MONTS D’ARDÈCHE
Parasitisme : le rôle clé d’une gestion raisonnée

La gestion du parasitisme des élevages est complexe et difficile à mener mais elle joue un rôle déterminant dans tous les systèmes herbagés. Différentes pratiques peuvent être associées pour limiter le risque et améliorer l’immunité des troupeaux. Focus sur les pratiques des éleveurs des Monts d’Ardèche.

Parasitisme : le rôle clé d’une gestion raisonnée
Dans les Monts d’Ardèche, la quasi-totalité des éleveurs interrogés utilisent des traitements pharmaceutiques pour lutter contre le parasitisme de leur troupeau, plus fréquemment contre les parasites internes qu’externes en ovin et caprin.

En Ardèche, les infestations parasitaires des élevages sont le plus souvent bénignes, souvent liées au pâturage. La Chambre d’agriculture et le Groupement de défense sanitaire (GDS) sensibilisent régulièrement les éleveurs sur les bonnes pratiques à adopter pour gérer cette problématique. Dans le cadre du plan pastoral du Parc naturel régional (PNR) des Monts d’Ardèche, ils ont aussi accompagné des étudiants de de VetAgro Sup (Clermont-Ferrand) sur une étude des pratiques des élevages pastoraux des Monts d’Ardèche. Mise en place à l’initiative du Conservatoire Rhône-Alpes des espaces naturels, cette étude visait également à savoir si leurs pratiques étaient impactantes ou non pour les milieux.

Sur ce secteur géographique, les élevages comptent de très nombreuses surfaces allouées au pâturage (environ 85% de leur superficie). Un véritable petit paradis pour les parasites ! Via un questionnaire adressé à 54 élevages ovins, bovins et caprins, les étudiants ont recensé de nombreuses informations utiles. Une grande majorité de ces élevages ardéchois rencontrent des difficultés, plus fréquemment en élevage ovin. Nombre d’entre eux indiquent être touchés par les deux types de parasitisme animal (voir ci-contre), avec une prédominance pour le parasitisme interne. Les strongles digestifs touchent tous les types d’élevage. Les parasites les plus présents sont les coccidies et la petite douve en ovin ; les strongles respiratoires, le paramphistome et la petite douve en caprin ; et le paramphistome et la grande douve en bovin.

Zoom sur les traitements pharmaceutiques

Dans les Monts d’Ardèche, la quasi-totalité des éleveurs interrogés utilisent des traitements pharmaceutiques pour lutter contre le parasitisme de leur troupeau, plus fréquemment contre les parasites internes qu’externes, excepté en bovin où la lutte est globalement équivalente. Les élevages ovins et caprins semblent en effet davantage touchés par les parasites internes. Le nombre de traitements annuels est très variable en fonction des élevages. Ils peuvent être nul ou réalisés jusqu’à trois fois par an. Les produits utilisés et les modes d’injection varient eux-aussi. L’Eprinex, le Butox et l’Ivomec, distribués par voie externe, sont principalement employés par les éleveurs, ainsi que le Valbazen administré par voie orale. 

Les stratégies de traitements diffèrent selon les exploitations, mais les traitements globaux sur lots ou sur troupeaux entiers semblent privilégiés. Les élevages caprins se démarquent avec un nombre de traitements préventifs supérieur aux autres filières animales. Les traitements sur lot ou troupeaux impliquent souvent un calcul de dose à partir du poids du plus gros individu afin d’éviter le sous dosage. Selon cet échantillon d’étude, 1 éleveur sur 2 interrogés réalise un diagnostic de son troupeau (coprologie, sérologie, autopsie) avant de procéder aux traitements pharmaceutiques ou demande conseil à son vétérinaire. 

« Cette stratégie de traitements généralisés du troupeau à une date régulière et fixe n’est plus conseillée depuis plusieurs années », rappelle Gaëlle Grivel, animatrice et accompagnatrice de projets pastoralisme et conseillère spécialisée en production ovine à la Chambre d’agriculture. « Aujourd’hui, il est conseillé de sélectionner et cibler les animaux qui sont fortement infectés pour effectuer un traitement. Cela permet de garantir l’efficacité du traitement et d’éviter l’apparition de résistance des parasites qui se développe avec des traitements à répétition sur des animaux qui n’en ont pas forcément besoin, de réduire les coûts liés au traitement et de limiter les résidus dans l’environnement. Ces traitements ciblés sélectifs permettent aussi de favoriser le développement de l’immunité des animaux face à certains parasites du pâturage », ajoute Margot Brie, coordinatrice des actions techniques au GDS 07 (voir ci-contre).

