BAIX
Le Draaf à l’écoute de l’agriculture ardéchoise

Marin du Couëdic
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Michel Sinoir, directeur régional de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (Draaf), s’est déplacé sur le verger de Joséphine Martin à Baix, le 25 février, pour s’entretenir avec les représentants de la profession. L’occasion de balayer l’ensemble des sujets cruciaux pour l’agriculture ardéchoise.

Le Draaf à l’écoute de l’agriculture ardéchoise
Michel Sinoir, directeur régional de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (au centre), au côté d'une partie des représentants de la profession agricole en Ardèche.

La rencontre s’est déroulée sous les abricotiers en fleurs, un jour de grand vent. Ce vendredi 25 février, c’est à l’abri d’une haie de belle hauteur, rempart agroforestier de circonstance, que le directeur régional de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (Draaf) en Auvergne Rhône-Alpes s’est longuement entretenu avec les élus et représentants de l’agriculture ardéchoise – la Chambre d’agriculture de l’Ardèche, la FDSEA, les Jeunes agriculteurs, ou la MSA – accompagnés de quelques élus locaux. Toutes et tous ont profité de ce déplacement sur le terrain de Michel Sinoir, invité par le préfet de l’Ardèche, pour balayer l’ensemble des sujets agricoles du moment sous un prisme départemental. « Je suis à l’écoute de la profession sur ce qui va bien et ce qui va moins bien sur votre territoire. J’essayerais d’apporter des réponses à toutes vos questions », a indiqué en préambule le représentant de l’État.

Des questions et des interventions, il y a en a eu lors de cet échange sans langue de bois depuis l’exploitation agricole de Joséphine Martin (Earl Les Vergers de mon Papé), installée à Baix depuis 2020. Sur ce verger fortement impacté par l’épisode exceptionnel de gel du printemps dernier, c’est en toute logique que les discussions se sont d’abord tournées vers les aléas climatiques et le dispositif d’aide d’urgence débloqué pour y faire face. « Sur cette parcelle, nous avons récolté 17 kg d’abricots au lieu de 11 tonnes à pleine production. Au total, nous avons perdu 80 % de nos abricots et 40 % de nos kiwis », a exposé l’arboricultrice âgée de 31 ans au directeur régional.

« Ces aides nous ont permis de sortir la tête de l’eau », a souligné Joséphine Martin. La cheffe d’exploitation a notamment commencé à préparer l’avenir en investissant une partie de la somme reçue dans du matériel d’irrigation agricole raisonnée, autre sujet majeur sur le territoire (lire ci-dessous).

« Nous pouvons nous féliciter du travail conjoint mené entre la profession et l’État sur les aides exceptionnelles qui ont suivi cet épisode climatique sans précédent, a déclaré Benoit Claret, président de la Chambre d’agriculture. Si nous sommes dans la dernière ligne droite pour accompagner les derniers agriculteurs concernés, il reste beaucoup à faire sur l’assurance récolte, notamment en arboriculture, une filière peu assurée jusqu’à aujourd’hui » a poursuivi l’élu, alors que le nouveau régime assurantiel agricole vient tout juste d'être voté par le Parlement.

Les cotisations sociales au menu

Si les élus ont loué des aides gel qui ont « globalement bien fonctionné », ils ont ainsi mis également l’accent sur les problématiques rencontrées par certains professionnels et les défis à relever pour demain.

Christel Cesana, présidente de la FDSEA, a attiré l’attention du Draaf sur les exploitations qui ont été durement touchées par les aléas en 2017 et en 2020 mais n’arrivent pas au seuil des 40 % de perte de récolte. « Ces agriculteurs attendent un peu plus de la prise en charge des cotisations sociales par la MSA notamment », a rapporté l’élue syndicale.

Michel Sinoir a manifesté sa compréhension mais a répondu que le système d’aides est plafonné par réglementation européenne (Lignes directrices agricoles de l’Union européenne).

« Nous serons conciliants sur un report des cotisations pour les agriculteurs qui n’atteignent pas les 40 % », a réagi de son côté Henry Jouve, président de la MSA. Ce dernier a aussi appelé à « discuter à nouveau » de la moyenne dite olympique (moyenne des rendements réalisés sur une culture de l’exploitation au cours des cinq dernières années), « qui descend inexorablement avec les aléas ».

Questionné par Christel Cesana sur les viticulteurs « orphelins » de tout dispositif d’aides, bien que touchés par les aléas climatiques et assurés, le Draaf s’est engagé à « faire remonter ces trous dans la raquette au préfet de région ».

