COMMERCIALISATION
Agriculture biologique : un marché en mouvement

Depuis quelques années, les rayons bio des supermarchés comme les enseignes spécialisées ne cessent de se développer. Grandes enseignes, industriels et producteurs s’organisent pour s’adapter au mieux à cette tendance de fond.

Agriculture biologique : un marché en mouvement
Stéphanie Jacq, directrice des achats pour Charles et Alice ; Benoît Soury, directeur marché bio du groupe Carrefour et Nicolas Blaser, fondateur de la marque Enea Sence, ont échangé leurs visions du marché bio.

La sixième édition des Bio n’Days, convention internationale des produits bio organisée par le Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes, s’est déroulée du 9 au 11 juin dernier. Elle a donné lieu à de nombreux débats et interventions sur les spécificités de ce marché, et notamment sur la place du bio en grandes et moyennes surface (GMS) à travers la conférence « Un marché bio mouvant : comment se positionner ? » L’évènement a rassemblé des profils variés impliqués dans la commercialisation du bio à différentes échelles : Benoît Soury, directeur marché bio du groupe Carrefour ; Nicolas Blaser, fondateur de la marque de produits de phytothérapie bio Enea Sence et Stéphanie Jacq ; directrice des achats pour la marque de compotes et desserts Charles et Alice. Les trois intervenants ont donné tour à tour leur vision du marché biologique et les défis que ce dernier représente.

Des acteurs très diversifiés

« De par mon expérience, je ne maîtrisais pas et je ne maîtrise toujours pas la commercialisation dans le monde du bio », constate Nicolas Blaser. Cet entrepreneur a cofondé en mars 2020 la marque Enea Sence qui propose différents produits basés sur la valorisation de déchets forestiers. « Nous avons une vue partielle du marché car nous ne sommes distribués qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, mais on constate qu’en bio il existe surtout des grosses enseignes avec des magasins intégrés et des plus petites enseignes avec des magasins satellisés. » Les huiles essentielles, produits d’aromathérapie et infusions que propose Enea Sence sont élaborés à base de branches et d’aiguilles d’arbres certifiées AB par Ecocert. Elles sont issues d'exploitations forestières gérées durablement par l'ONF, principalement situées en Aura. La distillation pour extraire les huiles essentielles est ensuite réalisée dans la Drôme. La marque est présente dans une centaine de points de vente, essentiellement en magasins spécialisés AB. « La plus grande surprise, c’est de se retrouver confrontés à de grandes enseignes qui fonctionnent avec des centres d’achat, qui demandent des gros volumes à négocier et des tarifs importants. Il nous faut donc adapter notre offre et notre production à leurs besoins, tandis qu’en parallèle nous travaillons aussi avec des petits indépendants qui ont besoin de mini volumes et sont plus flexibles », résume Nicolas Blaser. Parmi les grandes enseignes leader du bio, on retrouve le groupe Carrefour. L’entreprise, qui a récemment inscrit la transition alimentaire dans ses statuts, est devenue en quelques annése le leader du bio en GMS, en France mais aussi dans d’autres pays d’Europe comme l’Italie, la Belgique ou la Pologne « La transition alimentaire est un des objectifs de transformation principaux du groupe, au même titre que le digital », explique Benoît Soury, directeur marché bio de Carrefour. Depuis 2017, la marque a lancé son programme Act for food, aux engagements multiples : augmentation de la traçabilité, accompagnement des agriculteurs dans la conversion… « Nous voulons aussi être un acteur significatif dans l’engagement vis-à-vis des filières : sur la marque Carrefour bio, nous nous engageons à ce que l’ensemble des fruits et légumes, le porc, la volaille et le bœuf soit certifié origine France. Pour ce faire, plus de 2 600 agriculteurs, éleveurs et viticulteurs sont engagés auprès de Carrefour », explique le directeur bio de carrefour. Ces engagements de producteurs avec l’enseigne ne sont généralement pas exclusifs, mais ils s’inscrivent dans la durée : les contrats durent trois à cinq ans en moyenne. « Pour être capable d’accompagner les périodes de conversion vers l’agriculture biologique », indique-t-il.

Des filières bio à développer

Si le bio a pris de l’envergure dans de nombreux domaines de consommation, certaines filières sont encore à développer. Chez Charles et Alice, marque spécialisée dans les compotes et desserts fruités, certains fruits sont encore compliqués à trouver en bio dans l’hexagone. « Nous nous sommes récemment lancés sur deux contrats longue durée avec des producteurs de poire william et guyot bio. Nous avons également signé un contrat pour du cassis bio bourguignon, compliqué à trouver en France, sur 10 ans. Cela permettra de développer l’offre pour nos consommateurs », explique Stéphanie Jacq, directrice des achats pour la marque. Commercialisant à la fois des compotes conventionnelles et certifiés agriculture biologique, la marque a enregistré une augmentation de 25 % de ses ventes de compotes AB en GMS l’année dernière, contre 4 % pour les compotes classiques. « Pour nous, le bio c’est d’abord du fruit français, ou a minima certifié commerce équitable », affirme Stéphanie Jacq. « Nous voulons continuer à développer des partenariats avec des producteurs et des transformateurs, et créer de nouvelles recettes made in France ». Pour se faire, la marque souhaite accompagner le développement de nouvelles filières bio manquantes, comme la poire, l’abricot, la fraise ou encore la rhubarbe.

Zoé Besle