Des pratiques d’élevage au service de la lutte contre le parasitisme

Pour prévenir le risque de parasitisme et réduire l’utilisation de produits pharmaceutiques, certaines pratiques d’élevage sont à privilégier. Un premier niveau d’action consiste à développer la résistance des animaux aux parasites. Bien qu’utilisées chez seulement la moitié des éleveurs interrogés, les conduites d’élevage favorisant cette résistance sont variées et relativement accessibles : mise en place d’une alimentation enrichie en tanins ou en oligoéléments, utilisation de médecines alternatives, gestion raisonnée du pâturage, sélection génétique... L’alimentation est le principal levier qu'utilisent les éleveurs interrogés mais la gestion du pâturage s’avère primordiale dans les types d’élevage étudiés face à la diversité des parasites présents dans les pâtures ! En tant que mesure préventive, la rotation du pâturage apparaît comme le meilleur frein au développement du parasitisme. L’inter-parcellaire est privilégié par les éleveurs, du fait de son efficacité et de la facilité de sa mise en place. À l’inverse, la méthode fil avant-arrière, bien que performante dans le cadre de la gestion du parasitisme, est peu utilisée du fait des contraintes logistiques qu’elle implique. 

Cependant, l’efficacité du pâturage tournant dans la lutte contre le parasitisme est évidemment à relier avec le temps de séjour des animaux sur une même parcelle : la charge parasitaire est positivement liée au temps de séjour. 40% des éleveurs enquêtés changent leurs animaux de pâture avant 3 semaines de présence (temps maximal conseillé) et le même pourcentage d’éleveurs effectuent des rotations de parcelles sous 7 jours. Les éleveurs caprins apparaissent comme les bons élèves en la matière : près de la moitié d’entre eux laissent leurs chèvres moins de 7 jours sur une même zone de pâture. Les ovins et bovins privilégient des temps de séjour de 1 à 3 semaines en moyenne. De même, le délai de retour est primordial et doit être d’au minimum 3 semaines. Ce laps de temps est d’ores et déjà respecté par 69% des exploitations interrogées. Attention toutefois à chacun d’adapter ses pratiques : la gestion du pâturage est dépendante d’un grand nombre de variables (chargement, taille des parcelles, vitesse de repousse de l’herbe, etc.). Le déprimage précoce, le cloisonnement des zones humides et le pâturage mixte sont également à privilégier. Quant aux médecines alternatives telles que l’aromathérapie, la phytothérapie et l’homéopathie, elles sont pratiquées par 43% des éleveurs interrogés. 

A.L. avec les étudiants de VetAgro Sup : Mathilde Abrahamse, Mathilde Chazalet, Xabi Etchart et Lucie Oger

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Entre parasites internes et externes, la lutte est globalement équivalente en bovin.
À RETENIR /
Une vue de paramphistomes dans un rumen.

À RETENIR /

Qu’est-ce qu’un parasite ? 

Un parasite est un organisme animal ou végétal vivant aux dépens d’un hôte, sans en affecter ses fonctions vitales. Il existe une très grande diversité de parasites en élevage. Deux types de parasite animal se distinguent : l’endoparasite qui vit à l’intérieur de l’hôte (douves, strongles pulmonaires…) et l’ectoparasite qui vit quant à lui à l’extérieur (poux, tiques…). Ces parasites se nourrissent de leur hôte de façon permanente ou pendant une période de leur cycle de développement. Qu’il s’agisse d’un parasite intérieur ou extérieur à l’hôte, il mettra en danger la santé de l’animal et perturbera ses performances : amaigrissement, baisse de la production laitière, toux, poils ternes… 

Attention aux traitements pharmaceutiques généralisés !

Différents leviers d’action s’offrent aux éleveurs pour gérer le parasitisme de leur troupeau. Le plus connu et le plus simple d’utilisation est l’administration de produits antiparasitaires. Cette pratique, aussi efficace soit-elle, n'est malheureusement pas un remède miracle. Une utilisation abusive et non raisonnée peut avoir de lourdes conséquences, que ce soit à l’échelle de l’animal, des souches parasitaires ou de l’environnement. Ces traitements limitent en effet le développement de l’immunité du bétail, et peuvent favoriser l’apparition de résistances aux produits vétérinaires. Ils sont aussi hautement toxiques pour la faune coprophage et la fertilité du sol, et donc défavorables aux rendements des prairies. Une conséquence loin d’être anodine pour les éleveurs ! Les changements de pratiques, en particulier sur la conduite du traitement antiparasitaire et l’association des modes de lutte, pourraient leur apporter de multiples bénéfices.

Comment associer les moyens de lutte ?

