PRÉDATION
« Si le loup reste, on n’a plus d’avenir »

Le préfet de l’Ardèche Thierry Devimeux s’est rendu vendredi 25 novembre à Berzème, au Gaec Ladreyt, victime quelques jours plus tôt d’une attaque de loup causant la mort de 11 brebis. Il a affiché son soutien aux éleveurs, parfois tentés de baisser les bras.

« Si le loup reste, on n’a plus d’avenir »
"La prédation est une épée de Damoclès avec laquelle il faut qu’on apprenne à vivre, et il faut surtout qu’on fasse bloc", a affirmé le préfet Thierry Devimeux.

« La compassion, je m’en fous. Ce que je veux, c’est une réponse : est-ce que je reste ou est-ce que je mets la clé sous la porte ? » Voix chevrotante, les premiers mots de Mathieu Ladreyt sont lourds d’émotion. Autour de lui, de nombreux voisins et collègues sont là. Certains ont eux aussi subi des attaques de loup dans les mois passés. Et tous se posent la question : entre le loup et les éleveurs, qui gagnera la partie ? « Mon fils m’a dit il y a quelques jours qu’il voulait s’installer. Mais je ne sais pas si j’ai envie de ça pour lui, affirme Mathieu Ladreyt. Si le loup reste, on n’a plus d’avenir. Si on ne fait rien, on n’aura plus d’élevage, le Coiron deviendra un gros buisson et il faudra venir arrêter les incendies. »

Vanessa Vivert, dont le troupeau a également été attaqué en avril dernier, lance : « On est épuisés par la situation. Chez nous, le loup a attaqué à 20 m de la maison. C’est traumatisant pour les éleveurs, mais aussi pour nos enfants qui ne parlent que du loup, à l’école, à la maison… »

Le préfet réaffirme son soutien aux éleveurs

Invités par le syndicat départemental ovin (SDO) et la FDSEA, le préfet Thierry Devimeux, les représentants de la DDT et de l’OFB étaient présents. S’adressant à Mathieu Ladreyt, le préfet a soutenu : « Bien sûr que votre fils va s’installer. Et d’avouer : Après les attaques de loup de l’an dernier, j’ai vraiment espéré qu’il ne s’agissait que d’une vague qui allait passer. Mais on voit bien que non. Le loup est déjà installé dans la Drôme et il lui suffit de traverser le Rhône. » Il a réaffirmé son soutien entier aux éleveurs. « Je comprends votre colère mais sachez qu’on a déjà avancé par rapport à l’an dernier : on a défini des zones où l’on peut se défendre très vite avec les tirs de défense, on a des outils financiers pour se doter de moyens de défense… Et en 2023 on pourra mettre en œuvre des moyens collectifs. »

« Les tirs de défense, c’est très bien ; mais tirer un loup de nuit, c’est impossible, affiche Alain Crozier, président du SDO. Il faut que la Brigade loup vienne former nos lieutenants de louvèterie car on n’y arrivera pas seuls. Et plutôt que de mettre de l’argent dans des moyens de protection coûteux et peu efficaces, pourquoi ne pas investir dans des systèmes d’alerte caméra en cas de détection du loup ? »

Avancer vers la reconnaissance de la non-protégeabilité

Sur le modèle de l’Aveyron, l’Ardèche travaille à définir des critères de non-protégeabilité des parcelles sur plusieurs zones du département. Cela permettrait aux éleveurs de ces zones d’être exemptés de la mise en place de mesures de protection (clôtures, patous) pour obtenir des tirs de défense. « Mais il faut se donner le temps et la rigueur pour faire ce travail si on veut qu’il soit validé, souligne le préfet. En attendant, il faut vous protéger individuellement : les autorisations de tirs de défense doivent être renouvelées : faites la demande rapidement ! Organisez-vous à plusieurs éleveurs pour la surveillance des troupeaux. Il faut que tout le monde joue la carte de la protection. »

Il ajoute : « La prédation est une épée de Damoclès avec laquelle il faut qu’on apprenne à vivre, et il faut surtout qu’on fasse bloc. Si on commence à se tirer dans les pattes, c’est le loup qui gagnera. Ne vous découragez pas. »

M.C.

Ils ont dit...
Matthieu Salel

Ils ont dit...

Matthieu Salel, vice-président du Département en charge de l’Agriculture : « On est en plein paradoxe. D’un côté, on met des moyens publics pour encourager le pastoralisme et maintenir les milieux ouverts ; de l’autre, on ne fait rien contre la prédation du loup.  Je le dis et je l’assume, le loup n’est pas compatible avec le pastoralisme. Les structures qui défendent le loup ne toucheront plus un centime du Département. »

Fabrice Brun

Fabrice Brun, député : « La situation est insupportable. C’est pourquoi, sous l’impulsion de mon collègue député lozérien Pierre Morel, et avec 40 parlementaires, nous allons attaquer l’Etat en Justice, au pénal, pour inaction face à la prédation du loup. L’État doit protéger les éleveurs. »

Yannick Génard, maire de Berzème : « La situation est complexe car on l’a rendue complexe. Maintenant, il faut vraiment entendre les éleveurs et se donner les moyens d’agir contre le loup. »

 

 « Si on ne fait rien, on n’aura plus d’élevage, le Coiron deviendra un gros buisson et il faudra venir arrêter les incendies », a déclaré Mathieu Ladreyt.
« Si on ne fait rien, on n’aura plus d’élevage, le Coiron deviendra un gros buisson et il faudra venir arrêter les incendies », a déclaré Mathieu Ladreyt.
Triste anniversaire...

Triste anniversaire...

Il y a trente ans, le loup réapparaissait sur le territoire national après avoir disparu depuis 1937. C'est en effet le 4 novembre 1992 que deux loups sont observés pour la première fois depuis des décennies par un agent du parc national du Mercantour. Réintroduction volontaire ou pas, la question n’a jamais été élucidée. Si la présence du loup avait été maîtrisée, l'anniversaire aurait pu être salué par tous. Mais aujourd’hui, la croissance de la population semble hors de contrôle. Le loup est présent dans près de 50 départements français, parfois là où on ne l’avait jamais vu. Depuis 30 ans, sa présence a bouleversé l’activité pastorale. Les attaques sur troupeaux se sont multipliées, avec des conséquences économiques et psychologiques considérables pour les éleveurs et leurs famille.

Une avancée vers la révision de la Convention de Berne

Jeudi 24 novembre, les Eurodéputés réunis à Strasbourg ont voté une résolution sur les grands carnivores (loup, ours, lynx). Cette résolution doit, selon l'eurodéputé français Jérémy Décercle, « donner plus de flexibilité à la réglementation pour agir ». Une bonne nouvelle dans la perspective de la prochaine réunion du comité permanent de la Convention de Berne, qui doit se réunir du 29 novembre au 2 décembre prochain à Strasbourg. Elle examinera la requête relative à la révision du statut des grands carnivores dans la Convention de Berne, comme le demande la FNO. Affaire à suivre...