Point sur la problématique cerise

Les représentants de la profession ont alerté le directeur régional sur l’impasse technique redoutée par les producteurs de cerise sur le département, avec la suppression programmée de la molécule Phosmet, face aux dégâts causés par le moucheron asiatique (Drosophila suzukii). « C’est un vrai sujet », a reconnu Michel Sinoir. Le directeur régional, qui a précisé qu’il n’avait « pas de solution satisfaisante pour le moment », a émis l’idée de réunir prochainement le comité technique régional sur cette culture « très importante dans la vallée du Rhône ».

La profession a aussi eu un mot sur la flambée des coûts des matières premières et les difficultés rencontrées par les agriculteurs, notamment sur l’alimentation du bétail et le prix du gasoil.

La question de l’agriculture biologique a aussi été abordée. Une question lancinante à l’Earl Les Vergers de mon Papé, quand l’exploitation entame sa première année avec le label après trois ans de conversion. « Nous nous questionnons au quotidien sur le fait de continuer ou pas en bio, particulièrement sur les abricots. Outre les soucis de calibrage et la conservation, c’est un marché moins mature commercialement avec des débouchés difficiles », relève Émilien Nègre, responsable de la société de commercialisation reliée à l’exploitation agricole (Taga Fruit).

Joséphine Martin et les représentants de la profession ont appelé à ce que la production bio soit vendue à sa « juste valeur », en tenant en compte du coût des engrais et de la main-d’œuvre, plus importante en bio.

En fin de rencontre, Michel Sinoir a tenu à louer « l’agilité » de Joséphine Martin, qui a repris la ferme familiale après un premier parcours professionnel dans la gymnastique. « Votre profil est passionnant pour l’agriculture. Nous ne pouvons que vous souhaitiez une très belle saison agricole, à vous et à l’ensemble de l’agriculture ardéchoise. »

L’irrigation agricole au cœur des discussions
Les parcelles de l'Earl Les Vergers de mon Papé sont reliées au réseau d'irrigation de la plaine de Chomérac, qui nécessite aujourd'hui des travaux de rénovation.

L’irrigation agricole au cœur des discussions

EAU / La question de l’irrigation sur le territoire, et notamment de l’importance de la rénovation des réseaux de Chomérac et de Chassezac, a été plaidé auprès du Draaf Auvergne Rhône-Alpes.

Le lieu de rendez-vous n’avait pas été choisi par hasard. L’exploitation agricole de Joséphine Martin, installée en bio depuis 2020 (12 ha d’abricots, 8 ha de kiwis, 3 ha diversifiés en pommes, figues et grenades) est irriguée par le réseau de la plaine de Chomérac, qui achemine l’eau du Rhône sur huit communes via un système de pompage. Un enjeu primordial pour la continuité des cultures face aux sécheresses successives et dans le cadre de la lutte antigel, ont rappelé les représentants de l’agriculture ardéchoise à Michel Sinoir, directeur régional de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (Draaf).

« L’irrigation par aspersion est la méthode la plus efficace à ce jour pour contrer le gel. Elle a cependant des limites car elle fragilise les arbres et dépend de l’accès à l’eau hors période estivale », a détaillé Christel Cesana, présidente de la FDSEA et arboricultrice à Orgnac-l’Aven.

Cet accès à la ressource en eau, il dépend notamment de l’état des réseaux d’irrigation, aujourd’hui vieillissants avec des pertes importantes. « Sur trois millions de mètres cubes d’eau pompés, seulement un million arrive à bon port », a signalé Yves Boyer, maire de Baix et président de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron (Arc). « Nous nous sommes également engagés, dans le cadre de ce projet de rénovation, à accompagner les agriculteurs sur l’utilisation raisonnée de l’eau en fonction des besoins du territoire et sur la préservation du foncier agricole », a poursuivi l’élu.

Le financement de l’État toujours en suspens

« Vous prêchez des convertis, l'État croit en l’eau agricole », a rassuré Michel Sinoir. Le directeur régional a estimé que « l’épisode de gel avait réveillé les consciences au niveau national, a fait évoluer les décisions en faveur de l’eau agricole raisonnée », à travers notamment le Varenne de l’eau et de l’adaptation au changement climatique. « Vos projets d’amélioration du réseau et d’économie en eau vont dans ce sens. »

Reste la question primordiale du financement de ces rénovations dans le cadre du plan de relance, dont le coût est estimé à 15 M€ pour les deux projets (Chomérac et Chassezac), alors que les investissements sur l’hydraulique agricole ont bénéficié à plusieurs départements voisins mais pas encore à l’Ardèche… « Je peux vous confirmer que ce projet a été mis en haut de la pile des dossiers du préfet de région. Vous pouvez attendre une réponse dans les prochaines semaines », a conclu le représentant de l’État.

Les Vergers de mon Papé
Emilien Nègre et Joséphine Martin, de l'Earl Les Verges de mon Papé, avec leur fille Olivia.