INTERVIEW
« La FNPL va saisir le médiateur des relations commerciales »

Le président de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), Thierry Roquefeuil, annonce son intention de saisir le médiateur des relations agricoles et de la coopération agricole pour éclairer les dysfonctionnements dans l’application d’Egalim 2.

« La FNPL va saisir le médiateur des relations commerciales »
Thierry Roquefeuil, président de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). ©Actuagri

Quelles ont été les conséquences de la sécheresse de l’été sur la disponibilité en fourrages et sur la production laitière ?

Thierry Roquefeuil : « L’événement marquant cette année, c’est l’amplitude du phénomène dans le temps et l’espace. Dans mon département (le Lot, ndlr), ce type de situation en été est devenu courant ces dernières années. Mais c’est la première fois que l’on observe une telle météo aussi longtemps et à l’échelle de tout le pays. Dans les années sèches comme 2003, on pouvait mettre en place des échanges entre les départements affectés et ceux qui ne l’étaient pas. C’est impossible aujourd’hui, et il va falloir acheter un fourrage devenu rare et cher. Quant au rendement laitier, il est en baisse d’environ 4 litres / jour. Sur le long terme, il va être intéressant d’observer dans quelle mesure les éleveurs bénéficiant de bâtiments ventilés ont mieux résisté. Nous allons regarder avec l’Institut de l’élevage s’il y a des leçons à en tirer et si un plan de modernisation serait pertinent pour la filière. »

La hausse des prix du lait enregistrée ces derniers mois compense-t-elle celle des coûts de production en France ?

T.R. : « Non, bien sûr. On constate toujours un écart de 60 à 80 € en moins en France par rapport à la moyenne européenne. Or, lors de la dernière réunion du bureau de la FNPL le 22 août, nous avons constaté une hausse des prix de tous les intrants, matériels et services avec des factures d’engrais qui ont notamment été multipliées par deux. Une évolution sans commune mesure avec les + 4 à + 6 % des produits laitiers au consommateur et sans comparaison avec les hausses constatées dans les autres pays européens. Le problème, c’est que l’on a d’un côté un ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire qui défend la loi Egalim, et de l’autre un ministre de l’Économie et des Finances qui défend la grande distribution au nom de la lutte contre l’inflation. Comme nos produits sont parmi les plus visibles en magasin, c’est sur eux que se joue la concurrence, au détriment des producteurs. »

Vous avez pointé en juillet la responsabilité de la grande distribution. Envisagez-vous des actions à la rentrée ?

T.R. : « Quelques actions de sensibilisation ont été menées cet été dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) pour sensibiliser au prix du lait. Chez plusieurs de nos voisins, la brique de lait est passée de 0,99 à 1,05 € en un mois. Il faut une évolution comparable en France à la rentrée. Je réunirai mes équipes la première semaine de septembre, et on verra si la distribution a réagi. Dans le cas contraire, et si on reste à des tarifs de 0,70 ou 0,72 €, on passera à l’action. Nous avons joué le jeu d’une loi en faveur d’une juste rémunération des producteurs, Egalim2. Elle doit fonctionner et ce n’est pas le cas aujourd’hui. »

Envisagez-vous des recours en justice sur l’application de la loi ?

T.R. : « Oui, nous avons décidé de saisir le médiateur des relations commerciales agricoles, mais aussi le médiateur de la coopération agricole via le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire pour savoir si la loi est respectée et si elle ne l’est pas, par qui et pourquoi. Le problème, c’est que les contrats tiennent compte de la matière première agricole mais aussi des coûts industriels. Pour la matière première agricole, il existe un cadre précis sur le juste retour aux producteurs. Mais les coûts industriels ne relèvent pas de la loi. Certains industriels se sont peut-être servi de l’évolution des prix du lait pour rémunérer prioritairement leurs coûts industriels, de main-d’œuvre ou d’énergie, mais pas les producteurs. Ce n’est pas l’esprit de la loi. Nous voulons savoir si elle est appliquée et si le cadre répond à la réalité des négociations et au contexte d’inflation. Dans d’autres pays, l’augmentation des charges a provoqué une augmentation mécanique des prix mais pas en France, nous voudrions savoir pourquoi. »

Visez-vous particulièrement une entreprise qui ne respecterait pas l’esprit de la loi Egalim ?

T.R. :  « Oui, nous mettons en particulier en cause le comportement de la coopérative Sodiaal, qui a dénoncé ses formules de prix au bénéfice d’un prix « politique ». Nous allons demander si la loi lui permet de déroger à la prise en compte des coûts de production. Cela permettra aussi de savoir si les clients de Sodiaal ont une part de responsabilité. Au-delà de ce cas, il reste navrant de voir que des producteurs de lait vont abandonner cette production alors même que les produits laitiers représentent 4 milliards d’euros d’excédent dans la balance commerciale française. »

Actuagri