PPAM
La Garrigue : une distillerie "conçue pour l’agriculture"

Installé à Lagorce, Thomas Raoux cultive 10 hectares de Ppam et a investi dans une distillerie de nouvelle génération. Elle lui permet de distiller 2,5 à 15 m3 de plantes, sans perte en termes de qualité et rendement d’huile, et de réduire ses coûts.

La Garrigue : une distillerie "conçue pour l’agriculture"
Thomas Raoux est installé en Gaec avec son père Thierry, arboriculteur à Aubenas.

Diplômé d’un BPREA, Thomas Raoux souhaitait cultiver des oliviers sur une ferme familiale à Lagorce. Tout était prêt, formation et dossier finalisés, mais le visionnage d’un reportage sur l’hélichryse appelé aussi Immortelle - sous-arbrisseau vivace à feuillage persistant d’origine méditerranéenne qui dégage une forte odeur de curry - le pousse à se réorienter en production de Ppam et en distillation. « J’ai tout abandonné et effectué des stages à Mévouillon dans la Drôme et au Crieppam1 à Manosque », retrace le jeune producteur. En 2016, il s’installe en Gaec avec son père Thierry, arboriculteur à Aubenas, et se lance dans les Ppam en montant la société commerciale La Garrigue. « On a acheté 8 000 m2 d’Immortelle, que l’on a vendu avant même de les avoir planté. »

Aujourd’hui, il possède 120 hectares de bois sur la Terre du Charnier, entre le Gour de la Sompe, la cascade de Rochecolombe et le hameau des Salelles à Saint-Maurice d’Ibie. Il y a remis en culture 10 ha où poussent des variétés de thym, romarin, sauge officinale, menthe poivrée, lavande aspic et lavande maillette, immortelle, bois de cade… « Et dans l’avenir du genévrier commun - branche et baie - et du cèdre ! » Cette année, il effectue un essai de plantation de thym géraniol, « une plante native des Alpes, rare en culture, qui donne une huile essentielle précieuse. Nous verrons ce qu’elle donne car nous ne sommes pas en altitude ici. » Il souhaite également s’associer avec des cueilleurs de bruyère blanche des Cévennes, typique du territoire et recherché par les laboratoires pharmaceutiques, mais il ne trouve personne pour le moment.

Fort de sols calcaires peu actifs et d’un climat « sec et chaud » à Lagorce, la plupart de ces plantes y poussent très bien. « Le thym pousse partout, l’Immortelle fleurit bien, la menthe poivrée est plus capricieuse, elle réclame un binage rigoureux, ce qui n’est pas facile ici car il y a beaucoup de pierres. »

Cultures
La Garrigue produit des variétés de thym, romarin, sauge officinale, menthe poivrée, lavande aspic et lavande maillette, immortelle et bois de cade.

Un outil mieux adapté au marché des Ppam

Jusqu’en 2022, il rejoignait la vallée du Rhône et la Drôme provençale pour trouver des distillateurs adaptés à ses objectifs de production, vendue principalement à des grossistes et laboratoires pharmaceutiques, avant de faire volte-face. « Il existe de petites et de grandes distilleries mais pas vraiment d’outils adaptés aux moyens volumes de production comme on en trouve souvent en Ardèche », explique le producteur, qui enregistre moitié moins de commandes depuis le début de la guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie. « Mon objectif était de ne plus être tributaire de la fluctuation des marchés, et des volumes demandés par les distilleries. »

Il se recentre alors sur un schéma d’exploitation qui répond mieux à la demande du marché et investit dans un outil de distillation. Une distillerie « conçue pour l’agriculture », précise Thomas Raoux. « Souvent les distillateurs sont considérés davantage comme des industriels que des agriculteurs. Nous voulions rester à taille humaine, dialoguer avec nos clients, nous concentrer sur l’agriculture en ouvrant notre distillerie à de gros, moyens ou petits volumes de plantes, à des producteurs qui souhaitent créer des huiles plus particulières que ce qu’ils font jusqu’ici, qui souhaitent se diversifier, à des cueilleurs aussi. »

De dernière génération, sa distillerie a été conçue par le constructeur EEB situé à Salindres (Gard). Coût d’investissement : 300 000 € dont 100 000 € d’aides Feader. Entièrement démontable et transportable, elle fonctionne avec des caissons de 15 m3 ou 2,5 m3. Le plus petit caisson étant un prototype, il permet de distiller de petits volumes de plantes (300 kg), « ce qui est intéressant quand on travaille sur des huiles rares ou que l’on fait des tests. On peut y distiller toutes les plantes », précise Thomas Raoux. « Le caisson de 15 m3 correspond plus aux besoins de la production ardéchoise. »

Caisson
Le caisson de 2,5 m3 permet de distiller de petits volumes de plantes (300kg).

Un système économe en eau et en gaz

Accompagnée d’une chaudière modulable, la distillation par caissons de différentes tailles permet aussi d’adapter la consommation d’eau et de gaz. « Cet outil permet d’imaginer une distillation plus accessible financièrement pour les moyens et petits volumes de plantes, en sachant que l’on peut récupérer l’ensemble de son huile essentielle, hydrolat et eau utilisée », ajoute Thomas Raoux. « On dispose aussi d’un outil de recyclage de l’eau de refroidissement qui peut être réutilisée pour d’autres distillations. Il n’y a pratiquement pas de perte. » Une formule économe qui lui permet de réduire ses coûts de distillation. « En tant que prestataire nous facturons uniquement la vapeur, nos devis proposent une fourchette de prix, car tout dépend de la plante et de son temps de distillation. »  

Prochainement, il recevra à l’essai le prototype d’un recycleur d’eau florale du constructeur EEB, adapté aux deux tailles de caisson. « Cela existe pour la distillation en vase mais pas encore pour celle en caisson. Cela pourrait être intéressant sur des plantes qui donnent peu d’huile essentielle comme l, la mélisse ou la rose », explique Thomas Raoux.

Sa distillerie est implantée au cœur de son domaine forestier à Lagorce. « Nous avons fait le choix de l’installer ici, au plus près des cultures, pour optimiser la qualité de distillation car nous souhaitons travailler sur des niches d’huiles essentielles. »

La campagne de récolte a débuté mi-mai et s’étalera jusqu’à mi-juin avant de reprendre en août pour la lavande aspic. « Elle doit être faite au stade optimal, en feuille, fleur ou bois selon les molécules que recherche le producteur », explique Thomas Raoux. Elle doit aussi précéder rapidement la phase de distillation. « Après récolte, il faut vite tasser les plantes dans les caissons transportables en champ sinon lors de la distillation des cheminées pourraient se former avec la vapeur. »

A.L.

1. Centre régionalisé interprofessionnel d'expérimentation en plantes à parfum aromatiques et médicinales.

MARQUE / « Soleil ardéchois » et « Ard’Essence »

MARQUE / « Soleil ardéchois » et « Ard’Essence »

La Garrigue produit en AB des huiles essentielles, hydrolats et eaux de parfum, étiquetés « Soleil ardéchois » ou « Ard’Essence ». « Nous travaillons aussi avec des producteurs marocains et burkinabés en commerce équitable, pour proposer des beurres de karité et bientôt de l’huile d’argan, de figue de Barbarie, de citron et d’orange », ajoute Thomas Raoux. Ses produits sont vendus en direct sur des marchés à thème, en magasins de producteurs et magasins bio spécialisés, à des laboratoires pharmaceutiques et prochainement en supermarchés et par Internet (site en construction).