COURNON
L’Ardèche et l’aubrac, une idylle qui ne fait que commencer

Mylène Coste
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COURNON / Ils prévoyaient de participer cette année au concours national aubrac lors du Sommet de l’élevage… qui a été reporté à 2021 au regard de la crise sanitaire. Rencontre avec des éleveurs passionnés.

L’Ardèche et l’aubrac, une idylle qui ne fait que commencer
Farandole, la belle aubrac du Gaec Benoit, compte déjà plusieurs prix à son palmarès.

Le Gaec Benoit à Saint-Etienne-de-Lugdarès

Le Gaec Benoit à Saint-Etienne-de-Lugdarès
La famille Benoit au grand complet

Faut-il encore les présenter ? Alain et Marc Benoit sont presque des habitués des concours bovins. Et ils ont de qui tenir : leur père Gilles leur a transmis depuis tout jeunes la passion de l’élevage, de la génétique et de la race aubrac !

Tous les trois associés aux côtés de leurs conjointes respectives Françoise, Alexandra et Violine au sein du Gaec Benoit, ils élèvent 98 mères et suites à Saint-Étienne-de-Lugdarès, mais aussi 450 poules pondeuses. L’exploitation compte 400 ha de surfaces (10 ha de céréales pour engraissement, 25 ha de prairies temporaires, 55 ha de prairies naturelles et le reste en pâturages). « Nous vendons également un certain nombre de bêtes pour la reproduction. Pour la viande, nous commercialisons tout en direct, précise Marc Benoit. C’est beaucoup de travail, mais permet d’avoir une bien meilleure valorisation et une constance toute l’année. »

L’aubrac, une vielle histoire d’amour

À la ferme des Benoit, il n’y a pourtant pas toujours eu de l’aubrac. « Notre père, qui s’est installé en 1987, a d’abord eu des salers. Mais il a rapidement changé pour l’aubrac, race qu’il a toujours préférée », rappelle son fils aîné Alain. « Notre troupeau est inscrit au Herd Book depuis 1995, et nous avons agrandi le cheptel au fils des années, passant de 45 à 98 aujourd’hui. » Le Gaec a aussi investi dans de nouveaux bâtiments ou dans l’agrandissement de ceux existants.

« Nous avons rejoint le syndicat aubrac lozérien dans les années 1995, à une époque où il y avait encore peu d’aubrac en Ardèche, indique Alain Benoit. C’est là que nous avons commencé à participer à des concours. »

La famille Benoit connait bien Cournon : elle n’a pas manqué une seule édition depuis 2008. Cette année, pour le national aubrac, le Gaec Benoit envisageait de présenter 9 bêtes, dont un prix d’ensemble… Partie remise !

Sébastien Favata à Loubaresse

Sébastien Favata à Loubaresse
Sébastien Favata, jeune mais déjà très engagé au service de la race aubrac.

Il n’était pas issu du milieu agricole… Et pourtant, Sébastien Favata semble avoir la passion de l’élevage dans le sang ! Après des études dans la mécanique, ce jeune éleveur s’est finalement tourné vers l’agriculture et a démarré son activité en 2014 comme cotisant solidaire sur les terres de ses grands-parents à Loubaresse. Parallèlement, il a travaillé au sein des services de remplacement de Saint-Etienne-de-Lugdarès, ce qui lui a permis d’emmagasiner de l’expérience. Il s’est installé en tant qu’exploitant agricole en 2016, et compte aujourd’hui 120 ha de surfaces dont 20 ha de prairies temporaires, le reste en pâturages. Il cultive aussi 1 ha pomme de terre et produit du miel. « J’ai toujours voulu m’installer à Loubaresse, je suis un amoureux du pays ! »

Dès le départ, il a opté pour la race aubrac. Il possède aujourd’hui 70 bêtes (28 couples mère/veau, des génisses de renouvellement et des taureaux). Il produit une grande partie du foin pour l’affouragement sur ses terres, certaines étant situées à Largentière, où vivent ses parents. « J’achète également un peu de foin sur pied pour compléter la ration. » Il vend toute la viande en direct mais également quelques génisses et taureaux à la reproduction.