  • Changer de molécule de traitement antiparasitaire chaque année et pas uniquement de marque commerciale !
  • Traiter après avoir réalisé un diagnostic de son troupeau (coprologie, sérologie, autopsie) plutôt que systématiquement.
  • Réfléchir la gestion du pâturage en fonction du risque parasitaire.
  • Favoriser le développement de l’immunité des animaux par l’alimentation, le pâturage, la sélection et les médecines alternatives.
Des traitements « ciblés sélectifs » pour limiter la résistance des parasites
Margot Brie, coordinatrice des actions techniques au Groupement de défense sanitaire de l’Ardèche.

Des traitements « ciblés sélectifs » pour limiter la résistance des parasites

QUESTIONS À / Margot Brie, coordinatrice des actions techniques au Groupement de défense sanitaire (GDS) de l’Ardèche, évoque les moyens de lutte contre le parasitisme.

Quels sont les principaux enjeux aujourd’hui en matière de parasitisme animal ?

Margot Brie : « On observe aujourd’hui de plus en plus de parasites résistants aux molécules des traitements antiparasitaires. Cette situation s’est développée au fil du temps avec des systèmes de gestion qui consistaient bien souvent à traiter tous les animaux de façon généralisée et avec la même molécule lors de leur entrée en bâtiment et/ou pendant la mise à l’herbe, sans connaître précisément le niveau d’infestation parasitaire des animaux. Une même molécule utilisée durant plusieurs années finit par ne plus être efficace sur le parasitisme des animaux. Il faut absolument raisonner autrement son système de traitement et alterner les molécules car la résistance des parasites est assez importante aujourd’hui. Une thèse vétérinaire menée actuellement avec des éleveurs ardéchois et drômois révèle que parmi les 7 molécules antiparasitaires utilisées, 3 à 4 n’ont plus d’efficacité actuellement. Les strongles digestifs sont devenus particulièrement résistantes. Cela pose des soucis de santé et de bien-être pour les animaux, de coûts importants pour les éleveurs et de résidus de traitements pour l’écosystème. »

Que conseillez-vous aux éleveurs pour limiter cette résistance des parasites ?

M.B. : « La résistance des parasites se développe beaucoup plus vite que la création et la mise en marché de nouvelles molécules. Il est important de veiller à préserver l’efficacité des molécules qui fonctionnent encore. Pour cela, nous conseillons aux éleveurs d’effectuer un traitement ciblé sélectif c’est-à-dire chercher à connaître le niveau d’intensité parasitaire de leurs animaux et cibler les traitements sur ceux qui en ont le plus besoin. Pour gérer cette sélection et quel que soit le type d’élevage, ils peuvent utilisés des analyses coprologiques en mélange pour obtenir un échantillon homogène (10 pour 40 animaux par exemple) ou en individuel si certains individus présentent des signes significatifs. Ces analyses doivent toujours être utilisées dans le contexte du système de traitement mis en place par l’éleveur, en lien avec le vétérinaire. Le GDS préconise de réaliser au moins 2 à 3 analyses / an : une 1ère entre un et trois mois après la sortie au pâturage voire une 2e durant la saison de pâture selon l’état des animaux, et une dernière analyse un mois après l’entrée en bâtiment. Pour rappel, le GDS de l’Ardèche prend en charge le coût de 2 analyses coprologiques par an par exploitation1. D’autres outils peuvent leur être utiles pour cibler les animaux les plus parasités, comme la note d’état corporel (NEC). La méthode Famacha en élevage caprin permet aussi de détecter le parasite Haemonchus contortus, mais seulement celui-ci.

Et sur la conduite globale du parasitisme ?

M.B. : « Les éleveurs peuvent agir sur la gestion du pâturage avec du pâturage mixte entre bovins et ovins par exemple puisqu’ils ne pâturent pas la même hauteur d’herbe, privilégier la rotation de pâture et veiller à ne pas faire de surpâturage. La gestion de l’eau a des répercussions également : les zones d’abreuvement non aménagées et les zones de piétinement où se trouve de l’eau accentuent le développement de certains parasites comme la grande douve et le paramphistome qui ont comme hôte intermédiaire la limnée tronquée qui se développe proche des points d’eau. Au moment du passage à l’herbe, une bonne transition alimentaire est aussi nécessaire pour favoriser l’immunité du troupeau. 

Le parasitisme est une grande thématique d’élevage, avec de forts enjeux, dans laquelle figurent de grandes lignes de conseils techniques tant sur les molécules antiparasitaires que les conduites de pâture à suivre, mais les meilleures solutions seront toujours obtenues en réfléchissant au cas par cas, en connaissance de cause et en lien avec le vétérinaire sanitaire de l’exploitation et le GDS. »

Propos recueillis par A.L.

1. Une analyse coprologique coûte en moyenne une dizaine d’euros.