Caprins bio
Recourir au lait acidifié

Françoise Thomas
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C’est par un concours de circonstances que Loïc Orjebin et Linde Teubner, éleveurs caprins en bio installés à la Ferme de Blanet à Donzy-le-National, ont opté pour le lait kéfir pour leurs cabris. Une solution très bénéfique qui demande cependant un peu d’organisation.

Recourir au lait acidifié
Dans ce grand bac, Linde Teubner verse le lait de vache sur les grains de kéfir. En quelques heures, elle obtient un lait particulièrement digeste pour ses chevreaux en plus d’avoir été économiquement très intéressant face aux poudres de lait habituelles.

Éleveurs caprins en bio, Loïc Orjebin et Linde Teubner subissent de plein fouet, comme tous leurs collègues de la filière, l’augmentation de la poudre de lait pour nourrir chevreaux et chevrettes. Avec un prix ayant plus que doublé en l’espace de quelques mois, « il fallait absolument trouver une solution », expliquent-ils.
Il se trouve qu’au cours d’un stage en Allemagne, Linde avait découvert le nourrissage des cabris effectué « à base de lait de vache, de petit lait et de vinaigre, le tout distribué froid… ».
Pour reproduire ce phénomène, outre le vinaigre, on peut aussi utiliser « de la poudre de kéfir que l’on trouve facilement à acheter ». Mais, toujours en vue d’être à la fois autonome et de maîtriser les coûts, le couple choisit de faire lui-même son levain à partir de graines de kéfir. « En plus, nous en consommons et en fabriquons déjà pour nous-mêmes », relate Linde.

Ainsi, leurs premiers essais remontent à il y a trois – quatre ans, « et depuis deux ans, nous ne donnons plus que du lait kéfir à nos chevreaux ».

Un processus à enclencher…

Le principe suivi est de nourrir normalement les chevreaux avec le colostrum sur toute la période de mise bas et tant qu’il y en a, puis de progressivement compléter le volume de colostrum par du lait kéfir. La transition se fait ainsi naturellement. En tant qu’éleveurs en bio, Loïc Orjebin et Linde Teubner se doivent d’acidifier du lait de vache bio. Heureusement, un éleveur laitier bio est installé près de chez eux, permettant là aussi une maîtrise des coûts au plus raisonnable.
« Je commence à préparer le kéfir environ deux semaines avant le début de la mise bas ». Linde fait ainsi se multiplier ces levures pour en avoir en quantité suffisante lorsque la période de nourrissage des chevreaux et chevrettes battra son plein.
Pour couvrir leur besoin quotidien maximal de 50 à 60 l de lait pour les cabris, les éleveurs achètent quotidiennement en moyenne une quarantaine de litres de lait de vache, en sachant que Linde « rallonge d’un tiers de petit-lait au moment de donner les biberons ».
L’éleveuse est très satisfaite de cette pratique : « par rapport à la poudre de lait, c’est beaucoup plus digeste et nous avons pu constater la fin des problèmes de diarrhées ».

… et à surveiller

Cependant, l’anticipation est primordiale, car cela demande plusieurs heures de fermentation (de 12 à 24 h) et « la température est essentielle à prendre en compte », car « plus la température est élevée, plus les champignons se multiplient et plus ça caille vite », détaille-t-elle.
Elle se base sur « l’épaisseur, l’odeur et le goût » pour savoir si le lait acidifié peut être distribué. Une fois le temps suffisant écoulé, elle filtre le tout et récupère d’un côté le lait pour les cabris, de l’autre les graines de kéfir à réserver pour le prochain processus de fermentation.
L’éleveuse reconnaît quelques contraintes à la mise en œuvre : « nous travaillons avec du vivant, cela change tout le temps, il faut donc bien surveiller la quantité de grains par rapport à la quantité du lait et maîtriser la température ».
Selon le même principe de favoriser les « bonnes bactéries » et ainsi limiter les risques sanitaires liés aux parasites, Linde ensemence aussi régulièrement la litière où se trouvent les chevreaux.

L’avis du technicien

Frédéric Pacaud d’Acsel Conseil élevage reconnaît volontiers plusieurs avantages à la pratique, « la fermentation a un avantage du point de vue digestif, car la prédigestion des protéines évite les problèmes de ballonnements et de diarrhées », et cela d’autant plus pour les éleveurs caprins qui ont recours à du lait de vache.
Avec ce procédé, aucun risque de fait de transmission via le lait des maladies caprines type Caev (ou maladie des gros genoux) ou mycoplasme. « Cependant, le lait acidifié n’est pas la seule solution à envisager si un élevage caprin rencontre ce genre de problème », précise-t-il. En revanche, cette pratique n’empêche pas la transmission de la paratuberculose, d’où l’importance de connaître le statut sanitaire des bovins qui fournissent le lait. Et il faut bien noter que les risques de transmissions de Caev, mycoplasme et paratuberculose demeurent si l’on acidifie du lait de chèvre.

« L’autre avantage intéressant que j’ai pu constater est la facilité de nettoyage » de l’ensemble des ustensiles, le lait acidifié accrochant beaucoup moins les surfaces que les autres laits.
Pour lancer le processus, cela demande organisation et un minimum d’anticipation, « mais aucun des éleveurs que je connais qui se sont mis à cette pratique n’est revenu en arrière », constate-t-il.

Côté coût, « pour un éleveur caprin, cela n’est intéressant que s’il n’arrive pas à valoriser tout le lait de chèvre en fromage. S’il a recours au lait de vache, cela est rentable ». Il faut environ 160 gr de poudre de lait pour obtenir un litre de lait. La poudre de lait bio est à 5.000 € /tonne. La poudre de lait conventionnel est aux alentours de 2.000 €/tonne.
En parallèle, la tonne de litre de lait de vache bio est autour de 450 € les 1.000 litres, ce qui revient au final pas tout à fait à un coût réduit de moitié, mais qui est de toute façon très intéressante.

Enfin, il faut noter que l’acidification du lait peut aussi se faire à partir de yaourt ou de présure.