FRANCE
Convention citoyenne : fébrilité à quelques mois du projet de loi

I. L.
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TRANSITION ÉCOLOGIQUE / Officiellement clôturée fin juin avec la huitième session, la Convention citoyenne affine désormais ses propositions avec l’aide de l’administration en vue de présenter un projet de loi à l’Assemblée en janvier. Une première réunion sur l’agriculture s’est tenue au ministère de la Transition écologique, avec les professionnels, qui laisse apparaître de la fébrilité chez l’ensemble des interlocuteurs.

Convention citoyenne : fébrilité à quelques mois du projet de loi
Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique.

Comment honorer une promesse d’appliquer « sans filtre » 146 mesures favorables au climat sans s’aliéner l’ensemble des secteurs économiques, le tout dans un contexte de crise ? Voilà le dilemme auquel est confronté le gouvernement depuis la remise des propositions finalisées des citoyens à Emmanuel Macron le 29 juin. Car les travaux de la Convention, salués par les associations, ont été accueillis de manière plus fraîche par les professionnels concernés. Dans le secteur agroalimentaire, par exemple, des propositions comme la suppression immédiate de tous les produits classés CMR ou l’augmentation de la taxe sur les activités polluantes des engrais (TGAP) ne manquent pas de faire réagir les chambres et le syndicat majoritaire. Tenu par l’engagement présidentiel, c’est au ministère de la Transition écologique qu’il revient d’organiser la périlleuse application de ces propositions. Avec en main les premiers éléments des études d’impact préparées par l’administration, les services de Barbara Pompili ont donc organisé huit réunions thématiques de concertation entre le 11 et le 19 septembre en réunissant les acteurs économiques concernés, les citoyens, et les associations.

Pas de négociation

De l’avis des participants, si les discussions autour des transports ont été les plus tendues, les échanges sur l’agriculture et l’alimentation, tenues le 19 septembre, n’ont fait, eux aussi, que souligner les clivages existants. « Nous n’étions pas là pour négocier nos mesures, mais bien pour les présenter et les défendre », souligne Guy Kulitza, retraité et membre remarqué du groupe « Se Nourrir ». Si le processus d’élaboration des propositions avait fait la part belle à l’écoute, le ton s’est donc durci sur la phase d’application. Sans doute par peur que s’éloigne l’objectif du « sans filtre », auquel les participants sont si fermement attachés. C’est avec cette ambition renouvelée que les citoyens ont détaillé six de leurs mesures, sélectionnées avec l’aide de l’administration, devant les Chambres, les syndicats agricoles et les associations. Au menu du jour : suppression des produits classés CMR, la hausse de la TGAP sur les engrais, alignement du PSN sur les objectifs climatiques de la France, obligation d’un choix végétarien quotidien dans les cantines, mise en place d’une taxe sur les produits ultra-transformés, et renforcement de l’étiquetage environnemental des produits alimentaires. Autant de propositions, précise Guy Kulitza, qui forment « un projet global ». « Pour aller vers l’agroécologie, il faut appliquer la totalité des mesures du rapport, c’est un ensemble », insiste le retraité.

Trop vite, trop fort

Ce ton assuré est loin d’avoir conquis les professionnels. « On est sur un positionnement dogmatique. Les citoyens ont été plutôt négatifs que constructifs. Notamment sur les produits phytosanitaires, le projet ne tient pas compte des efforts déjà réalisés », s’agace Thierry Coué, vice-président de la FNSEA en charge des dossiers environnementaux. Si le ton heurte, la méthode aussi. « Tout ça manque d’évaluation, de concertation. Ça va à une vitesse folle », regrette Thierry Coué. Une analyse que partagerait selon lui la DGAL. La Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab), déçue par l’action de l’administration et du gouvernement, avait décidé de son côté de boycotter la réunion agricole. « On ne sait pas comment les mesures ont été sélectionnées, d’ailleurs la mesure sur le développement de la bio n’est même pas traitée », s’est agacé Guillaume Riou, président de la Fédération, dans un communiqué. D’autres associations, dont Greenpeace ou Amis de la Terre, avaient également décidé de laisser leur chaise vide.

Aucun texte n’est arbitré

Dans ce contexte tendu, le ministère de la Transition écologique veut rassurer : « Les administrations ont rédigé des choses, mais aucun texte n’est arbitré », précise l’équipe de Barbara Pompili. Les études d’impact présentées lors des réunions de concertation ne sont que « des premiers résultats ». Et pendant que les administrations planchent sur des études plus détaillées, les transcriptions des réunions de concertation seront envoyées à chaque participant « afin que chacun puisse corriger et vérifier les propos tenus, notamment pour vérifier certaines données ». Ce travail sera réalisé dans les prochaines semaines afin de présenter un premier projet au groupe de travail réunissant parlementaires et citoyens « courant octobre », en vue d’un vote à l’Assemblée en janvier 2021. Entre les espoirs des citoyens, l’équilibrisme ministériel, et l’agacement des professionnels, difficile aujourd’hui de savoir à quel point la loi ressemblera au rapport voté par les citoyens lors de leur dernière session officielle. Pour l’heure, l’entourage de Barbara Pompili confie seulement que « certaines propositions légistiques des citoyens ne traduisent pas vraiment leur intention », et que l’administration « se permettra de proposer des textes plus fidèles », sous réserve de l’avis favorable du groupe de travail.

I. L.