ÉLEVAGE
Une molécule pour réduire l’émission de méthane

I.L.
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L’université de Penn State (États-Unis) a publié un nouvel article sur les réductions d’émissions de méthane observées suite à des ajouts de 3-NOP dans la ration. Mais cette molécule n’est « pas une solution magique », prévient un chercheur de l’Inrae. L’institut travaille sur de nombreuses autres pistes pour atténuer les émissions de gaz à effets de serre.

Une molécule pour réduire l’émission de méthane
Une étude publiée en juillet dernier dans la revue Dairy Science a montré des réductions de 40 % des émissions de méthane des troupeaux laitiers à partir de 100 mg de 3-NOP par kg de ration.

Elle s’appelle 3-nitrooxypropanol (3-NOP) : si le nom semble barbare, cette molécule reçoit depuis plusieurs années une grande attention de la part des scientifiques. Et pour cause : elle est capable de réduire les émissions de méthane du bétail lorsqu’elle est ajoutée dans la ration.

Une première étude menée par Alexander Hristov a montré dès 2015 que l’ajout de 40 à 80 mg/kg de ration permettait de réduire les émissions de méthane de 30 %. Une nouvelle étude, publiée par le même auteur en juillet 2020 dans la revue Dairy Science est même allée plus loin en montrant des réductions de 40 % des émissions des troupeaux laitiers à partir de 100 mg/kg de ration.

En tout, une trentaine de publications seraient parues depuis les premières études aux États-Unis, mais également aux Pays-Bas, en Belgique et en France. Comme celle de Hristov en 2015, la plupart ont reçu l’aide de l’entreprise néerlandaise de nutrition animale DSM, qui a développé la molécule. Les résultats scientifiques sont ainsi venus appuyer la demande d’AMM déposée en juillet 2019 par l’entreprise, avec l’espoir de pouvoir le commercialiser dès la fin 2020.

Pas de solution miracle

« C’est une technique qui marche très bien », constate Diego Morgavi, chercheur au sein de l’Inrae. Comme de nombreux autres laboratoires qui se penchent sur ces questions, son équipe a testé elle aussi le produit, sans avoir publié pour l’heure ses résultats. Mais le 3-NOP « n’est pas une solution magique », estime toutefois le chercheur.

Première limite : son effet sur les émissions d’autres gaz à effet de serre. Car si le 3-NOP inhibe le méthane, il entraîne une production plus élevée d’hydrogène. Un gaz qui possède lui aussi un pouvoir de réchauffement. Diego Morgavi travaille donc actuellement sur ces aspects, « pour essayer de capturer tout le dihydrogène et qu’il soit utilisable par l’animal en modulant le microbiote ou en modifiant la ration », explique le chercheur. Autre principal obstacle : son effet limité dans le temps ; en cas d’arrêt d’ajout du produit dans la ration, les effets s’estompent. Or, l’amélioration génétique, ou la modification du microbiote des bovins pourraient garantir des effets à plus long terme. « Nous explorons actuellement la modification du rumen dès la naissance de l’animal, en favorisant et en inhibant certains micro-organismes », confie Diego Morgavi. Les effets de réductions seraient moindres, de l’ordre de 10 %, mais leur durabilité contrebalancerait les résultats spectaculaires du 3-NOP.

Reculer pour mieux sauter

Par ailleurs, d’autres solutions existent, comme l’adjonction de lipides dans la ration. Ou, plus controversé, l’ajout de certaines plantes, comme dans l’expérimentation annoncée récemment par Burger King avec la citronnelle. « À très court terme, le surcoût de ces techniques sera payé par les entreprises », prévoit Diego Morgavi.

Les coopératives, mais également les industriels du lait pourraient être tentés d’encourager ces réductions d’émissions de méthane par des aides ou des premiums, sous un modèle déjà exploré par Bleu blanc coeur. Mais les divers additifs et produits ne doivent cependant pas ralentir la transition en cours dans le secteur de l’élevage, à la recherche d’un modèle véritablement neuf sur les plans économiques et techniques, prévient le chercheur. « Il faut aller vers des productions plus durables, c’est-à-dire produire un peu moins, mais beaucoup mieux », encourage Diego Morgavi.

I.L.