« Progresser en matière de génétique »

Passionné par la race, il a rejoint le syndicat ardéchois dès sa création est en est le vice-secrétaire. « Les journées techniques nous apportent beaucoup : celle sur le dressage m’a, par exemple, énormément servi. » Il a également participé à différents concours, notamment le national aubrac à Laissac en 2018 ou le concours interdépartemental à Varennes-sur-Allier l’an passé.

« Les concours permettent de se comparer aux autres, de voir quels objectifs sont attendus au niveau de la race : avoir de bonnes lignes de dos, de bons aplombs, avoir de bonnes laitières… Cela permet de progresser, c’est toujours très enrichissant mais aussi convivial ! Cela peut aussi apporter un peu de publicité pour nos élevages. »

Sébastien Favata est également inscrit au VA4, le contrôle de performance de la Chambre d’agriculture : « Deux pesées sont effectuées chaque année, une au mois de mai puis une en septembre au moment du sevrage. Cela permet de voir quelles vaches sont les plus productives. Le technicien fait également un pointage des veaux au sevrage pour évaluer la conformation ».

Nicolas Ginier à Malarce-sur-la-Thine

Nicolas Ginier à Malarce-sur-la-Thine
Tristan Pailhès (à gauche) doit bientôt s'installer avec son oncle Nicolas Ginier (à droite) dont il partage la passion pour la race aubrac.

« Pourquoi l’aubrac ? Parce qu’elle est belle ! » C’est par passion pour cette race allaitante que Nicolas Ginier a développé un troupeau 100 % aubrac. Par passion, mais pas seulement : « Pour moi, c’est la race la mieux adaptée à nos terrains séchants : elle parvient à valoriser la ressource, même sèche. » Un critère qui a son importance à Montselgues, où Nicolas Ginier élève aujourd’hui une cinquantaine de mères. « Cet hiver, j’ai eu 43 vêlages, et l’objectif et d’arriver à 53 l’hiver prochain. »

Cet éleveur s’est installé en 2009 l’exploitation familiale et y a développé le troupeau d’aubrac. Il travaille avec son neveu Tristan Pailhès, aujourd’hui son salarié mais bientôt son associé. « Nous avons également le projet de diversifier l’élevage avec un atelier porcin et un atelier ovin, pour la vente directe », indique Nicolas Ginier. L’exploitation compte 230 ha en location : la majorité en pâturage, notamment 180 ha de pâturages d’un seul tenant autour de Montselgues, ainsi que 25 ha en prairies de fauche irrigués pour l’ensilage de printemps sur des terres plus basses.  « Nous faisons également un peu de sorgho et de châtaigne ».

« Le confinement a boosté la vente directe »

Toute la viande produite par Nicolas Ginier est vendue en direct, avec des points de livraison en vallée du Rhône et autour d’Aubenas. Une affaire qui marche : « Je fais environ une génisse par mois, voire deux depuis le confinement qui a boosté la vente directe »

Inscrit au Herd Book tout récemment, Nicolas Ginier s’est pris de passion pour la génétique et a rejoint le syndicat aubrac dès le début. « Nous sommes un bon groupe d’éleveurs motivés ! Se retrouver, échanger, et avancer sur la génétique pour faire progresser le cheptel, c’est un plaisir. »

Aussi l’éleveur a-t-il participé l’an dernier au concours interdépartemental aubrac de Varennes-sur-Allier, une expérience qui lui a plu. 2020 devait marquer la première participation de Nicolas Ginier et Tristan Pailhès à Cournon… Il faudra attendre 2021.

Corentin et Stéphane Blanc au Crestet

Corentin et Stéphane Blanc au Crestet
Stéphane, Corentin Blanc et Louisiane, qui a remporté l'an dernier un premier prix lors de l’interdépartemental aubrac de Varennes-sur-Allier.

