
La piste de l’énergie solaire

Face à la flambée des coûts de l’énergie et du prix des intrants, produire de l’électricité sur son exploitation est un levier à étudier sérieusement. Le point avec Enzo Casnici, conseiller énergie environnement à la Chambre d’agriculture du Rhône.

La piste de l’énergie solaire
Face à la situation actuelle, tout le monde cherche à réaliser des économies et à gagner en autonomie. Le photovoltaïque est une piste. ©DR
ITW
Enzo Casnici, conseiller énergie environnement à la Chambre d’agriculture du Rhône. ©DR

En quoi le photovoltaïque peut-il être intéressant pour un agriculteur ?

Enzo Casnici : « Après la crise sanitaire et depuis le conflit russo-ukrainien, les prix de l’énergie ont flambé et ceux des matières premières atteignent des niveaux totalement inédits. Face à cette situation, tout le monde chercherait à réaliser des économies et à gagner en autonomie. Le photovoltaïque, qui a repris du souffle ces dernières années, est une piste. Même si les prix de rachat de l’électricité produite sont moins intéressants que dans les années 2010, une centrale photovoltaïque coûte environ cinq fois moins cher aujourd’hui. Si l’on compare le photovoltaïque à d’autres activités de diversification, on se rend compte qu’il est peu chronophage et les démarches sont assez simples. »

Quels types de projets conseillez-vous ?

E.C. : « Il en existe plusieurs, le plus simple étant d’installer une centrale sur la toiture d’un bâtiment, soit en vente totale, soit en autoconsommation avec vente du surplus. Cette dernière formule est par exemple adaptée à des exploitations qui font de la transformation. L’autoconsommation permet de réduire les factures d’électricité et la vente de surplus permet de valoriser ce qui n’est pas consommé sur l’exploitation. Autrement dit, dans ce type de projet, c’est la partie autoconsommée qui en fait l’intérêt. La vente du surplus représente un filet de sécurité mais il faut garder en tête que tout kWh produit mais non consommé est vendu à perte. »

Il existe plusieurs types de projets en autoconsommation…

E.C. : « En effet, le nouvel arrêté du 6 octobre 2021 étend les possibilités en matière d’autoconsommation. Les agriculteurs peuvent toujours envisager des installations de moins de 100 kWc. Avec un minimum de 20 kWc (seuil bas de rentabilité), pour lequel le coût de raccordement est très faible. Le nouvel arrêté ne modifie pas grand-chose de ce côté-là : les tarifs de rachat n’ont pas été réévalués à la hausse, et pour être économiquement intéressantes, ces centrales doivent toujours être optimisées en termes de production. Leur faisabilité et leur intérêt restent bien-sûr à étudier. Pour rappel, l’arrêté prévoit pour les installations de puissance inférieure ou égale à 100 kWc un prix d’achat fixé à 6 c€/kWh pour la vente du surplus. Pour la vente totale, autre solution de valorisation, le tarif pour les premières 1 600 h de production annuelle est de 11,15 c€/kWh pour une centrale de puissance comprise entre 9 et 36 kWc et de 9,69 c€/kWh pour une centrale entre 36 kWc et 100 kWc puis, ensuite, à 5 c€/kWh. »

Quelle est la plus-value de cet arrêté ?

E.C. : « La réelle plus-value de l’arrêté du 6 octobre 2021 réside dans le fait qu’il encourage les projets de grandes centrales (entre 100 et 500 kWc). Les démarches se trouvent simplifiées (plus besoin de passer par un appel d’offres pour obtenir un tarif de rachat). De plus, les nouvelles conditions de rachat pour ces installations supérieures à 100 kWc sont intéressantes économiquement, Avec 10,03 c€/kWh pour les premières 1 100 h (ou kWh/kWc) de production annuelle, puis 4 c€/kWh. Et la grande nouveauté, c’est que ce tarif s’applique pour la vente totale et le surplus des contrats en autoconsommation ! À noter que la bride à 1 100 h permet tout de même un projet économiquement intéressant. L’autoconsommation grande puissance1 se fait en plus des 1 100 h. Peu d’énergie devrait être vendue à 4 ct€ sous nos latitudes du fait d’un productible moyen de 1 200 h avec une orientation plein Sud. Il n’y a en revanche pas de prime à l’autoconsommation pour ces centrales. Une étude menée par les Cerfrance Rhône et Lyon, Loire et les Chambres d’agriculture a par ailleurs révélé tout l’intérêt de viser l’installation d’une centrale supérieure à 100 kWc. De plus, les banques ont actuellement confiance dans les investissements photovoltaïques si la santé de l’exploitation est bonne. Autre nouveauté, il sera possible de passer de « vente totale » à « autoconsommation avec vente de surplus » et inversement si souhaité. »

Comment faire pour se lancer ?

E.C. : « Il faut se pencher sérieusement sur la question car le tarif est avantageux pour les grandes centrales, et l’autoconsommation est plus pertinente au vu de la conjoncture énergétique. Mais attention, ce n’est pas une raison pour signer avec le premier venu ! L’investissement, particulièrement sur les grandes centrales, est conséquent et il s’agit d’un engagement sur vingt à trente ans. Pour tout projet, il faut consacrer du temps dans la conception et la sélection de son installateur. La Chambre d’agriculture organise différentes formations sur le sujet, ainsi que des prestations d’aide à la décision, notamment pour l’autoconsommation. Sans oublier le guide du photovoltaïque qui est une bonne référence. »

Propos recueillis par Emmanuelle Perrussel

1. à condition d’avoir un compteur de consommation de pw équivalente

Contact : Enzo Casnici, conseiller énergie : [email protected] ou 06 30 03 79 27.
Image si besoin

EN BREF / Repères

  • Exceptionnellement, et pour toutes les tranches de puissance, le tarif de rachat a progressé de 0,2 ct€ / kWh au 1er mai.
  • Le compteur de consommation de l’exploitation doit être indexé sur la puissance de la centrale dans les cas d’autoconsommation avec vente de surplus. Par exemple : le compteur d’une centrale de 200 kWc doit être de 200 kVA, soit un « tarif jaune » ou tarif C4.