Sur l’exploitation de la famille Blanc, où Stéphane a d’abord travaillé avec son père et son frère, il n’y a longtemps eu que des arbres fruitiers. Les choses ont changé il y a une dizaine d’années, avec l’arrivée des premières vaches ! « J’ai eu envie de diversifier un peu l’activité avec quelques animaux, d’abord et avant tout par passion ! Avec mon fils Corentin – aujourd’hui en cours d’installation sur l’exploitation -, nous sommes partis dans le Cantal pour acheter des salers… Et nous sommes finalement revenus avec deux belles aubracs ! »

Rapidement, le troupeau grimpe à une dizaine de bêtes, pour atteindre aujourd’hui 25 vaches et leurs suites. L’exploitation compte aussi 13 ha de cerisiers (essentiellement sur la commune de Désaignes) et 2 ha de châtaigniers, une soixantaine d’hectares de prairies et pâturages dont 25 ha de prairies temporaires.

« L’aubrac s’adapte facilement à toutes les situations »

Pourquoi avoir choisi l’aubrac ? « Elle est rustique, capable de s’adapter à toutes les situations, affiche Corentin Blanc. Elle est capable de maigrir pour nourrir son veau puis de reprendre rapidement. » L’exploitation vend toute la viande en direct, localement et dans la vallée du Rhône, tandis qu’elle place chaque année au moins un veau à la station de la race Aubrac.

Trésorier du syndicat aubrac, Corentin Blanc affiche : « On essaie de gagner en performance avec la génétique. C’est non seulement passionnant, mais cela peut aussi se ressentir sur la qualité des produits. » Avec son père, il a déjà participé à plusieurs concours aubac : le national à Laissac, mais également l’interdépartemental de Varennes-sur-Allier où Louisiane (photo) a reçu un premier prix ! « Les concours permettent de se comparer, de voir où sont les progrès que nous avons à faire, mais aussi de rencontrer des éleveurs d’autres territoires. »

Cournon, ce devait être une première ! Les exploitants avaient prévu d'y présenter deux couples mère-veau. « L’introduction d’une catégorie « couple » au National aubrac me paraît intéressant, affirme Stéphane Blanc. C’est bien d’avoir une belle vache, mais il faut qu’elle puisse élever un joli veau ! »

Mylène Coste

Les amoureux de l’aubrac sont de plus en plus nombreux

SYNDICAT ARDÉCHOIS AUBRAC / Tout jeune, le syndicat ardéchois de la race aubrac compte déjà de nombreux adhérents parmi lesquels beaucoup de jeunes éleveurs.

L'aubrac s'adapte parfaitement au terrain séchant ardéchois tout en étant très maternelle.

L’idée trottait dans la tête d’Alain Benoit depuis longtemps… Finalement, Jérémy Roux (Genestelle) et Jérémy Duc (Lachamp-Raphaël) ont osé franchir le pas en organisant une première réunion d’éleveurs d’aubrac fin 2017 ! « C’est ainsi qu’a été créé le syndicat ardéchois de la race aubrac, indique Alain Benoit, président du syndicat. De plus en plus d’éleveurs du territoire optaient pour cette race ces dernières années, c’était le moment ! » La dynamique semble perdurer jusqu’à aujourd’hui : « Chaque année, de nouveaux éleveurs nous rejoignent, y compris de nombreux jeunes. Nous comptons près d’une trentaine d’adhérents, dont une dizaine qui ont inscrit leur troupeau au Herd Book », annonce Alain Benoit. Le syndicat organise chaque année une présentation d’animaux de la race, mais également une journée technique – cette année sur le thème du dressage – et une visite d’exploitation à l’occasion de l’assemblée générale. « Cela permet de nous retrouver, d’échanger sur différents sujets techniques mais aussi de partager des moments de convivialité ».

Par ailleurs, les syndicats aubrac de différents départements hors berceau (dont l’Ardèche) ont créé un groupe dans le but d’organiser des rencontres autour de la race. En septembre 2020, un week-end dans le secteur de Laguiole a été proposé. Au programme : deux journées de visites, des repas partagés et une soirée conviviale. Suivront chaque année des séjours dans un nouveau département : Loire, Allier, Puy-de-Dôme, Haute-Loire, Pyrénées... et Ardèche!